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L'Eglise-Titanic ?

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Du site "Benoît-et-moi" :

Réflexion sombre mais formidable de Roberto de Mattei dans Il Foglio, traduction (3/1/2015)

TANGO À SAINT PIERRE, PENDANT QUE LA BARQUE DÉRIVE
Vittorio Messori, mis à l'index à cause de ses timides objections de la veille de Noël, est dépassé par ce spectable.
http://www.ilfoglio.it 

Roberto De Mattei
3 janvier 2015
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Les historiens de demain se souviendront peut-être qu'en 2014, sur la place Saint Pierre on dansait le tango, alors qu'en Orient les chrétiens étaient massacrés et que l'Eglise était au bord d'un schisme. Cette atmosphère de légèreté et d'inconscience n'est pas nouvelle dans l'histoire. 

A Carthage, rappelle Salvien de Marseille, on dansait et banquetait à la veille de l'invasion des Vandales et à Saint Petersbourg, d'après le témoignage du journaliste américain John Reed, alors que les bolcheviks s'emparaient du pouvoir, les théâtres et restaurants ne cessaient d'être bondés. Le Seigneur, comme le dit l'Ecriture, rend aveugles ceux qu'il veut perdre (Jn, 2, 27-41).

Le drame principal de notre temps n'est toutefois pas l'agression venant de l'extérieur, mais ce mystérieux processus d'auto-démolition qui parvient maintenant à ses ultimes conséquences, après avoir été dénoncé la première fois par Paul VI dans son fameux discours au Séminaire Lombard du 7 décembre 1968. 

L'auto-démolition n'est pas un processus physiologique. C'est un mal qui a des responsables. Et ses responsables sont en ce cas ces hommes d'église qui rêvent de remplacer le Corps Mystique du Christ par un nouvel organisme, soumis à une perpétuelle évolution sans vérités ni dogmes.

Un tableau impressionnant de la situation a été offert fin 2014 par deux dossiers sur l'Église publiés respectivement par le quotidien français le Figaro et par le quotidien italien Repubblica.

Le Figaro, journal de centre-droite réputé pour sa modération, a consacré en décembre dans son supplément hebdomadaire "Le Figaro Magazine" un dossier à "Guerre secrète au Vatican. Comment le Pape François bouleverse l'Eglise" (cf. benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/pape-un-dossier-du-figaro-magazine): 11 pages, par Jean-Marie Guénois, considéré comme un des vaticanistes les plus sérieux et compétents.

"Quelque chose semble avoir basculé dans l'Eglise depuis le Synode sur la famille de l'automne 2014, écrit Guénois, et l'accumulation des indices autorise à s'interroger: l'Eglise ne risque-t-elle pas d'affronter une tempête à la fin de 2015, après la seconde session du synode sur la famille?"

Guénois révèle l'existence d'une "guerre secrète" entre cardinaux qui n'a pas comme but la conquête du pouvoir. Celle en cours est une bataille d'idées, qui a comme objet principal la doctrine de l'Eglise sur la famille et le mariage. Le Pape François est accusé à l'intérieur de la Curie d'une gestion autocratique du pouvoir que le journaliste français résume dans la formule: "Quand il tranche, le Pape ne met pas de gants", mais le véritable problème est sa vision ecclésiale, inspirée et conseillée par les courants les plus progressistes du Vatican.

Selon Guénois, trois théologiens définissent les nouveaux objectifs: le cardinal allemand Walter Kasper, l'évêque italien Bruno Forte et l'archevêque argentin Victor Manuel Fernandez. "C'est ce trio qui a poussé les feux lors du synode sur la famille!". A ce propos, il se trouve que Kasper est la tête de bélier pour l'admission des divorcés remariés aux sacrements, Forte est le promoteur de la légalisation de l'homosexualité et Fernández un représentant de premier plan de la théologie péroniste du peuple.

