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Réponse à Peregrinus sur les dogmes

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Sur son « metablog », l’abbé Guillaume de Tanoüarn avait écrit : «  L'objet de notre foi, c'est le Christ, qui nous situe en Dieu. Les dogmes sont des limites qui évitent à nos esprits d'extravaguer. Ils nous permettent de dire quelque chose de Dieu non pas de le comprendre. Nous ne le comprenons un peu, un tout petit peu que dans l'expérience que nous faisons de lui-même. Certes l'Eglise est pointilleuse sur les dogmes (le iota d'homoiousios dans les débats qui ont suivi Nicée)... C'est parce que son rôle est de mettre des limites aux affirmations de notre foi et à nos louanges, comme une mère reprend son enfant qui bégaie une langue que l'on nomme justement maternelle, parce qu'il parle à peine ». Il s’était attiré bien des commentaires et il répond ici à l’un d’eux :

« Je remercie Peregrinus qui a parfaitement mis en forme une objection, qu'il n'a sans doute pas été le seul à sentir monter. Il est vrai que j'ai insisté lourdement sur le fait que les dogmes n'étaient pas l'objet de notre foi. Voici comment il réagit :

"Bien sûr, la foi n'est pas réductible aux dogmes ; cependant je trouve étrange que vous y insistiez tant. En effet, la pente aujourd'hui la plus générale incline la plupart de nos contemporains même baptisés catholiques à vouloir une foi sans dogmes. Ainsi, il me semble que vous dénoncez un excès qui en soi est condamnable, mais qui dans les faits ne concerne que très peu de chrétiens, tandis que c'est peu dire que l'excès inverse est malheureusement très répandu".

"La foi n'est pas réductible aux dogmes" dites-vous Peregrinus : dont acte. Ce premier point tel que vous le formulez, est décisif. Notre foi n'est pas une idéologie. Elle ne porte pas sur des concepts, le concept de Trinité ou le concept d'incarnation. La foi c'est forcément, à un moment ou à un autre une expérience de Dieu (ou du Bien ou de l'Infini ou de l'être etc.) comme Amour, de Dieu comme aimant et nous aimant et aussi... de nous comme tâchant d'aimer et de l'aimer. J'ai croisé tout à l'heure un garçon qui me demandait le baptême : ce n'est pas toujours le cas à ce stade, il y a des gens qui hésitent parce qu'ils n'ont pas encore expérimenté la douceur du Dieu de Jésus-Christ, il y en a aussi qui sont dans des problématiques plus intellectuelles, fascinés par l'ordre du dogme par exemple, et qui ne se simplifieront que plus tard... Mais lui, ce garçon, indéniablement, il avait la foi : chrétienne, simple, évidente, prête à tout... Le baptême de désir quoi. Et sans forcément connaître la définition de la Trinité ou celle de l'Incarnation, il était prêt à apprendre, à comprendre...

Je voudrais citer deux formules de saint Thomas, l'une empruntée au Pseudo-Denys, que j'avais cueillie il y a longtemps dans le Commentaire qu'en a fait l'Aquinate : Fides est aliqua collocatio mentis in Deum. Les dogmes permettent cette "collocation, cette situation de notre esprit en Dieu, de notre esprit et de Dieu", ils tracent la piste qui évite d'extravaguer, ils nous permettent d'arriver au port. Mais c'est Dieu, c'est Jésus Christ élevé de terre qui nous attire, c'est en Lui que nous voulons nous rendre. Et dans la Somme théologique, vous trouvez cette formule souvent citée : "L'acte de celui qui croit ne se termine pas à un énonciable [à un signifiant dogmatique] mais à la réalité de Dieu" (IIaIIae Q1 a2 ad2), à ce que saint Thomas dans l'article précédent appelle "la vérité première", la vérité incréée.

Tout cela vous l'admettez et de façon classique, vous nous mettez devant deux excès : l'un qui consiste à n'admettre que les dogmes. L'autre qui consiste à exclure les dogmes. Et vous soulignez que le second est beaucoup plus répandu de nos jours que le premier. Là encore je ne saurais que vous donner raison. Mais pour nous qui fréquentons ce Blog, statistiquement, à part notre cher Hadrien et notre cher G2S, à part ceux qui lisent sans forcément se signaler, pour la plupart nous venons d'un enseignement de la foi qui est extrêmement dogmatique.

Il y a un risque idéologique, si l'on définit l'idéologie avec Hannah Arendt comme "l'assujettissement de la Réalité [divine en l'occurrence] à une seule idée", notre idée fixe dogmatique du moment, ou même à un système d'idée a priori. C'est sans doute là ce que le pape François désigne comme une idéologie pour la stigmatiser.

Il nous faut donc non pas rejeter le dogme (horresco referens) mais admettre ce que Pascal appelait "la vérité contraire", sans laquelle l'hérésie pointe le bout de sa frimousse. Dans notre débat, la vérité contraire, par rapport à la foi dogmatique, ce n'est évidemment pas la raison, c'est cette expérience de Dieu, cette situation en Dieu qui est l'objet de la foi.

Souvent homme varie ! Limiter la foi à une expérience de Dieu, c'est s'exposer à confondre la foi avec un élan humain trop humain, qui peut très bien se retourner contre ce qui l'a mobilisé au départ. Ces fois purement subjectives peuvent devenir absurdes. Elles sont de toute façon extravagantes. Nous avons besoin pour affermir notre foi, de nous rattacher à ce code génétique de notre foi qu'est le dogme pour ne pas raconter n'importe quoi et péter les plombs devant l'admirable Scène divine. »

Ref. Réponse à Peregrinus sur les dogmes

JPSC

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