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Du combat pour la mort à la lutte contre la mort (mise à jour)

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Du frère René Stockman, supérieur général des Frères de la Charité, sur Kerknet.be (Merci à notre amie M.P.M. pour sa traduction) :

Du combat pour la mort à la lutte contre la mort

29 AVRIL 2020

Des citoyens bien pensants, - en évoquant l’éthique - , relèguent un grand groupe de personnes au rang de citoyens de second rang  dont la vie vaudrait moins que celle des autres.

En janvier, des médecins ont dû comparaître devant la Cour d'assises pour avoir enfreint la réglementation relative à la bonne exécution de l'euthanasie. Lorsque le jugement a été prononcé en leur faveur, il y a eu des acclamations sur les bancs et pour certains, il était temps d'élargir rapidement la législation sur l'euthanasie. Les personnes âgées atteintes de démence devraient avoir droit à l'euthanasie si elles avaient rédigé un testament à cet effet , tout en ne pouvant plus  le confirmer par la suite en raison de leur démence. Mais qui décidera de cela? Certainement plus la personne démente elle-même, mais des tiers qui estiment que les conditions énoncées dans le testament sont remplies. Cela deviendrait alors une autodétermination prise en charge par d’autres. Dans quelle mesure des personnes âgées, à partir de ce même droit à l'autodétermination, oseront-elles ou pourront-elles faire un choix en toute liberté pour une mort naturelle ?

Nous vivons actuellement dans un univers d’« utilitarisme » qui crée une mentalité où les personnes âgées ne devraient pas être un fardeau pour la famille, pour la communauté ou pour les finances publiques. Si nous avions osé le dire cela il y a quelques semaines, on nous aurait illico envoyés au diable. Les gens bien pensants du XXIe siècle ne vont tout de même pas évaluer les personnes  en fonction de leur utilité ?

L'euthanasie est quand même un bien pour les personnes, un nouvel acquis. Elle a même été érigée par ses promoteurs au rang d'une œuvre de miséricorde.

Atmosphère d'utilitarisme

Mais cela peut changer, et parfois même très rapidement. La mentalité utilitariste s’est ainsi très clairement exprimée dans le code d’éthique devant justifier la politique d'admission dans les unités de soins intensifs et ainsi apaiser la conscience des médecins et des infirmières. On calcula rapidement combien de lits et de respirateurs étaient disponibles aux soins intensifs. Des comités d'éthique ont été convoqués et aux maisons de repos et de soins on a suggéré d’ y garder les personnes âgées ayant peu de chances de guérison, afin de réserver les lits et les respirateurs des hôpitaux aux jeunes. On pensait que c'était une politique humaine; ainsi, la capacité hospitalière disponible serait suffisante, notamment pour la population "active". Les scientifiques, les politiciens et les éthiciens pensaient avoir fait les bons choix et s’estimaient bien préparés et en sécurité en Belgique. Restreindre et même interdire les visites auprès des résidents en maisons de repos et de soins, et bien se laver les mains avant d'entrer  devait être suffisant.

Citoyens de seconde classe

Mais ici aussi cela pouvait changer et parfois même très rapidement. La thèse et le point de départ selon lesquels le virus pouvait être maintenu en dehors des maisons de repos et de soins était impossible et donc invraisemblables. Les comités d'éthique savaient, se basant sur les situations italiennes et espagnoles, que les personnes âgées seraient les premières victimes du coronavirus. Toutefois ils ont décidé à l'avance, si des choix devaient être faits, de donner aux jeunes la priorité dans les services de soins intensifs.

Peut-on donc nier que de nombreuses personnes âgées, soignants, personnes handicapées dans les centres d'hébergement ainsi que les patients psychiatriques dans les maisons de soins psychiatriques, sentent quotidiennement et concrètement dans cette crise du coronavirus, que lors des prises de décisions, ils se trouvent être à la deuxième ou la troisième place ? A tout le moins se sentent-ils traités comme des citoyens de seconde zone quand il s'agit vraiment de faire des choix dans la société. Cela ressort de nombreux témoignages de ces secteurs. Qui interprète la peur de ces personnes et prend leur défense ? Ce qui a été camouflé dans le processus d'euthanasie de Tine Nys avec toutes sortes de déclarations voilées et médiatiques, est maintenant pleinement révélé :

Nos citoyens « bien pensants », avec un léger saupoudrage (sous couvert d’éthique), rétrogradent un grand nombre de personnes au rang de citoyens de seconde classe dont la vie - en fin de compte - vaut moins que celle des autres.

Le point d’achoppement

Nous n'avons pas l'intention d'identifier des coupables, mais le vrai point d’achoppement reste le choix de départ fait pour éloigner les personnes âgées des soins intensifs et de ne pas fournir un soutien supplémentaire aux maisons de repos et de soins et où le plus grand groupe à risque séjournait, même si cette position a été atténuée par la suite par certains médecins lorsqu'il est apparu qu'il restait encore des disponibilités aux soins intensifs et que les personnes âgées pouvaient également être admises.

Il faut avouer cependant à contrecœur qu'il y aurait eu moins de décès si l'affaire avait été traitée différemment. Donc avec d'autres principes éthiques !

Apparemment, les éthiciens qui ont dû réfléchir aux mesures à prendre sont aussi des enfants de leur temps qui suivent aveuglément la philosophie de l’utilitaire qui sévit actuellement dans notre société. Apparemment, le terme d'utilité n'est pas non plus pour eux un mot «sale».