Guénois a donc interviewé au sujet du Synode le cardinal Burke qui s'est exprimé, comme à son habitude, avec une limpidité cristalline: "Le Synode a été une expérience difficile. Il y a eu une ligne, celle du Cardinal Kasper, pourrait-on dire, derrière laquelle se sont rangés ceux qui avaient en main la direction du synode. De fait, le document intermédiaire semblait avoir déjà été écrit avant les interventions des pères synodaux! Et selon une ligne unique, en faveur de la position du cardinal Kasper… On a également introduit la question homosexuelle, qui n'a rien à voir avec la question du mariage, en y cherchant des éléments positifs. (…) Ce fut donc très déconcertant. Tout comme le fait d'avoir maintenu, dans le rapport final, les paragraphes sur l'homosexualité et sur les divorcés remariés qui n'ont pourtant pas été adoptés à la majorité requise par les évêques. (…) Je suis très préoccupé, a ajouté le Card. Burke, et j'appelle tous les catholiques, les laïcs, prêtres et évêques, à s'impliquer d'ici à la prochaine Assemblée synodale afin de mettre en lumière la vérité sur le mariage".

Que les préoccupations du cardinal Burke soient justifiées est démontré par le supplément hebdomadaire "le Venerdì de La Repubblica" du 27 décembre 2014 entièrement consacré à une "Enquête sur l'Eglise": 98 pages avec 20 articles, dans lesquels est décrite "la nouvelle ère de François, entre adversaires, saints, persécutés et pécheurs".

Le champion de La Repubblica est le cardinal Reinhardt Marx, archevêque de Munich et Freising, lequel confirme son ouverture aux divorcés remariés et aux couples homosexuels, nie la décadence morale de l'occident, et affirme que "la soi-disant sécularisation est un développement nécessaire de la liberté. Une société libre est un progrès, selon le véritable point de vue de l'Evangile". François, explique-t-il "veut conduire l'Eglise à la force originelle de son témoignage. Il a une claire vision de ce qu'il veut, mais ne suit pas un plan fixe, personnel ou prédéterminé, ni un programme de gouvernement. Il lance des signaux et donne des exemples, comme il l'a fait lors du Synode consacré au mariage et à la famille".

A l'intérieur du dossier, Marco Ansaldo, dans une interview au titre "Franzoni, la revanche de l'ancien abbé rouge", donne beaucoup de place à Giovanni Franzoni, ancien abbé de la Basilique de Saint Paul Hors les Murs, insistant sur le fait que les positions pour lesquelles il fut condamné se rapprochent à présent de celles du Vatican. Franzoni fut démis de l'état clérical (en 1976) pour avoir dit oui à la loi sur le divorce et l'avortement, et pour ses déclarations de voix en faveur du Parti communiste. Marié à une journaliste athée japonaise, il ne renie pas aujourd'hui ses idées et affirme avoir "découvert la sexualité comme enrichissement total et non comme privation d'énergies qui pourraient être dédiées au Seigneur".

Selon des indiscrétions, le Pape aurait l'intention d'admettre au sacerdoce des laïcs mariés (les soi-disant viri probati) [1] et de réintégrer dans l'administration des sacrements des prêtres déjà mariés, réduits à l'état laïc, comme Franzoni lui-même ou l'ancien franciscain et théologien altermondialiste Leonardo Boff, qui vit actuellement au Brésil avec une compagne. 

Le 17 novembre Boff, qui est passé de la théologie de la libération à l'éco-théologie, a confirmé à l'agence Ansa d'avoir envoyé au Pape, à sa demande, du matériel pour sa prochaine encyclique, et le 28 décembre, en polémique avec Vittorio Messori, il a exprimé sur "Noi siamo chiesa" son Appui au Pape François contre un écrivain nostalgique, avec ces mots: "C’est pour tout cela qu’est suprêmement importante une église ouverte comme la veut François de Rome. Il faut qu’elle soit ouverte aux irruptions de l’Esprit appelé par quelques théologiens «la fantaisie de Dieu» à cause de sa créativité et de sa nouveauté, dans la société, dans le monde, dans l’histoire des peuples, chez les individus, dans les églises. Et aussi dans l’Eglise Catholique. Sans l’Esprit Saint, l’église se transforme en une institution pesante, ennuyeuse, sans créativité et, arrive un moment où elle n’a plus rien à dire au monde qui ne soient des doctrines, toujours plus de doctrines, qui ne suscitent ni l’espoir ni la joie de vivre" (cf. Boff contre Messori).

Peut-on nier l'existence d'une confusion absolue? 

