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La vérité de la foi n'est pas de la plasticine (Cardinal Müller)

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Une interview du cardinal Gerhard Ludwig Müller pour Kath.net (D)/, (trad. sur Pro Liturgia . org)

Le Cardinal Müller : "De toutes les parties de l'Église universelle, on m'aborde avec une grande inquiétude au sujet de la Voie synodale".

Kath.net : Mgr Bätzing, président de la Conférence épiscopale d’Allemagne, a dit avec raison, dans une interview avec « Herder Korrespondenz » : « C’est un fait : nous vivons une grande transformation de notre Église, passant d’une Église populaire confortée par l’institution à une Église qu’on se choisit ». Mais, Éminence, de quels choix s’agit-il ? En faveur de quoi faudra-t-il se décider à l’avenir si l’on désire rester ou devenir catholique ? Choisir de rejoindre une sorte d’association au sein d’une sympathique paroisse de banlieue ou un lieu reconnu pour la qualité de sa musique et de ses chants ou sa belle fête paroissiale ? Décider de participer aux frais de l’Église en payant un impôt (selon le système en place en Allsamgne ndlr) ? ou éventuellement faire le choix de suivre ce jeune prédicateur de Galilée qui par sa vie, sa mort et sa résurrection a, de façon remarquable et inhabituelle, placé la barre spirituelle très haut ?

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Card. Müller : Cette comparaison entre une Église populaire et une Église choisie ne doit pas être réduite à des considérations sociologiques. La foi chrétienne sera toujours une grâce ; mais cette grâce ne conduira vers notre salut que si elle se trouve complétée par notre adhésion personnelle et le don libre de notre être à Jésus, Parole de Dieu son Père faite chair, en soi-même et dans la communauté des croyants. Nous ne devons pas oublier non plus que Jésus n’est pas mort pour une petite élite (qui se définirait elle-même ainsi), mais pour l’immense majorité des pécheurs, des pauvres et des faibles. Car « Il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 4).

Le problème n’est pas que dans l’Église du Christ - s’ouvrant à tout le peuple - il y ait aussi des tempéraments tièdes ou superficiels, mais que ceux qui ont été appelés par Dieu à guider ce peuple se sont résignés à cette situation actuelle de crise. Or, malgré toutes nos déceptions, nous ne pouvons pas renoncer à ramener vers les bons pâturages les brebis fatiguées, égarées et gagnées par la propagande antichrétienne ; pâturages où, guidés par la Parole de Dieu, nous retrouvons notre orientation et accueillons la vie de Dieu dans sa nourriture sacramentelle.

Il est dans notre nature d’hommes de préférer un divertissement léger à une conversion exigeante du cœur. C’est avec du pain et des jeux que les potentats de toutes les époques ont su gagner les faveurs du peuple. Mais ce ne sont pas là les méthodes pastorales des Apôtres du Christ. La mesure - et l’exemple à suivre - de la nouvelle évangélisation et de l’Église missionnaire dont parlent nos derniers papes est dans cette parole de l’Évangile de Saint Jean : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11).

Sous prétexte d’un grand nombre de participants à la fête paroissiale, ou - exemple un peu plus relevé - à l’oratorio de Noël donné à l’église devant un public enthousiaste, et ce malgré la baisse constante du nombre de baptêmes, de confessions, de participation à la messe, de mariages chrétiens, certains responsables ecclésiaux sont tentés de penser que le système après tout fonctionne toujours, et pas trop mal. Grave erreur ! Il ne faut pas confondre l’essentiel avec le secondaire. En cas de maladie, la science du médecin n’est-elle pas plus importante que la bonne ambiance qui règne à l’hôpital. Bien sûr, aucun prêtre zélé ne refusera brutalement de conférer le baptême à un enfant amené par sa famille avec pour seule raison que ces gens-là tiennent le baptême pour une simple tradition et que, malgré une conscience éclairée, ils ne peuvent se résoudre à ne pas satisfaire à ce rite, pour le cas où il y aurait tout de même quelque chose comme un au-delà. Mais il ne devra pas manquer à ce prêtre le courage de témoigner de la Bonne Nouvelle, de dire clairement que leur enfant a été conçu dans le cœur de Dieu de toute éternité, selon les termes de l’Épitre aux Romains : « Ceux que, d’avance, il connaissait, il les a aussi destinés d’avance à être configurés à l’image de son Fils » (Rom 8, 29). Le courage de dire que, par le sacrement du baptême, la personne concrète de l’enfant reçoit de façon inaliénable l’élection et la grâce, la justification et la sanctification.

