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Où en est le droit canonique aujourd’hui ?

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Après avoir failli passer à la trappe après Vatican II, sous les coups de boutoir des idéologues de l’esprit du concile qui, au nom de la  « pastorale », voulaient  abolir celui des lois, la législation canonique fut réhabilitée sous le pontificat de Jean-Paul II (un nouveau code fut enfin publié en 1983, pour remplacer celui de 1917). Qu’en est-il aujourd’hui de l’enseignement de cette discipline universitaire et de son rôle dans l’Eglise et dans la société ?

Sous le titre « le droit canon : sa passion », le dernier numéro de la  Lettre trimestrielle DPN (des prêtres pour toutes les nations) a interrogé à ce sujet l’abbé Jean-Pierre Schouppe, membre de  la société sacerdotale de la Sainte Croix (Opus Dei ) :

schouppe1.jpg«  L’abbé Schouppe est né à Etterbeek en 1955. Docteur en droit canonique de l’Université de Navarre et licencié en droit UCL. Professeur de droit canonique à l’université  ponti­ficale de la Sainte-Croix à Rome, il enseigne les rapports entre l’Eglise  et la communauté politique ainsi que les droits de l’homme. Consulteur au Conseil ponti­fical pour les textes législatifs. Il a été « Défenseur du Lien » (1) au tribunal ecclésiastique de Malines-Bruxelles. Secrétaire du Groupe des Canonistes francophones ayant son siège à Louvain-la-Neuve,il s’investit également dans cette ville universitaire comme aumônier d’étudiants .

-On n’entend que très rarement parler du droit canon en Belgique. Pourquoi dès lors enseigner et étudier cette matière ?

Ce n’est pas parce que l’on n’en parle guère qu’il n’existe pas. Il y a notamment quatre tribunaux ecclésiastiques interdiocésains en Belgique – deux francophones et deux néerlandophones. Ils siègent régulièrement et traitent principalement les causes relevant du droit matrimonial (p.ex.nullité du mariage). Il est vrai que les médias n’invoquent le droit canonique qu’en cas de catastrophe comme la vente d’une église ou des cas de pédophilie. Par ailleurs, le droit canonique reste l’expression offi­cielle de l’Eglise catholique des valeurs qu’elle a toujours enseignées et sera de plus en plus un pôle juridique de référence pour le droit étatique en quête de repères et en panne de fondements (p. ex. en droit de la famille). D’autant que le système des droits de l’Homme, appelé à assumer un statut fondateur dans la société contemporaine, se cantonne dans une certaine ambiguïté qui fomente le relativisme et l’individualisme (2)

 -Où enseigne-t-on le droit canon ?

En Belgique, après la fermeture de la faculté de Louvain-la-Neuve, où le flambeau de la transmission de ce savoir a été repris par le dynamique Groupe de travail de canonistes (outre les quelques cours dispensés à l’UCL dans le cadre de la théologie), il reste la faculté de la K.U.Leuven qui enseigne essentiellement en anglais. En France, en plus des enseignements dispensés à Lyon et à Toulouse, il y a une faculté classique à Paris et une faculté strasbourgeoise d’enseignement à distance. A Rome, il y en a sept. La faculté de la Sainte-Croix, ou j’enseigne, est fréquentée par plus de 200 étudiants provenant de tous horizons. Les cours se donnent en italien mais le latin reste la langue officielle du Code. Comme pour les trois autres facultés de notre Université pontifi­ cale, la fidélité au Magistère de l’Eglise constitue une caractéristique essentielle de l’enseignement.

-Qui peut suivre ces cours ?

 Tout un chacun, hommes, femmes, laïcs, séminaristes, prêtres, religieux… pour autant qu’ils disposent d’une formation juridique ou théologique de base. Cette formation peut s’obtenir en suivant un BAC 2 ans, avec certaines possibilités de dispenses en fonction de la formation préalable. Le Master comporte 3 ans d’étude.

-Quelles sont les différentes matières qui composent le droit canon ?

Les matières sont réparties en 7 livres : ils concernent les différentes normes qui régissent les rapports intra-ecclésiaux, le peuple de Dieu, les tâches de prédication et d’enseignement, les  différents  sacrements, l’administration des biens temporels, le droit pénal et, enfin­ , les procès.

L’abbé Schouppe soutiendra  une thèse en droits de l’homme à Paris, à la rentrée académique 2013

(1)   Dans un procès ecclésiastique en nullité de mariage, le défenseur du lien est le membre de l’officialité  qui plaide pour le maintien de celui-ci, affirmation toutefois à nuancer, le défenseur du lien, qui comme tous les autres membres du tribunal est attaché à la recherche de la vérité, ne s'acharne pas à défendre un consentement qui de toute évidence est vicié. .

(2)    Les grasses sont de notre fait

Référence en cliquant ici

Etrange retour des choses : dans une société comme la  Belgique, depuis la constitution de 1831 l’Eglise et l’Etat sont indépendants, sinon séparés : il en est résulté  que l’Etat ne devait plus surveiller ou s’immiscer dans la vie l’Eglise, contrairement à une pratique courante sous l’ancien régime.

 Est-ce à dire que, selon la loi fondamentale du Royaume, l’autorité civile ne dispose d’aucune possibilité de contrôle sur les activités propres à un culte reconnu ?

 Jusqu’il y a peu, en cas de litige impliquant devant lui une décision ecclésiastique, un juge du pouvoir judiciaire étatique se bornait à un contrôle formel : vérifier si la décision contestée avait bien été prise par l’autorité religieuse compétente selon le droit interne de l' Eglise en cause.

Mais, depuis la fin du siècle dernier, une certaine sécularisation colore le système belge de droit civil ecclésiastique : elle est caractérisée par une perte graduelle de la large autonomie des Églises dans différents domaines. Selon la conception actuelle de la cour de cassation, le juge étatique a désormais aussi le droit de vérifier si l’autorité ecclésiastique compétente a pris sa décision en respectant les propres règles de comportement de son Eglise en la matière.  Et l’évolution de la jurisprudence n’est peut-être pas terminée :un secteur caractéristique est l’influence continue du droit séculier du travail sur la vie ecclésiastique.  

Ainsi le droit canonique entre-t-il  à nouveau, après deux siècles d’éclipse,  dans le champ du corpus juridique dont des instances étatiques ont désormais à connaître. La sécularisation lui ouvre, paradoxalement, des horizons nouveaux…

JPSC

 

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