Le tango qui a été dansé le 17 décembre 2014 à l'occasion de l'anniversaire du Pape François, rappelle une autre musique; celle jouée sur le Titanic la nuit de la tragédie. Mais la pointe de l'iceberg parut alors tout d'un coup, alors que les danseurs étaient inconscients du désastre imminent. Aujourd'hui l'iceberg est visible et il y a ceux qui trinquent à l'impossible naufrage de la Barque de Pierre. Beaucoup de gens sont toutefois en alarme et ont la forte sensation, comme l'a dit le cardinal Burke, que l'Eglise soit un navire à la dérive. Nous sommes parmi eux et pour cette raison nous n'avons pas salué 2015 avec danses et feux d'artifice mais avec la ferme intention de recueillir l'appel du cardinal Burke lui-même et de nous battre, d'ici jusqu'au prochain Synode et au delà, afin de défendre la vérité de l'Evangile sur le mariage.

* * *

[1] Il paraît que cette information a été démentie par le Père Lombardi... A voir. Ce ne serait pas la première fois que le directeur du bureau de presse démentirait des faits pourtant avérés. Marco Tosatti, qui est à l'origine de l'information (cf.benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/des-pretres-maries-bientot-suite) n'a à ce jour pas fait de mise au point à son dernier article, et jusqu'à présent, ses prévisions ont rarement été démentis par les faits.

Commentaires

  • Ah, avec le cardinal BURKE, vous avez de bonnes références !

    Donc, si je comprends bien l'article proposé, l'Eglise coulerait, tel le Titanic, en 2015 !!!

    Il y a de quoi en rire ! Alors que, là oui, le monde vit des moments bien pénibles, de par les guerres, conflits, assassinats ... Ce serait à cause de l'Eglise catholique progressiste !!! De par ses positions sur le mariage et son évolution ?

    Votre analyse est à courte vue !

  • L'église catholique progressiste? C'est quelle église ça?
    Je connais bien l'Eglise catholique et apostolique mais aucune église catholique progressiste.

  • Bravo et merci pour votre courage journalistique et catholique !

    Ces choses évidentes, pour qui veut bien voir, nous inquiètent et nous blessent.

    Prions pour l'Eglise, plus que nous ne le faisions jusqu'alors !

    saint Jean-Paul II nous redit : " Levez-vous ! Allons ! "

  • Jacques ! Ou vous n'avez RIEN compris à l'article, ou vous faites preuve d'une mauvaise foi évidente... Je pencherai plutôt pour ce deuxième cas de figure !
    Il va de soi que le Pape devrait se préoccuper bien plus du massacre des Chrétiens d'Orient et d'Afrique que d'une éventuelle reconnaissance d'un soi disant mariage homosexuel...rejeté par la Bible, aussi bien par l'Ancien Testament que par le Nouveau !
    L'auteur constate l'esprit de légèreté avec lequel le courant progressiste envisage les choses au sommet de l’Église, risquant par là de mener à l'irréparable, à un nouveau schisme...
    Pensez de lui ce que vous en voulez mais Mgr BURKE est un homme extrêmement clairvoyant et intelligent. Il respecte, lui, le Magistère plurimillénaire de l’Église Catholique... Autre chose que le fameux Boff...

  • A lire aussi, mais en italien, cet article du Père LIVI rédigé pour la Bussola Quotidiana du sociologue Massimo Introvigne : http://www.lanuovabq.it/it/articoli-difendo-messoricontro-i-falsi-dogmi-di-boff-11380.htm

  • Sincèrement, une fois qu'on connaît un tout petit peu l'enchaînement des événements du Synode d'octobre 2014, non pas par le biais de procès d'intention mais des faits eux-mêmes, des déclarations (et le rapport de clôture n'échappe pas à la réflexion) il me semble particulièrement difficile de distinguer la doctrine kaspérienne de la volonté du pape.

    Qu'on se souvienne bien de ce qu'il a dit lors de la clôture du synode:

    "...la tentation du raidissement hostile, c’est-à-dire de vouloir s’enfermer dans la lettre(...), à l’intérieur de la loi, dans la certitude de ce que nous connaissons et non de ce que devons encore apprendre et atteindre. Du temps de Jésus, c’est la tentation des zélotes, des scrupuleux, des empressés et aujourd'hui de ceux qu’on appelle aujourd’hui des "traditionnalistes" ou aussi des "intellectualistes"

    "...Tant de commentateurs, ou de gens qui parlent, ont imaginé de voir une Eglise en conflit où une partie contre l’autre, en doutant même de l’Esprit Saint, le vrai promoteur et garant de l’unité et de l’harmonie dans l’Église...."

