De Sandro Magister en traduction française sur le site Diakonos.be :
Sur Hong-Kong, le Pape se tait pour obéir à Pékin
Garder le silence sur tout ce qui est susceptible de contrarier les autorités de Pékin, voilà certainement l’un des nombreux prix que le Saint-Siège a accepté de payer pour préserver l’accord fragile sur la nomination des évêques qu’il a signé le 22 septembre 2018 avec la Chine.
C’est un silence que s’impose en premier lieu le pape François, d’habitude très loquace sur tout et sur tout le monde mais qui, quand il s’agit des manifestations populaires qui embrasent Hong-Kong depuis trois mois, n’a encore véritablement rien dit.
Et pourtant, depuis le début, les protestations ont vu défiler en première ligne les chrétiens et principalement les catholiques qui, bien qu’ils ne représentent que 8% de la population de la ville, sont très actifs et influents, à commencer par leurs plus hautes autorités :
> Quanta Chiesa c’è nella piazza di Hong Kong
En juin dernier, c’était c’était l’évêque auxiliaire de Hong-Kong, Joseph Ha Chi-shing, un frère franciscain, qui présidait les veillées de prière (voir photo) devant le bâtiment du Conseil législatif. Et le premier grand appel au retrait de la loi sur l’extradition en Chine – la mèche qui a mis le feu au poudre – portait en haut de la liste la signature du cardinal Jean Tong Hon, l’ancien évêque de Hong-Kong et actuel administrateur apostolique du diocèse dans l’attente que Rome nomme un successeur.
Dans le diocèse de Hong-Kong, Rome n’est pas soumise aux mêmes contraintes qu’en Chine continentale où le choix de chaque nouvel évêque revient aux autorités de Pékin. Mais le retard pris par cette nomination est lui aussi une preuve de la crainte du Saint-Siège de contrarier son partenaire chinois.
Avec pour résultat que, dans ce soulèvement, les catholiques de Hong-Kong – évêques, prêtres, religieux et fidèles – se retrouvent isolés et privés de tout soutien de la part de Rome.
Et s’ils parlent, ils ne peuvent le faire qu’à titre personnel, comme a d’ailleurs dû le préciser l’évêque auxiliaire, Mgr Ha, au cours d’une interview qu’il a accordée il y a quelques jours à l’agence « Asia News » de l’Institut pontifical pour les missions étrangères :
> Mons. Ha di Hong Kong: Vicini ai giovani, lavoriamo per la riconciliazione
Mais le silence sur Hong-Kong n’est pas l’unique élément révélateur des rapports difficiles entre l’Église de Rome et la Chine.
Pour se faire une idée plus globale de la tutelle écrasante exercée par les autorités chinoises sur les religions et surtout sur l’Église catholique, même après l’accord de l’an dernier, nous recommandons de lire le texte de l’allocution prononcée fin août par le directeur de « Asia News », le P. Bernardo Cervellera, au cours d’une conférence en Allemagne.
Nous reproduisons cette allocation ci-dessous avec la permission de l’auteur. Cependant, l’appareil documentaire – les liens et les notes – très utiles se trouvent dans le texte original disponible sur « Asia News » en italien, en anglais et en espagnol, ainsi qu’en chinois :
> La politica religiosa in Cina prima e dopo l’accordo sino-vaticano
Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.
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Aspects de la politique religieuse en Chine
par Bernardo Cervellera
Des églises fermées ou détruites, des croix démontées des clochers ou arrachées aux murs des églises, des coupoles rasées au sol, des statues anciennes confisquées, les signes religieux à la maison ou à l’extérieur supprimés, des prêtres chassés de leur ministère, d’autres ramenés de force dans leur village d’origine, les jeunes de moins de 18 ans arrêtés devant les églises pour qu’ils ne puissent pas entrer ni recevoir d’instruction religieuse.
Voici quelques-unes des situations qui se présentent dans la vie de l’Église catholique en Chine. Plusieurs prêtres chinois estiment qu’il s’agit d’une nouvelle Révolution culturelle, avec la même rage iconoclaste et le même chaos. Mais en réalité, ces situations correspondent à un projet très précis qui n’a rien de chaotique, bien au contraire : il est mené avec précision et minutie depuis plusieurs années.
