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Y a-t-il encore une place pour la parole de l'Eglise dans le monde ?

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De l'abbé Christian Venard sur le blog du Padre :

L’Église a-t-elle encore le droit à la parole ?

En plein Synode sur les jeunes, au moment où le suicide de deux jeunes prêtres alimente la confusion, dans la tourmente suscité par les affaires de mœurs qui la touchent, l’Église peut-elle oser encore une parole et, tout particulièrement ceux qui en sont les responsables, les évêques ? 

Le constat semble navrant. Le synode sur les jeunes, la foi et le discernement vocationnel, réuni à Rome à la demande du Pape François ne tiendra sans doute pas ses promesses. Mais quelles étaient-elles d’ailleurs ? Le correspondant de La Croix à Rome va même jusqu’à intituler un article : « le synode en manque d’idée ». C’est, en attendant le document final, l’impression qui en ressort, jour après jour, malgré, par exemple, les efforts louables de Mgr Emmanuel Gobilliard qui se prête au jeu de « tintin reporter » ; malgré quelques fortes paroles de Mgr David Macaire ; malgré le peu subtil habillage de « com » de Vatican News, avec les coulisses du Synode, formule éculée d’un journalisme sans ambition. Un de mes correspondants à Rome m’écrit : « Cette assemblée ronronne et est refermée sur elle-même! C’est incroyable de le vivre « de l’intérieur » et de voir les difficultés d’en parler « à l’extérieur ».  Nous somme pris dans une logique de « fuite en avant  » dans la communication. Tout est devenu « com », c’est effrayant. On nous bombardent de vidéos sur les « coulisses » du synode… c’est pathétique, il n’y a aucune réflexion sur le fond… »

D’aucun l’avait pourtant prédit avant même son ouverture. Était-il raisonnable en pleine crise pédophile de maintenir ce synode et de reporter à février une décisive réunion sur la question ? Les modes mêmes de désignation des participants (pères synodaux, jeunes, experts) ne sont-ils pas obsolètes et presque aussi opaques que les nominations épiscopales ? Certains critiquent : le choix des thèmes à aborder ne marquait-il pas, par avance, les conclusions auxquelles le Vatican voulait voir parvenir le synode ? Bref, il semble bien que d’aucuns ont conseillé de maintenir ce synode, comme une vaste opération de communication, pour tenter de faire oublier les très graves dysfonctionnements d’organisation dans de multiples domaines, ou d’estomper – au moins en interne – les effets dévastateurs de la crise. Tous les experts de communications de crise sont pourtant du même avis : dans la crise on parle de la crise ; les efforts pour détourner l’attention sur d’autres sujets seront toujours vains. Sauf dans les régimes dictatoriaux qui maîtrisent l’ensemble des médias ! Ce n’est pas le cas de l’Église. Heureusement. Dans le fond, cet échec annoncé révèle une crise encore plus profonde sans doute : celle de la parole de l’Église dans un monde moderne où l’argument d’autorité est devenu le plus faible, voire inaudible.

Cette parole en interne, ad intra, continue à être portée essentiellement par le collège apostolique (les évêques, successeurs des apôtres et à leur tête le pape, successeur de saint Pierre). Même si, ici ou là, certains catholiques aimeraient en diminuer la portée, une saine ecclésiologie reconnaît la place importante et spécifique de cette parole. Encore faut-il, là aussi, savoir raison garder. Quand l’évêque Cauchon condamnait Jeanne d’Arc au bûcher, on n’imagine guère que ce puisse être en engageant le collège apostolique ! Bien des textes, des décisions de nos évêques relèvent du « politique », de ce qui peut apparaître comme la nécessité pastorale du moment, et n’ont pas plus, ni moins, de poids en ce domaine que la décision d’un chef d’entreprise ou d’un chef militaire. Il semblerait opportun que les évêques eux-mêmes éclairent d’une réflexion à frais nouveau le statut de leur parole (individuelle ou collégiale), sur la place faite en interne à la  disputatio avec les prêtres et les fidèles qui ne partagent pas toujours leurs avis, dans les domaines qui ne relèvent pas directement du dépôt de la foi ou des définitions magistérielles solennelles. Ad intra, nul ne saurait contester la nécessité, la spécificité et la légitimité de la parole épiscopale, en tant que celle-ci s’exprime prioritairement sur les questions de foi, de mœurs, pour conforter le troupeau, laissant de côté les discours sociologiques ennuyeux, politiques consensuels, ou pire encore moraux culpabilisants. Laissant surtout une place pour tout ce qui ressort du « discutable », en évitant qu’eux-mêmes ou des courtisans (parfois membres éminents des curies épiscopales, laïcs ou clercs), ne prennent pour attaques personnelles, déviance théologique, manquement à la communion ecclésiale, toute opinion contraire ou juste différente.

