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Quand le Christ nous introduit à sa Passion (5e dimanche du carême)

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Evangile selon saint Jean, chapitre 12, versets 20-33 :

Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque, quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. » Philippe va le dire à André ; et tous deux vont le dire à Jésus. Alors Jésus leur déclare : « L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera.

Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? - Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l'entendant, la foule qui se tenait là disait que c'était un coup de tonnerre ; d'autres disaient : « C'est un ange qui lui a parlé. » Mais Jésus leur répondit : « Ce n'est pas pour moi que cette voix s'est fait entendre, c'est pour vous.Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes. » Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

Homélie du Père Joseph-Marie Verlinde fsJ - homelies.fr - Archive 2009

Le chapitre 12 de Jean conclut la première partie de l’Evangile, qu’il est convenu d’appeler « le livre des signes ». Six événements y ont été rapportés, six signes, en attente de leur accomplissement dans un septième signe : celui du passage de la mort à la vie que Jésus s’apprête à accomplir. L’Evangile de ce jour nous introduit à « l’heure » de cet ultime signe qui donne leur sens à tous les autres.

Nous sommes dans les derniers jours avant la fête de la Pâque à Jérusalem ; Jésus vient de faire une entrée triomphale dans la ville, aux cris de « Hosanna » proférés par la foule - comme le demandait la liturgie dans les cérémonies préfigurant la venue du Messie. Aussi les autorités religieuses sont-elles inquiètes devant le succès populaire grandissant du Rabbi de Nazareth : « Vous le voyez, se disent-ils entre eux dans les versets précédant notre péricope, vous n’arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite. »

Comme pour confirmer cette remarque, des Grecs cherchent à entrer en relation avec Jésus. Ces païens devenus demi-juifs par leur pratique religieuse, sont « montés à Jérusalem » en pèlerins, pour « adorer Dieu durant la Pâque ». C’est à cette occasion qu’ils souhaitent approcher Jésus ; ils sollicitent une entrevue par l'intermédiaire des disciples les plus grecs, André et Philippe, originaires de la contrée fortement hellénisée de Bethsaïde. Au moment où s’achève la mission de Jésus auprès des Juifs, la présence de ces païens annonce la mission universelle à venir.

Notre-Seigneur interprète sans hésitation la venue de ces étrangers comme le signe annonciateur de l’avènement de son « heure » - l’heure de sa glorification par sa mort et sa résurrection. Une lecture attentive nous fait découvrir la séquence suivante :

  • Jésus révèle d'abord le sens de sa mort prochaine par l’image du « grain de blé tombé en terre », qui doit accepter de mourir pour « donner beaucoup de fruit ».
  • Puis il prononce une courte prière qui trahit son angoisse devant sa Passion prochaine.
  • Au consentement du Fils qui parvient à dominer sa frayeur et choisit résolument d’accomplir sa mission quoi qu’il lui en coûte, répond la voix du Père - c’est la première fois qu’elle se fait entendre dans le quatrième Evangile.
  • Fort de cette confirmation Notre-Seigneur se tourne vers la foule pour prophétiser solennellement la défaite des forces du mal qui vont se déchaîner contre lui, et annoncer son triomphe à travers le rassemblement des croyants.


Saint Jean ne raconte ni l’agonie ni la transfiguration du Christ, mais il s’inspire de ces deux épisodes dans le récit que nous venons d’entendre. Nous pourrions dire que l’évangile de ce dimanche constitue le récit de l’agonie de Jésus - le « Gethsémani » - du 4ème Evangile, interprété par Notre-Seigneur lui-même. L’heure de Jésus est l’heure du grain qui meurt, et cet abaissement est paradoxalement aussi l’heure de son élévation - élévation sur la Croix d’où il attirera à lui tous les hommes, prélude de son élévation au plus haut des cieux, à la droite du Père. Le Seigneur nous a ouvert ce passage au prix d’amères souffrances, dont nous pressentons l’horreur dans les termes très réalistes de la lettre aux Hébreux : « Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et des larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort » (2nd lect.). La raison de ces épreuves nous est sobrement explicitée : « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa passion ; et ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel ». Le Fils éternel est bien sûr parfaitement obéissant au Père dont il est l’expression parfaite et auquel il est parfaitement uni dans une même volonté de salut. Mais le Verbe incarné, le « Fils de l’homme », a du consentir jusque dans sa volonté humaine, à descendre dans la mort, et la mort sur la Croix, pour y déverser le baume de la vie éternelle qui nous procure le salut.

Nous pressentons que l’intériorisation de l’Alliance ne pouvait se faire qu’au prix de l’incarnation rédemptrice : le Verbe s’est fait chair, il a assumé pleinement notre humanité meurtrie par le péché, afin que désormais l’Alliance ne soit plus un pacte écrit sur des tables de pierre qui nous demeurent extérieures, mais qu’elle soit inscrite « dans nos cœurs, au plus profond de nous-mêmes » (1ère lect.). Si nous entrons dans cette Alliance nouvelle et éternelle - ce qui implique que nous consentions comme le Christ à obéir au dessein du Père - alors « il nous pardonnera nos fautes ; il sera notre Dieu, et nous serons son peuple » (Ibid.) ; « il nous donnera un cœur nouveau, mettra en nous en esprit nouveau » (Ps 50) conformément à la promesse faite à ses saints les prophètes. Telle est la condition pour « voir » Jésus, conformément au souhait exprimé par les Grecs. La réponse de Notre-Seigneur à ces hommes, exprime précisément cette difficulté à le « voir » ; car la manifestation ou glorification du Fils n’est visible que dans la foi, et celle-ci implique une traversée de la mort. La vision ne s’ouvre en effet qu’au-delà de la mort à l’orgueil de la chair, pour qui la croix demeure un scandale opaque et inadmissible, dont seule une foi humble et sincère peut triompher.

Cette exigence demeure vraie pour tous les temps de l’Eglise jusqu’à la Parousie, c'est-à-dire jusqu’à la pleine manifestation du Fils de l’Homme dans sa gloire divine. Jusqu’à cet ultime accomplissement du dessein de Dieu, tous ceux qui veulent « voir » le Christ, sont renvoyés au signe de son Corps, c'est-à-dire à son Eglise ; mais il leur faut regarder plus loin que la faiblesse de ce paraître encore marqué par le péché, pour découvrir l’Epouse bien-aimée, qui ne sera pleinement manifestée qu’au-delà de sa propre Pâques. Cette Pâques, c’est à chacun de nous de la réaliser jour après jour dans notre propre vie, en consentant comme le grain de blé tombé en terre, à mourir à nous-mêmes, pour vivre de la vie de celui en qui nous avons mis notre foi.

« Seigneur, “l’heure” de ton Eglise n’est pas séparable de la tienne, mais hélas ce sont mes résistances à entrer dans la logique du don total qui freinent la glorification de ton Epouse. Oui je le reconnais : j’aime encore ma vie d’un amour de convoitise ; ou pour le dire autrement, j’y suis attaché en ce monde pour d’autres motifs que le service de ceux que tu me confies. Apprends-moi à ne rien te préférer, de manière à chercher à te servir en toutes choses et à demeurer avec toi en toutes circonstances. Si j’accepte ainsi de mourir à moi-même, je suis sûr de “donner beaucoup de fruits” dans l’amour que toi et ton Père me portent. C’est pourquoi je te supplie : “Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle-moi dans ton Esprit Saint. Qu’il me soutienne chaque jour de ma vie, afin que je puisse enseigner aux pécheurs tes chemins et que reviennent vers toi les égarés”, selon ton dessein d’amour sur tout homme. »

Père Joseph-Marie

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