De nouvelles règles
Toutes ces actions visant à asphyxier l’Église sont devenues monnaie courante depuis l’entrée en vigueur de la Nouvelle Réglementation pour les activités religieuses. Promulguée le 1 février 2018, cette nouvelle règlementation se caractérise:
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par une vision négative des religions, considérées comme des sources potentielles de terrorisme, de division ethnique et nationale, de menaces à la sécurité nationale et au bien-être des citoyens (cf. en particulier le chap. VIII de la Nouvelle Réglementation) ;
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par l’affirmation que seule une tutelle hiérarchique exercé par le bureau des affaires religieuses à tous les niveaux : national, provincial, des comtés, des villes et des villages, est susceptible de rendre une religion vivable et acceptable. Les représentants des bureaux pour les affaires religieuses à tous les niveaux sont en permanence incités à « travailler », « organiser », « vérifier », et à « contrôler » l’activité des communautés des fidèles (cf. art. 6, 26, 27) ;
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par de nouvelles dispositions qui encadrent non seulement la construction des lieux de culte – qui exigent des autorisations à plusieurs niveaux : local, provincial, national – mais également pour l’installation de croix, de statues et qui en définissent les dimensions, les couleurs et l’emplacement. Pour ces dernières, des autorisations et des vérifications par le bureau des affaires religieuses sont requises (art. 29-30). Dans tous les cas, « la construction de grandes statues religieuses hors des temples et des églises est interdite ».
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par de nouveaux cadres de contrôle sur les articles postés sur internet qui doivent recevoir l’autorisation des autorités gouvernementale et « ne peuvent pas contenir de contenus interdits » (art. 47-48), avec l’interdiction de transmettre en streaming quelque cérémonie religieuse que ce soit ;
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par la nécessité perpétuelle pour le personnel religieux (prêtres et évêques) de s’enregistrer et de s’engager à soutenir l’indépendance, l’autogouvernement et l’autofinancement ;
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par un fait nouveau : des amendes très élevées (jusqu’à 200.000-300.000 yuans) en cas d’activités religieuses dans des lieux non enregistrés ou avec un personnel non enregistré, pouvant aller jusqu’à la confiscation des bâtiments dans lesquels se déroulent ces rassemblements illégaux (cf. art. 64).
Ce sont précisément ces amendes et le risque de se faire exproprier des bâtiments où se déroulent les rassemblements religieux non enregistrés (illégaux) qui ont poussé presque immédiatement de nouveaux prêtres non officiels à conseiller à leurs fidèles de ne plus se rassembler, face à une grave menace économique susceptible de porter un coup fatal à la communauté.
En effet, la Nouvelle Réglementation (NR) semble avoir pour but principal de mettre fin à l’expérience des communautés non-officielles. Tout de suite après l’entrée en vigueur de la NR, pendant plusieurs mois, la police et des représentants du Bureau des affaires religieuses ont rencontré de manière individuelle des évêques, des prêtres et des fidèles laïcs des communautés souterraines pour « boire une tasse de thé » et leur « conseiller » de s’enregistrer dans les communautés officielles. C’est ce qui explique les « vacances forcées » imposées à l’évêque de Wenzhou, Mgr Pierre Shao Zhumin, tout comme les leçons d’endoctrinement dans le Hebei, le Henan et la Mongolie intérieure…
Tolérance zéro pour les communautés souterraines
Il semble il y avoir désormais une « tolérance zéro » pour les communautés non-officielles. Parmi les zones les plus touchées, on retrouve le Hebei, le Henan, le Zhejiang et le Fujiang. Un exemple parmi d’autres, c’est le sort d’une dizaine d’églises du diocèse de Qiqihar, toutes fermés, et dont certains prêtres ont été chassés et rapatriés de force dans leurs villages d’origine.
Depuis fin septembre 2018, au moins sept églises et leurs communautés respectives ont été supprimées dans ce diocèse dont l’évêque, Mgr Joseph Wei Jingvi, est reconnu par le Saint-Siège mais pas par le gouvernement. Des membres du Front uni, de la police et des représentants du Bureau des affaires religieuses ont fait irruption dans les églises en plein milieu de la messe, interrompant la liturgie, chassant et menaçant les fidèles avant de décréter la fermeture des communautés. Les communautés en question sont celles de Shuang Fa, Zhangzhou, Feng Le, Wu Yuan, Wu Da Lian Chi, Tong Bei et de Jia Ge Da Qi.