Plus problématique encore est la parole de l’Église ad extra. Dirigée vers l’extérieur de l’Église (ces fameuses « périphéries », chères au pape François), cette parole est tributaire en grande part des médias de toute sorte. Rares sont ceux, en effets, qui ont le courage, ou la vertu, d’aller lire directement les « documents épiscopaux » ou l’Osservatore romano, ou les encycliques pontificales. Même chez les catholiques, nombreux sont ceux qui se contentent d’en lire quelques extraits, ou des relations, souvent orientées sur les réseaux sociaux, ou le peu qu’évoquent les grands médias. Or, en ce domaine, force est de constater qu’hélas la parole épiscopale est désormais inaudible et décrédibilisée. C’est ce que révèle tout particulièrement la crise pédophile. Comment les « chefs » d’une organisation qui auraient couvert de tels faits, qui ont mis tant de temps à se préoccuper des victimes, pourraient-ils conserver un droit légitime à la parole… et plus encore s’ils viennent parler de « morale » ! Voilà la réaction de la société civile. Aussitôt leur sont renvoyés en miroir l’incurie des décisions prises, les retards, la mauvaise volonté (réelle ou supposée) et, avouons-le, bien souvent une communication catastrophique. Le simple fait d’être évêque, ne fait pas d’un homme de Dieu un bon communicant, faut-il seulement le rappeler ? Beaucoup de fidèles et de prêtres souhaiteraient aujourd’hui, qu’après tant et tant d’années de discours perçus comme inodores et sans saveurs, au creux de la crise pédophile (qui n’est qu’un des aspect de la crise des mœurs relâchées d’une partie du clergé et souvent du laxisme des autorités religieuses en ce domaine), les évêques sachent ne pas intervenir systématiquement dans les médias, qu’ils parlent moins et agissent plus.

Mais alors qui, pour porter ad extra la parole de l’Église ? Peut-être reste-t-il quelques prêtres ou religieux, dont les parcours de vie apportent une crédibilité à leur parole. On peut penser ici aux exemples passés, donnés par  un abbé Pierre, une sœur Emmanuelle, une mère Térésa. Selon l’adage : « dis-moi d’où tu parles », notre société n’est prête, bien souvent, à accepter le discours ecclésial que s’il vient d’un homme ou d’une femme ayant donné des preuves, reconnues ailleurs, de leur engagement. Mais il est temps aussi de mettre davantage en œuvre une des intuitions fondamentales du Concile Vatican II, sur la place des laïcs dans l’Église pour l’évangélisation d’un monde sécularisé (Gaudium et spes n°43). La place des laïcs pour porter la parole de l’Église dans le monde devrait sans doute devenir première, comme formulation aussi de leur participation active, pleine et entière à l’évangélisation. D’une manière toute spéciale, il revient en premier lieu aux journalistes catholiques, qu’ils travaillent ou non dans des médias chrétiens, de porter médiatiquement cette parole. Ils seront, et pour cause, plus professionnels, et bien souvent, sur des sujets aussi délicats que la pédophilie, plus crédibles pour un large public. Tout catholique devrait aussi, s’éloignant du respect humain, devenir un porte-parole de son Église, pas seulement dans un confortable entre-soi bourgeois, mais sur les lieux de travail et de sociabilité.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’interdire de parole la hiérarchie ecclésiastique au profit seulement des laïcs. L’une et l’autre de ces paroles doivent se conforter. Il s’agit donc plutôt d’un changement de perspective, où les laïcs seraient en première ligne, dotés d’une vraie liberté de parole. A eux aussi de se former, de s’informer, de travailler tous ces sujets. Il paraît évident que la parole d’une femme catholique pour parler de l’avortement a plus de poids et de crédibilité que celle d’un clerc. Il semble tout aussi clair que, sans l’aide intellectuelle et spirituelle des clercs, cette parole aura du mal à surgir. Il s’agirait là d’une profonde et radicale réforme des structures institutionnelles ecclésiales. Un antidote au centralisme romain et épiscopal. Aurons-nous le courage de cette réflexion et de sa mise en œuvre ? C’est un des enjeux qui aurait pu être porté par ce synode.