    Comme s'il n'y avait pas eu d'opposition ! Le drame est bien là.

    http://benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/voila-comment-est-le-pape.php

    Q. La gestion du récent Synode est également apparue comme contradictoire...
    R. Une gestion soigneusement calculée par le Pape et non pas laissée au hasard comme on a voulu nous le faire croire, et qui enregistre d'autres éléments contradictoires.

    Q. Comme quoi?
    R. Bergoglio a dit, et à plusieurs reprises, qu'il ne voulait pas transiger avec la doctrine, rester dans la tradition de l'Eglise. Mais ensuite, il a ouvert des discussions, comme celles sur la communion pour les personnes remariées, qui touchent les pierres angulaires du magistère.

    Q. Pourquoi?
    R. Parce qu'il est inexorable que la communion aux remariés débouche sur l'acceptation des secondes noces et donc la dissolution du lien sacramentel du mariage.
    ...
    Q. Parmi les italiens, les plus explicites ont peut-être été le Milanais Angelo Scola et le bolognais Carlo Caffara.
    R. Ils l'ont été en s'exprimant avant et pendant le Synode. Mais c'était inévitable compte tenu de la décision du pape de confier au cardinal Walter Kasper, l'ouverture de la discussion, et donc, en pratique, l'ouverture des hostilités.

    Q. Pourquoi?
    R. Parce que Kasper repropose aujourd'hui, telles quelles, les thèses vaincues en 1993 par le binôme Jean-Paul II et Joseph Ratzinger, ce dernier dans le rôle de préfet du Saint-Office.

    Q. Oui, le Pape a lancé Kasper, il a fait secrétaire spéciale du synode Mgr Bruno Forte, qui, durant les travaux a pesé, au point de susciter les réactions de certains père du synode, mais ensuite, à la fin, François est intervenu, fustigeant les uns et les autres. Presque comme un vieux DC (démocrate chrétien) contre les extrémistes des deux bords.
    R. C'est un autre des formes récurrentes d'expression de ce pontife: bastonner d'un côté et de l'autre. Pourtant, si l'on veut faire un inventaire, ses bastonnades aux traditionalistes, aux légalistes, aux défenseurs rigides de la doctrine aride, semblent beaucoup plus nombreuses et ciblés. Mais quand il s'en prend aux bien-pensants (buonisti), on ne sait jamais de qui il parle.

    Un épisode récent contribue encore à alimenter la confusion. Il a trait à la diplomatie vaticane, au Vénézuela:

    http://benoit-et-moi.fr/2015-I/actualites/diplomatie-papale.html

    On peut crier à l'antipapisme, c'est ainsi pourtant. Malheureusement. Honteusement.

    Un ami agnostique me rappelait il y a quelques jours une photo montrant la foudre s'abattant sur le dôme de St Pierre, le soir-même de l'annonce de la renonciation par Benoît XVI. Ce soir-là justement. Et comme c'est quelqu'un qui a de la suite dans les idées, il m'a demandé si c'était fréquent que la foudre frappe à cet endroit. Si cela s'est produit depuis, les médias n'en ont en tout cas pas parlé. Coïncidence ou signe, la confusion rapportée ici par Messori (et par d'autres journalistes effectivement très courageux) fait voir les choses rétrospectivement sous un angle qui personnellement, me met très mal à l'aise. Rétrospectivement et de façon projective à la fois.

    Et je persiste à dire que le spectacle offert par François à l'occasion des voeux à la Curie, en prenant à partie les médias et donc l'opinion publique mondiale, sert sa stratégie.

  • Philippe, je suppose que vous avez voulu dire "en prenant à témoin les médias..." En effet, le Pape s'appuie sur l'opinion publique.

  • @Monique T.

    Oui vous avez raison. C'est bien ce que j'ai voulu dire.

    J'aurais pu parler aussi de la manière surprenante dont il a récemment et abusivement évoqué Pie XII pour donner son point de vue à propos du jeûne eucharistique... Les illustrations foisonnent.

    On se souvient aussi de la culpabilité qu'il entretient face à l'Occident concernant l'accueil des réfugiés, sans jamais évoquer les conditions de développement économique des pays concernés, dans lesquelles l'Occident devrait investir (de manière aussi à conserver leurs élites, à développer leurs propres capacités). Bref, l'inverse de la démagogie.

    Autant de raisons, innombrables, de prier le Seigneur pour qui'il préserve son Eglise et son troupeau.

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