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Pourquoi, chrétien et progressiste, il ira manifester dimanche contre le mariage pour tous

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Jérôme Vignon, président de "Semaines de France", publie cette "tribune" dans le Monde sous le titre :

"Chrétien et progressiste, j'irai manifester contre le "mariage pour tous"

Lors de la présidentielle, les options principales du choix s'incarnaient dans la globalité de chaque programme. J'ai choisi de privilégier des critères qui me semblaient essentiels pour l'avenir : la justice sociale, l'accueil de la diversité et la cohésion, la priorité à la jeunesse.

Il fallait trancher dans une situation complexe, avec le risque de devoir affronter des débats face auxquels les Français devaient tôt ou tard, par-delà leurs appartenances politiques, éprouver la solidité du socle de leurs valeurs communes.

La question du mariage pour tous en faisait partie.

Tronqué, caricatural lors de son traitement par les médias audiovisuels, le débat aura au moins permis de révéler sur quelles méprises est établi le projet de loi examiné par le gouvernement en novembre 2012.

LES DISCRIMINATIONS ET LES VEXATIONS

Au point de départ se trouve une question juste. Comment ne pas reconnaître les discriminations et les vexations que notre société a infligées, dans sa longue histoire, aux personnes homosexuelles ?

Pourtant c'est une méprise que de confondre identité sexuelle, le fait d'être homme ou femme, et orientation sexuelle. C'est pourtant bien ce que fait le projet de loi. Loin de se ramener à aménager le mariage pour y offrir une place aux couples homosexuels, il modifie les conditions de la parenté pour tous les couples.

Il affaiblit pour tous les droits des pères, des mères. Il met en cause le droit des enfants à une filiation unique, en substituant, dans 16 articles sur 23, la notion floue de parents à celle précise de père et de mère.

Le "progrès" que constituerait pour les couples de même sexe un droit à l'adoption se paie d'un appauvrissement juridique et symbolique considérable.

Mais est-ce vraiment un progrès ? C'est encore une méprise, à tout le moins un malentendu, qui fait croire aux couples composés de personnes de même sexe qu'en obtenant le droit à l'enfant ils deviendront "comme les autres".

ALTÉRER LA FILIATION BIOLOGIQUE

Car les autres dont il s'agit ne disposent pas d'enfants. Ils donnent la vie. La vie humaine se donne ou se reçoit. Elle ne fait pas l'objet d'un droit. L'ampleur du malentendu apparaît dans toute sa simplicité lorsqu'on analyse les droits ouverts par la loi du point de vue des enfants.

La question n'est pas en effet de savoir si des parents de même sexe seraient ou non de bons parents, mais si les enfants dont on aurait a priori décidé d'altérer la filiation biologique vivraient heureux.

Interrogés à partir du point de vue des enfants et non plus de celui des parents, deux tiers des Français sont opposés à l'adoption par des couples de même sexe, selon le dossier de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) pour son audition à l'Assemblée nationale.

Méprise enfin sur l'origine sociale des droits et libertés fondamentales. C'est parce qu'une société existe, fondée sur des biens communs qui rattachent entre eux ses membres, que peuvent s'étendre les libertés qui donnent accès à ces biens.

L'esprit du projet de loi va dans le sens inverse : pour celui-ci, pas de bien commun mais seulement le consensus supposé du moment ; pas de référence stable même dans l'altérité homme-femme qui structure une société.

L'INFLUENCE DES GROUPES DE PRESSION ET LE MARCHÉ FERAIENT LES LOIS

Les droits naîtraient des exigences que chaque groupe s'estimerait en droit d'obtenir de la société quoi qu'il en coûte.

Il n'en coûterait rien d'ailleurs puisque la notion de bien commun serait perdue et l'espace public deviendrait celui des niches particulières. Les libertés s'y développeraient dans l'incohérence : le progrès technique, l'influence des groupes de pression et le marché feraient les lois.

Il y avait donc de quoi réfléchir et dialoguer. Il y avait de quoi prendre en considération une issue différente, équilibrée, à la question de la discrimination des couples vivant une union homosexuelle.

Plutôt que de réformer le régime de la parenté, le gouvernement aurait pu reconnaître la dignité de l'union de couples formés de personnes de même sexe, égale à celle de l'union de couples formés de personnes de sexes différents, en instituant pour eux une union civile.

Reconnue en mairie et garantissant aux conjoints de mêmes sexes des droits patrimoniaux et sociaux équivalents à ceux qu'accorde le mariage, l'union civile pourrait, comme en Allemagne, devenir le support d'une adoption simple par un des conjoints de l'enfant biologique de son partenaire et conforter sa sécurité.

Le texte gouvernemental et son étude d'impact négligent cette option proposée par l'UNAF avec la majorité des associations qui composent en France le mouvement familial. Le conseil des Semaines sociales de France la soutient.

ACCUEILLIR DE FAÇON JUSTE LES PERSONNES HOMOSEXUELLES

Le gouvernement a laissé au Parlement le soin d'organiser le débat. Les responsables de la commission des lois chargés de l'animer ont choisi une voie autoritaire excluant à l'avance un débat sur l'opportunité d'une telle loi.

Selon le président du groupe socialiste, l'engagement 31 et les amendements inquiétants auxquels il donnera lieu ne relèvent que du rapport de force politique et de rien d'autre.

Le président de la République qui a semblé un temps admettre une dimension de conscience se rétracta aussitôt. Il n'y a donc pas d'autre choix pour les opposants au projet de loi, tel qu'il est, que de se manifester, en conscience.

C'est ce que je ferai pour ma part en participant à la manifestation du 13 janvier. Non pour entrer dans une quelconque croisade. Je mesure bien le chemin que la société civile doit encore accomplir, au-delà des lois existantes, pour accueillir de façon juste les personnes homosexuelles.

Je manifesterai pour dire que notre République mérite mieux. Elle est capable de s'ouvrir aux libertés nouvelles, sans s'exonérer des responsabilités correspondantes, sans négliger les biens communs formés dans sa conscience. Gardons ensemble ce cap.

Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France

(Les Semaines sociales de France sont un observatoire de la vie sociale, dont l'objectif est de faire connaître la pensée sociale chrétienne et de contribuer au débat.)


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