Utile et inutile

Notre société compte désormais deux groupes: les utiles et les inutiles. Lors de la pandémie du coronavirus, les inutiles sont les personnes âgées, mais qui seront les groupes suivants après le coronavirus ? Parce que ce moment aussi va arriver. A-t-on mis de nouveau le masque de l'autodétermination absolue et de la fausse miséricorde sous lequel le virus de la pensée utilitaire continue de se propager? Jusqu'à ce qu'arrive un moment où les masques tombent et où il faut avouer que le principe d'utilité gagne du terrain et prend même le dessus en Occident. Mais peut-être que cela peut encore changer et, que grâce à cette pandémie, on pourrait redécouvrir la valeur de chaque vie et aussi sa fragilité? Et surtout que le pouvoir que nous pensions avoir sur la vie est relatif.

Espérons que les efforts surhumains que beaucoup ont déployés et continuent à déployer pour sauver des vies, ont fait réfléchir ceux qui propagent et appliquent comme une évidence le recours à la seringue de l'euthanasie .

Cette opinion du frère René Stockman, supérieur général des Frères de la Charité, est parue dans Tertio n ° 1.055 ce mercredi 29 avril 2020.

Commentaires

  • Oui,les personnes âgées et les handicapés sont utiles également puisque leur état crée du travail.Exemples:: le personnel en maison de repos, les dresseurs de chien pour aveugles etc.... L'euthanasie devient donc un manque à gagner . Pas malin celui qui n'y pense pas !!!!

  • L'utilité n'est pas une qualité de l'être humain. Le concept d'utilité n'a par conséquent aucune pertinence pour décrire l’Homme ou juger de la valeur de la vie humaine. Ajoutons le fait qu’il appelle nécessairement son contraire, l’inutilité, véritable épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête de chacun…

    Réservons le concept d'utilité au monde des objets créés par l’Homme, c’est là qu’il prend sa source: dans l'usage que l'on peut faire des choses par rapport à des buts déterminés. Ainsi, une bêche est utile pour creuser la terre, un stylo pour écrire (ils ont été créés pour ça). Mais le stylo est inutile pour creuser, etc. Voilà la sémantique originaire des termes « utile » et « inutile ». Seuls les outils sont à proprement parler « utiles » !
    Elargissons son application à tout ce que l’Homme n’a pas créé mais dont il se sert: le monde naturel (minéral, végétal et animal) qu’il utilise à des fins spécifiques. Il le domestique, il s'en sert pour subvenir à des besoins: manger, se chauffer, s'abriter, etc. Ici aussi les « objets » de ce monde peuvent être dits « utiles » ou « inutiles » par rapport à des usages créés par l’Homme. Il n'empêche que le concept d'utilité n'a pas sa place dans le monde naturel sauvage: auriez-vous l'idée de dire que la baleine bleue est utile ou le pinson inutile? Par rapport à quelles fins, à quels usages? Ceci n’a aucun sens. La Nature échappe tout à fait à l'application de ce concept... Pouvez-vous dire qu'un nuage est inutile, ou le vent utile? Le vent est utile certes pour faire tourner les ailes d’un moulin, le soleil pour alimenter un panneau photovoltaïque… Est-ce à dire que le soleil et le vent ont attendus l’Homme pour acquérir un sens? Adam a nommé les choses et ceci leur conférait un sens pour lui, mais le sens dépend-il entièrement de l’Homme qui nomme les choses? Ce qui est sûr, c’est que l’usage que fait l’Homme des choses qui existaient avant lui ne constitue pas leur raison d’être! N’est-il pas plus raisonnable pour lui de reconnaître le don que constitue ce monde dans lequel il est plongé et qui ne procède pas de lui?
    De la même façon, l’Homme découvre qu’il est précédé par des générations d'Hommes et on ne voit pas à quel titre une génération particulière s’octroierait le pouvoir de changer les Hommes en choses et de décider lesquelles sont utiles et lesquelles ne le sont pas… Le croyant pense que Dieu est l’Auteur de tout ce qui est et respecte cette prérogative divine quant à la vie. L’incroyant qui se fait maître de la vie est lui, totalement incapable de fonder en raison (son seul appui !) pourquoi tel foetus ou tel vieillard doivent mourir. Le concept d’utilité/inutilité lui sert alors bien commodément d’argument ad hoc!


    En dehors des usages que l’Homme fait des choses (au sens large), le terme « utilité » décrit simplement les relations* existantes entre des éléments: le nuage est « utile » parce qu’il transporte l’eau, le vent élimine les feuilles mortes des arbres en automne, etc. Le boulanger est « utile » à son village. (Mais à nouveau, le terme ne correspond ici à aucune qualité réelle de l’Homme et ne fonde en rien un supposé « droit » de vie ou de mort sur l'existence humaine).

    C’est par analogie avec le monde des outils de l’Homme que l’on parle d’ « utilité » dans une quantité de champs signifiants éloignés. Mais il ne faut pas donner à ce terme un sens qu’il n’y possède pas.
    Il est capital de bien saisir que ce concept est un intrus dans le monde moral de l'Homme, où il a pénétré par erreur philosophique et prospéré à l’ombre de l'économisme, cette autre tare de la pensée. Remettons-le à sa place une fois pour toute.


    *Le concept de relation est plus adéquat que celui d’utilité pour appréhender la nature de ce qui est et de ce qui vit. Pour reprendre l’exemple du boulanger, son « utilité » supposée est simplement la qualification de l’échange dans lequel il se trouve avec d’autres agents sur le plan économique. L’économie est la science des échanges quantifiables entre les êtres humains. L’échange est un synonyme de la relation, mais il faut veiller à ne pas réduire la relation à une seule de ses déclinaisons.

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