On a demandé à plusieurs prêtres de quitter leur territoire s’ils ne voulaient pas être expulsés par la force. Les communautés supprimées sont toutes « souterraines », c’est-à-dire non-enregistrées. Elles entretenaient pourtant de bonnes relations avec les autorités du lieu qui, depuis des années, fermaient volontiers un œil sur leurs rassemblements.
Un autre exemple-clé concerne est ce qui est en train de se passer dans le Henan, où presque tous les diocèses – à part celui d’Anyang – ne sont pas reconnus par le gouvernement. Là-bas, la compagne pour détruire les communautés souterraines et faire enregistrer les prêtres est très forte.
En avril 2018, une église a été détruite à Hutuo (Xicun, Gongyi), dans le diocèse de Luoyang. Quelques jours plus tard, dans ce même diocèse, la tombe et la pierre tombale de l’évêque souterrain Mgr Li Hongye (1920-2011) ont été profanées. Les fidèles pensent que cet acte de vandalisme soit dû au fait que figuraient sur sa pierre tombale les insignes de sa charge épiscopale, une charge qui n’était pas reconnue par le régime.
Les 28 avril dernier, les autorités locales de Weihui, dans le diocèse d’Anyang, ont arraché les grandes croix en fer au sommet de deux clocher. Dans les deux vidéos de cette opération qui sont parvenues à « Asia News », on peut observer du personnel technique sur de hautes grues transportant une des croix. Sur le parvis de l’église se trouvent des dizaines de policiers pour empêcher toute éventuelle critique ou résistance. De nombreux fidèles, impuissants devant cet abus de pouvoir, sont à genoux sur les marches du parvis en train de prier et de chanter. Les fidèles sont restés en prière pendant toute la journée.
Des communautés officielles sous contrôle
L’Église officielle est également soumise à des contrôles plus étroits et plus intolérants. Un petit exemple : la nuit entre le 6 et le 7 mai 2019, on a commencé à démolir l’église catholique du village de Shen Liu dans le diocèse de Handan (Hebei). Cette destruction a commencé par l’enlèvement de la grande croix du clocher mais on s’apprête à abattre les murs. Les autorités locales ont justifié leur décision par le fait que l’église et la croix sont « trop voyantes » depuis l’autoroute voisine et que les autos qui passent peuvent être distraites par le symbole chrétien et par le bâtiment. Elles disent aussi que l’église ne dispose pas de tous les permis de construire. Les fidèles affirment au contraire que l’église – appartenant à la communauté officielle – a été construite avec la permission du Bureau des affaires religieuses. Selon certains prêtres du diocèse, le gouvernement local a déjà programmé la destruction de 23 autres églises, toutes appartenant à la communauté officielle.
Au mois de juillet et d’août 2018, deux églises (officielles) ont été détruites au nom des règles d’urbanisme à Qinwang et Liangwang (Shandong), leurs terrains ont été expropriés pour des projets de développement immobilier sans aucune forme d’indemnisation.
En octobre 2018, deux sanctuaires consacrés à la Vierge ont été démantelés et privés de leurs statues. Il s’agit du sanctuaire de Notre-Dame des Sept Douleurs de Dongergou (Shanxi) et du sanctuaire de Notre-Dame de la béatitude, également connue sous le nom de « Notre-Dame de la Montagne », à Anlong (Guizhou).
Des fidèles ont déclaré à « Asia News » que les statues du sanctuaire de Dongergou ont été saisies au nom de la « sinisation » : les autorités ont déclaré qu’il y avait « trop de croix » et « trop de décorations au-delà de toute limite » et que c’est pour cela qu’elles devaient être enlevées et détruites.
Le sanctuaire de Notre-Dame de la Montagne à Anlong a été détruit parce que les autorités ont décrété qu’il avait été construit sans les permis nécessaires.
Des prêtres et des évêques sont victimes de ce nouveau tour de vis : le P. Liu Jiangdong, de Zhengzhou (Henan) a été chassé de sa paroisse en octobre 2018 avec l’interdiction de vivre en tant que prêtre pour avoir osé organiser des rencontres avec des jeunes de moins de 18 ans, contrevenant ainsi à l’interdiction de donner une éducation religieuse aux mineurs.
