Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Quand on entretient la confusion intellectuelle à propos d'Orlando, de l'homophobie et de l'islamisme

IMPRIMER

De Damien Le Guay, en tribune sur Figaro Vox (lefigaro.fr) :

Orlando, homophobie, islamisme : la grande confusion intellectuelle

Après le massacre d'Orlando, les commentaires et les mises en accusation se sont succédé. Mouvements conservateurs et religions monothéistes ont été pointés du doigt. Damien Le Guay considère que l'islamisme est passé au second plan.

Damien Le Guay, philosophe, président du comité national d'éthique du funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP, enseignant à l'espace éthique de l'AP-HP, vient de faire paraître un livre: Le fin mot de la vie - contre le mal mourir en France, aux éditions du Cerf.

Une horreur est une horreur. Ce qui est advenu à Orlando est une horreur. Une horreur de masse perpétrée par un fou se réclamant d'une idéologie islamiste terroriste. Et il importe tout autant de condamner ces crimes, de désigner l'adversaire, de manifester sa solidarité vis-à-vis des victimes que de ne pas ajouter de la confusion de sens à la confusion des mots. Deux évidences s'imposent: ces crimes furent faits au nom de l'Etat Islamique ; les victimes américaines sont des homosexuels.

Quel ne fut pas mon étonnement, lundi 13 juin au matin, d'entendre, sur une radio du service public (France Culture), tout un débat non pas pour dénoncer un acte terroriste et compatir au sort de victimes particulières, mais pour défendre l'idéologie LGBT et incriminer toutes «les postures religieuses patriarcales», dont la chrétienne, qui seraient le terreau de l'homophobie. Caroline Fourest nous a expliqué qu'aux Etats-Unis «le magistère d'homophobie était exercé par les chrétiens intégristes» (alors que le terroriste se réclamait de l'Etat Islamique) tandis que Serge Hefez, doctement, indiquait que la «haine des homophobes» était provoquée par les remises en cause, par l'homosexualité, «des questions de genre et de l'ordre patriarcal». Pour la première, ce que fit d'Omar Mateen avait une différence de degrés et non de nature avec les convictions religieuses chrétiennes. Dans cette lignée Jean-Sebastien Herpin, secrétaire régional EELV, s'est cru autorité à tweeter lundi 13 juin: «la différence entre la manif pour tous et Orlando? Le passage à l'acte». Pour le second, l'homosexualité en tant que telle provoque un ébranlement radical des stéréotypes anthropologiques habituels qui forceraient les petits garçons «à devenir des garçons virils, combatifs et dominants» et les petites filles «à devenir douce, dociles et soumises à l'ordre patriarcal et masculin» L'homophobie serait alors, avant tout, une peur ancestrale que «les hommes ne soient plus assez viril» pour «défendre la Nation».

 

Le problème avec ce genre d'interventions est qu'elles font de ces cinquante victimes des membres de «la communauté LGBT» avant que d'être des personnes et des citoyens américains. D'où, un peu partout, sur la tour Eiffel ou en Australie, des marques de sympathie aux couleurs du drapeau de l'internationale LGBT et non du drapeau américain. Comme si notre compassion, devait, avant que de se manifester, approuver l'idéologie LGBT et abandonner toutes convictions religieuses. Comme si on devait accepter l'idée que ces cinquante personnes auraient été victime de toutes les homophobies religieuses - et dont celle des islamistes serait simplement la moins hypocrite.

Nous assistons-là, dans ce genre de débat fermé, à trois types de confusions intellectuelles - qui se retrouvent à l'œuvre dans bien des situations autour des questions de genre ou d'homosexualité. D'une part une extension, au-delà du raisonnable, de «l'homophobie», au point d'incriminer tous les chrétiens à l'occasion du crime horrible d'un fou-furieux islamiste aux Etats-Unis. Tant que le terme «d'homophobie» ne sera pas rigoureusement défini, nous constaterons ces dérives injurieuses. Tant qu'il ne sera pas distingué de la haine meurtrière intolérable ou des possibles et respectables (je le crois!) remises en cause de l'impérialisme de la théorie du genre, toute discussion commune sera impossible. Seconde confusion: une manière de criminaliser tous ceux qui défendraient «l'ordre patriarcal» - bien qu'il soit la chose du monde la mieux partagée sur terre, hormis dans les pays occidentaux - et qui serait, par nature, une incitation, plus ou moins explicite, au meurtre ou à la persécution des homosexuels. Cet amalgame permet d'envoyer les contradicteurs dans l'enfer haineux de ceux qui refuseraient la nécessaire diversité multiculturelle. Nous avions vu cette même posture lors du débat sur le «mariage pour tous». Troisième confusion: celle entre l'homosexualité comme une liberté personnelle, et qui est à préserver, et l'idéologie LGBT qui elle, via la théorie du genre, doit s'imposer à tous et désaffilier les genres et ouvrir le champ des sexualités possibles. Les idéologues LGBT, dont les représentants ont tous leurs rond de serviette dans l'audiovisuel public, ne défendent pas une liberté d'indifférence (celles des sexualités de chacun) mais prônent, volontairement, des révolutions anthropologiques radicales.

Ces trois confusions volontaires, conduisent à un coup force permanent, une constante violence intellectuelle dans tous ces débats. Celui qui remet en cause l'un ou l'autre de ces jeux de mikado des sexualités flottantes autant qu'indéterminées est jugé «homophobe». Celui qui garde une conviction religieuse est d'une manière ou d'une autre «homophobe». Celui qui dirait sa solidarité vis-à-vis des victimes d'Orlando et qui serait contre «le mariage pour tous» est un complice du meurtrier. Et plutôt que de renvoyer les sexualités dans la sphère privée, il est toujours et encore question «d'avancées» nouvelles et de visibilités accrues, pour lutter contre les «discriminations». Que nous promet-on maintenant, pour demain? La légalisation du «troisième genre» comme en Allemagne? Une «bataille des toilettes», comme aux Etats-Unis où il est permis, dans certains Etats, pour des personnes transgenres d'aller dans les toilettes de leurs choix? Une crainte apparait alors: une dérive accélérée des continents anthropologiques entre l'Occident et le reste du monde. On préfère ici lutter contre les «assignations sexuelles» plutôt que de lutter, ailleurs, et surtout dans les pays musulmans, contre l'oppression bien réelle des homosexuels et des femmes, leurs humiliations, leurs condamnation à l'invisibilité sociale. Le multiculturalisme est aussi une guerre de civilisation, une manière de rendre l'entente impossible et la réconciliation improbable.

Commentaires

  • merci pour votre analyse! Puisse-t-elle se diffuser au-delà de Belgicato .

Les commentaires sont fermés.