Commentaires

  • Il me semble que malheureusement, non seulement on a parlé du sacerdoce de manière extrêmement réductrice, en n'encourageant pas les jeunes à entrer eu service de Dieu, à répondre à son appel contre vents et marées, mais en plus, je croyais qu'on allait parler "des" vocations, or on ne lit rien sur la vocation religieuse, c'est le silence...Merci, Saint-Père! et moi qui entre au couvent l'année prochaine...il faut vraiment le vouloir, aujourd'hui, avec si peu de soutiens de la part de l'Eglise...

  • Que ferions-nous sans vous les "consacrés" ? On n'ose l'imaginer … Nous remarquons que les personnes qui se disent "athées" aiment beaucoup le Pape François. Son discours leur parle, disent-ils, les libère.
    - "Qui suis-je pour juger " c'est très respectueux, en effet.
    Mais le temps passe et les églises continuent à se vider pour la célébrations des Offices.
    Mais ils disent qu'ils aiment se rendre à l'église quand elle est vide, pour y goûter le silence si difficile à trouver ailleurs et si nécessaire, disent-ils, pour faire le "vide", remettre les idées en place, trouver parfois des solutions où des idées pour des projets. C'est un vrai besoin ...
    Ils aimeraient avoir Foi, mais elle n'est pas là. Ce n'est pas leur truc.
    Je vous livre une réflexion parmi d'autres. Choix de société.
    Sur un autre plan, celui des créatures animales, je constate que les détenteurs de chiens consacrent beaucoup de leur temps et de leur argent pour l'éducation du chiot, auprès de coachs spécialisés, payants. Ainsi, il est sociable, a de bonnes manières, n'aboie pas, sait attendre leurs maîtres sagement toute la journée, Il peut même, c'est le must, circuler "sans laisse" dans des espaces publics, sans être dérangeant, tant il sait obéir et est fiable (?)
    Il est choyé, a un bel équipement, mange de bonnes croquettes et accompagne ses maîtres en voiture Audi.
    Les animaux ont pris beaucoup de place dans la vie des adultes, alors, il ne reste plus de temps pour fonder une famille, assister aux offices, prier pour les difficultés du monde, s'offrir dans des activités politiques, caritatives, religieuses, travailler pour la Gloire de Dieu et le salut du monde, comme notre pilier, notre chère Maman Marie nous l'a appris.
    Heureusement notre Pape Benoît XVI a beaucoup travaillé pour encourager les "consacrés" qui lui sont très chers et indispensables comme la prunelle de ses yeux pour la réussite du plan divin sur chacun de nous.
    Nous avons besoin de "coachs",
    Supplions le Seigneur de vous bénir tous et toutes chaque jour qu'Il fera et de vous combler de ses grâces.

  • Oui il y a des jeunes qui se consacrent tout entier à leurs frères dans ce monde déboussolé. Les vieux dans les paroisses sont toujours en place et s'indignent de voir ces jeunes prêtres porter le col romain sans complexe histoire d'être identifiés même dans les trains ou dans les cafés où ils engagent la conversation. Alors oui ils sont peu nombreux les ouvriers mais leurs parents atteints de jeunisme et de libertés ou d'indifférence les soutiennent ils dans leur vocation.??? On peut aussi se poser la question de savoir si le Pape François n'a pas hérité de la situation de ses prédécesseurs qui ont vu et su beaucoup de faits mais n'ont pas agi et qu'on encense à tout va sur ce blog ....alors oui les jeunes ceci ou cela mais après tout prions plutôt pour eux et le monde pas très beau que NOUS leur donnons en héritage notamment par pure égoïsme confortable...

  • Bonjour et merci pour ce titre : "Y a-t-il encore une place pour la parole de l'Eglise dans le monde ?"

    Posons-nous donc avant tout la question de savoir s'il y a encore pleinement une place pour la Parole de Dieu dans l'Eglise, c'est-à-dire pour la Parole de Dieu, Père, Fils, Esprit, en ce qu'elle incite, clairement et fermement, à coopérer avec l'Esprit de Dieu ET à résister à l'esprit du monde.

    Je pense ici à l'Ancien Testament et au Nouveau Testament, mais aussi aux Pères de l'Eglise et aux Docteurs de l'Eglise, qui sont très rarement évoqués, dans d'innombrables homélies.

    En d'autres termes, y a-t-il encore pleinement une place, à l'intérieur de l'Eglise catholique, pour la priorisation, légitime et nécessaire, de la connaissance de la Parole de Dieu, de la compréhension du message de Dieu, de la configuration par Dieu, de la coopération avec Dieu, MAIS AUSSI pour la vigilance et pour la résistance face à certaines tendances, ou face à certaines tentations (dont le "bougisme" et le "jeunisme"), inspirées par l'esprit du monde ?

    Bonne journée.

    Un lecteur.

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