Et cela vaut également la peine de rappeler – même si l’affaire date d’avant la NR – le cas de Mgr Thaddée Ma Daqin, l’évêque de Shanghai, assigné à domicile en isolement depuis 2012 pour avoir osé quitter l’association patriotique. Il s’est ensuite ravisé mais cela n’a servi à rien parce que l’AP « n’a plus confiance en lui ».
Sinisation
Le contrôle sur la vie de l’Église s’exerce également à travers la « sinisation » qui, même si elle met en lumière la nécessité d’inculturer la foi, fait l’exaltation d’un patriotisme nationaliste irrespectueux de la foi et de ses expressions. Au nom de la sinisation, l’Église doit non seulement assimiler la culture chinoise et exprimer son credo avec des catégories chinoises mais également élaborer une théologie, une histoire et des œuvres d’art conformes à la culture chinoise. C’est toujours l’Association Patriotique qui est chargée de contrôler ce travail.
Cette incitation à l’inculturation s’est muée en iconoclastie et en destruction d’œuvre d’arts anciennes (« trop occidentales »), de décorations extérieures et intérieures des églises, d’élimination des croix des clochers, de la destruction de coupoles et de façades « de style non chinois ». Même les bannières de Nouvel An chinois ne peuvent contenir aucun signe religieux ni aucune phrase religieuse mais être en style chinois (athée ?) et il est interdit aux églises de vendre des bannières contenant des expressions religieuses et aux fidèles de les exposer devant leurs maisons.
Le thème de la sinisation a été lancé par Xi Jinping depuis 2015 déjà. Le 20 mai 2015, au cours d’une rencontre avec le Front uni et après une analyse de la situation dans laquelle le Parti communiste chinois craignait de finir comme l’URSS, Xi a décrété que les religions doivent être « sinisées » si elles voulaient continuer à vivre en Chine. La même chose a été répétée lors d’une rencontre nationale sur les affaires religieuse en avril 2016, pour aboutir aux notes sur les religions du 19e Congrès du PCC d’octobre 2017.
Pour Xi Jingping, sinisation signifie :
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assimilation des religions à la culture chinoise « en éliminant toute influence extérieure » du point de vue culturel ;
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indépendance de toute influence étrangère ;
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soumission au parti communiste chinois et à ses dirigeants.
De cette manière, on comprend bien pourquoi – au nom du patriotisme et du soutien au Parti – on oblige les communautés à hisser le drapeau chinois sur tous les bâtiments religieux, à chanter des hymnes patriotiques avant les cérémonies et à exposer le portrait de Xi Jingping jusque sur les autels.
On comprend également un autre élément : les destructions qui se déroulent en Chine ne sont pas due au zèle de l’une ou l’autre autorité locale mais elles sont le reflet d’une politique soutenue par les différents responsables au niveau national, jusqu’au chef suprême, exalté comme étant « le cœur du leadership ».
La sinisation est une façon de faire disparaître l’Église de l’espace public. Comme il ressort du rapport d’une réunion interne à l’AP (qui nous est parvenue ces dernières jours), il faudra veiller à l’avenir que les églises « ne soient pas monumentales », qu’elles ne soient pas visibles depuis les carrefours ou les grandes rues, qu’elles « n’aient pas de caractéristiques occidentales (romanes, gothiques, arabes…) », qu’elles n’exercent aucune fonction sociale (aide aux pensionnés, garderie d’enfants, etc.) En somme : tout en conservant une liberté de culte minime, on fait en sorte que le lieu de culte et ses œuvres de charité deviennent de plus en plus invisibles.
L’accord Chine-Vatican
L’accord provisoire entre la Chine et le Saint-Siège signé le 22 septembre 2018 n’a rien changé à cette situation de contrôle et d’asphyxie. Il est vrai que cet accord représente d’une certaine manière une conquête, étant donné que pour la première fois dans l’histoire de la Chine moderne, le Pape est reconnu comme étant le chef de l’Église catholique, même en Chine. Ceci dit, c’est ce que prétend le Vatican mais personne ne sait ce qui figure réellement dans le texte de l’accord étant donné qu’il n’a toujours pas été rendu public.
Quoi qu’il en soit, en décembre dernier, Wang Zuoan, vice-directeur du Front uni et ancien directeur de l’Administration d’État pour les affaires religieuses, a de nouveau souligné que les principes d’indépendance et d’autogestion ne seront éliminés « à aucun moment et en aucune circonstance ».
