La chronique de Hakim El Karoui
23 septembre 2019
« Le gouvernement veut inventer des familles sans père. Cette question rentre-t-elle dans ses prérogatives ? La question se pose »
L’Académie nationale de médecine vient de rendre un avis officiel, samedi 21 septembre, dans lequel elle dit que « la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure » et n’est « pas sans risques » pour son « développement psychologique » et son « épanouissement ». A quoi la ministre de la santé Agnès Buzyn a répondu que « considérer qu’il y a un lien direct entre défaut de construction de l’enfant et famille monoparentale est faux », a-t-elle répondu, estimant que la prise de position de l’Académie est « en tous les cas peut-être datée ».
Que penser de cet argument ? Remarquons d’abord que la ministre ne répond pas à l’objection formulée par l’Académie puisqu’elle parle de famille monoparentale (dont le parent peut-être un père ou une mère) et pas des familles dont les deux parents seraient des femmes. Les deux cas sont pourtant très différents : dans une famille monoparentale, le père ou la mère est absent. Il n’a pas jamais existé (ou n’a été réduit au sperme d’un donneur). L’enfant n’est pas né sans lui.
Avec cette analogie maladroite, Agnès Buzyn évite donc la question de la « rupture anthropologique fondamentale » soulevée par l’Académie de médecine. Cette question est pourtant majeure : le gouvernement veut inventer des familles sans père. Cette question rentre-t-elle dans ses prérogatives ? La question se pose. L’Académie rappelle au passage une évidence quand elle « estime que, de plus en plus malmenée par les évolutions sociétales, la figure du père reste pourtant fondatrice pour la personnalité de l’enfant comme le rappellent des pédopsychiatres, pédiatres et psychologues ».
Deuxième argument souvent entendu : les études scientifiques prouvent que les enfants ne subissent pas de dommages particuliers suite à leur engendrement hors normes. L’Académie nationale de médecine ne peut être suspecte d’arguments anti-scientifiques, c’est même son objet que de défendre la science. Or, que dit-elle ? Que les études brandies par les partisans de la PMA pour toutes « se fondent sur certaines évaluations, essentiellement dans quelques pays anglo-saxons [1] et européens, faisant état de l’absence d’impact avéré sur le devenir de l’enfant. [Elle] ne juge pas très convaincantes ces données au plan méthodologique, en nombre de cas et en durée d’observation sur des enfants n’ayant pas toujours atteint l’âge des questions existentielles ».
« La limite des droits des lesbiennes (et des gays) désireuses d’avoir des enfants… ce sont les droits de leurs enfants eux-mêmes »
Troisième argument, le droit à l’enfant pour les femmes homosexuelles désirant en avoir. A cet argument, l’Académie répond qu’elle « reconnaît la légitimité du désir de maternité chez toute femme quelle que soit sa situation », mais juge qu’« il faut aussi au titre de la même égalité des droits tenir compte du droit de tout enfant à avoir un père et une mère dans la mesure du possible ». On ne saurait mieux dire. La limite des droits des lesbiennes (et des gays) désireuses d’avoir des enfants… ce sont les droits de leurs enfants eux-mêmes.
Quatrième argument, le plus affligeant de tous, celui de la modernité. Entendre la ministre de la Santé dire qu’avoir un père serait « daté » laisse sans voix ou plutôt sans mots. L’imaginerait-on dire qu’un enfant n’a pas besoin d’une mère ?
Ne faisons pas de lois qui changent les principes fondamentaux de la société pour répondre aux demandes d’une minorité.
[1] voir https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/21/les-enfants-eleves-par-un-couple-de-femmes-se-portent-aussi-bien-que-les-autres_6012498_3232.html qui évoque un suivi réalisé sur… 76 enfants