Selon ce que le Pape aurait dit à un évêque souterrain (Mgr Guo Xijin), s’il ne signait pas l’accord, la Chine menaçait d’ordonner 45 évêques illicites et « indépendants » du Saint-Siège, créant les bases d’un véritable schisme. Cet accord a donc été le fruit d’un véritable chantage.
Il faut souligner que tout de suite après la signature de l’accord, dans de nombreuses régions de Chine, le Front uni et l’Association patriotique ont organisé des rassemblements de prêtres et d’évêques pour leur expliquer que « malgré l’accord », ils devaient travailler pour construire une Église « indépendante ». Les destructions de croix, d’églises, les sessions d’endoctrinement et les arrestations se sont poursuivies comme avant l’accord.
Après l’accord
Après l’accord, on a constaté un accroissement de la pression pour l’enregistrement civil du clergé, afin transformer les prêtres et les évêques de véritables fonctionnaires et en défenseurs de la politique de l’État. Un exemple se trouve dans un document qui nous est parvenu du Fujian et qui s’intitule « Lettre d’engagement pour les responsables des lieux de culte et pour les personnes consacrées ». S’il signe ce document, le prêtre pourra être curé et exercer son ministère dans les limites prévues, sinon il restera au chômage et pourra même être renvoyé chez lui. Il en va de même pour les religieuses, les « personnes consacrées » (en Chine le gouvernement ne permet pas la vie religieuse masculine).
Parmi les choses les plus impressionnantes, il y a :
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L’adhésion au fat que l’on doit « interdire l’entrée dans l’Église des mineurs » ou « ne pas organiser de cours de formation pour les mineurs ». On notera que cette interdiction, en plus d’être contraire à l’Évangile (cf. Matthieu 19, 14), est également contraire à la constitution chinoise qui garantit la liberté religieuse sans imposer de limite d’âge.
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Au nom de l’indépendance, il faut « boycotter sciemment toute intervention des étrangers ; ne contacter aucune puissance étrangère, ne pas accueillir d’étrangers, ne donner aucune interview, aucune formation et n’accepter aucune invitation à des conférences à l’étranger ». Autrement dit, rester isolés et ne pas partager la foi avec les autres catholiques de par le monde. Cela contrevient également aux Conventions de l’ONU en matière de liberté religieuse et de droits civiques que Pékin a pourtant signées le 5 octobre 1998 mais n’a jamais ratifiées.
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On impose une série de limites à l’évangélisation : il est interdit de chanter de sans autorisation ; on ne peut pas exposer – chez soi ! – de « signes et de symboles » à « des fins évangéliques » ; on ne peut pas poster en ligne de sujets religieux ; on ne peut pas parler de religion quand on visite des malades à l’hôpital…
Le problème est que par le passé, cette politique était celle du gouvernement envers les religions, à travers laquelle il cherchait à étouffer un corps trop vivant, qui se soumettait avec difficulté aux règles de l’État. À présent, le gouvernement exige des prêtres et des évêques non seulement qu’ils obéissent mais également qu’ils deviennent les promoteurs de la politique gouvernementale et qu’ils jouent un rôle actif dans la persécution et dans l’asphyxie de la vie de l’Église.
Les orientations du Vatican pour l’enregistrement civil du clergé
Tout de suite après l’accord, le pape François a envoyé un Message aux fidèles chinois et à l’Église universelle dans lequel il souhaitait que tous les fidèles travaillent à la réconciliation entre eux, dans la communion universelle, avec le gouvernement et la société chinoise.
Un an après la signature de l’accord, ils semblent que les signes de division et d’opposition n’aient fait que s’aggraver.
Déjà avant l’accord, les communautés souterraines se plaignaient d’être « oubliées » du Saint-Siège parce qu’ont ne tenait pas compte de leur expérience du refus d’adhérer à l’AP et de soutenir l’indépendance de l’Église. Avec les nouveaux formulaires pour l’enregistrement du clergé qui exigent de souscrire à l’indépendance, elle se trouvent encore plus coincées qu’avant.
Leur situation inconfortable est principalement due :
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au fait que le gouvernement, fort de la signature de l’accord, essaye d’amadouer les membres des Églises souterraines en prétendant que « même le Vatican est d’accord avec nous » ;
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les membres des Églises souterraines voient dans les documents du Vatican, dans les commentaires sur l’accord et dans l’accueil inconditionnel des 7 évêques excommuniés un « dépassement historique » de leur position.
Un sentiment d’insatisfaction règne auprès de nombreux prêtres sur cet accord qui ne donne pas davantage de liberté religieuse mais qui au contraire transforme les prêtres et les évêques en « fonctionnaires de l’État ». De plus, les prêtres et les évêques officiels, au lieu de poser des gestes de réconciliation vers les souterrains, se renferment dans leur rôle de fonctionnaire et se désintéressant de leur sort et allant jusqu’à accuser les non-officiels de « ne pas suivre le Pape ».
Au sein de l’Église universelle, au nom de l’accord et de la « patience » dont il faut faire preuve envers Pékin, les persécutions sont très souvent passées sous silence, on prétend que « tout va bien » et on accuse ceux qui dénoncent les persécutions d’avoir « un agenda caché ».
Ces derniers mois, du côté du Vatican, il semble pourtant qu’on se pose des questions sur l’accord et sur la manière dont il est mis en œuvre.
Dans une interview qu’il a accordée à Vatican News le 3 février 2019, le cardinal Fernando Filoni a admis, pour la première fois dans le monde du Vatican, qu’il y avait une certaine « perplexité » sur l’accord et sur le fait que le gouvernement « oblige » d’adhérer à l’AP plutôt que de laisser une telle adhésion « facultative » comme cela aurait dû être dans l’accord.
Il critique également un « patriotisme » fait de nationalisme égoïste sous prétexte de véritable amour de la patrie et de dévouement envers le pays.
Le 28 juin 2019, le Saint-Siège a publié les « Orientations pastorales pour l’enregistrement civil du clergé en Chine ». Dans ce document, on admet qu’il y ait des « difficultés » dans la mise en œuvre de l’accord. De façon un peu indirecte, on fait remarquer que des violences et des contraintes contraires à la doctrine catholique sont exercées envers des prêtres et des évêques, « malgré l’engagement pris par les autorités chinoises de respecter également la doctrine catholique ».
De plus, ce document précise à quelle « indépendance » il faut souscrire (une indépendance politique et non une indépendance envers le pape) et on donne des indications sur la manière de garder sa conscience catholique au moment de signer l’enregistrement.
Le document exhorte ensuite à la patience et à la réconciliation entre les communautés officielles et souterraines, en respectant les choix des uns et des autres, tout en espérant qu’à l’avenir les choses puissent s’éclaircir avec les autorités chinoises.
Plusieurs prêtres officiels et souterrains considèrent ce document comme étant « ambigu » parce qu’il laisse chacun décider pour son propre compte sans indiquer aucune « regula fidei ».
En outre, comme l’un de mes confrères des MEP le soulignait, le texte des Orientations « ne prend pas en compte les données factuelles sur les restrictions en vigueur sur les structures de l’Église et surtout sur la vie des catholiques (en particulier pour les jeunes de moins de 18 ans) ni sur les mesures abusives prises au nom de la ‘sinisation’. Et surtout, elles ne semblent pas comprendre l’intention très claire des autorités chinoises de réduire l’église à une institution gouvernementale et le clergé à des fonctionnaires de l’État ».
Du côté de l’État chinois, il est évident que cet accord lui permet de réaliser ce qui avait déjà été décidé en 1982 dans le célèbre « Document 19 » par lequel le Parti cessait de prendre des initiatives pour éliminer les religions parce que toute initiative du genre s’avérait contre-productive. Mais le parti s’arrogeait le droit de prendre le contrôle total des religions.
De ce point de vue, ce qui est en train de se passer avec l’enregistrement du personnel religieux est dans la droite ligne avec ce projet et le fait d’avoir reconnu le Pape comme « chef de l’église catholique » ou mieux du « Vatican » ne change rien à leur vision : l’Église chinoise appartient à l’État et aucune « puissance étrangère » n’a rien à dire à cela sous peine de se voir accusée d’« ingérence dans les affaires internes de la Chine ».
D’autre part, le silence du Vatican et de l’Église mondiale sur les persécutions, les destructions, les interdictions, conforte Pékin dans sa vision : l’Église chinoise est une Église nationale qui n’appartient qu’à l’Etat.