Nous vivons une sécularisation du christianisme proche d’une autodestruction sauvage. Face à cette situation, tout homme qui aime l’Église, rempli de ce « zèle dévorant pour la Maison de Dieu » (cf Jn 2, 13-25) pourra se reconnaître dans ce geste violent de Jésus chassant du temple les marchands et les changeurs. Mais il n’oubliera pas la compassion de Jésus envers toutes ces personnes qui sont « désemparées et abattues comme des brebis sans berger » (Mt 9, 36). Alors aujourd’hui, au lieu d’accuser les évêques, les prêtres, les diacres et tous les autres responsables d’être à l’origine de cette crise du christianisme en Occident, au lieu d’essayer de nous décharger de notre propre frustration en usant du terme un peu bête et méchant de « cléricalisme » à leur égard, nous devrions nous attacher tous ensemble à réaliser cette mission qui nous a été confiée par le Christ : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » (Mt 9, 37-38)

Kath.net : Admettons que les grandes idées du Chemin Synodal (qui a été initié en Allemagne, ndlr) deviennent effectivement la ligne officielle de l’Église en Allemagne. Cela signifierait-il que de nombreuses personnes se tourneraient à nouveau vers Jésus-Christ avec une foi personnelle, et que la fréquentation des églises serait à nouveau en hausse sensible ? Cela réveillerait-il l’attractivité du sacerdoce et des vocations ecclésiales, des responsabilités institutionnelles et bénévoles ? Un tel chemin serait-il effectivement une contribution à la nouvelle évangélisation souhaitée par le pape François ?

Card. Müller : On s’est laissé persuader par l’idée que les délits sexuels, qui sont de la responsabilité individuelle des délinquants, seraient en fait d’origine systémique. Mais le simple acte d’auto diffamation de l’Église qui conduit à considérer cette Église, aimée par le Christ et à laquelle il s’est donné pour la sanctifier - « Il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle » (Eph 5, 25) - est en réalité un réseau où l’abus de pouvoir, la trahison et la cupidité génèrent la criminalité, une construction idéologique et athée, qu’elle est un affront pour la raison de tout catholique convaincu.
Au lieu de taper sur l’Église, l’Épouse du Christ et notre Mère dans la foi, chacun de nous devrait battre sa propre coulpe, soumettre son mea culpa au pardon de Dieu et proposer à tous un renouveau à la source de sa grâce. Le Christ construit lui-même son Église par son Évangile et la transmission sacramentelle de sa grâce, œuvre pour laquelle il a appelé comme ses serviteurs, et confirmé dans leur mission, les Apôtres et ses successeurs dans la charge épiscopale, avec les prêtres et les diacres.

Un christianisme bricolé à partir d’une anthropologie déficiente (idéologie du genre, le droit à l’avortement, les relations en dehors de l’amour conjugal entre un homme et une femme, polémique anti-célibat) et de quelques restes d’un enseignement de la foi en miettes, résistera à la prochaine tempête de la même façon que la maison qui avait été construite sur le sable.

La fidélité à la Parole du Christ à propos de l’indissolubilité du mariage, et l’adhésion à la conception sacramentelle de l’Église selon les textes du concile Vatican II (Lumen Gentium, ch. 3) sont d’une efficacité à nulle autre pareille pour obtenir que « l’Église, dans le monde d’aujourd’hui » (Gaudium et Spes) soit au service du bien-être temporel (reconnaissance des droits universels de l’homme, justice sociale, paix dans le monde) et du salut du genre humain (vision divine et communion des saints). Rien de comparable avec les délires du camp adverse, à savoir de la part des néo-gnostiques hostiles à la notion de création, dont on subit les moqueries au-delà du raisonnable (à propos de l’unité entre l’âme et le corps, l’incarnation, le salut transmis par les sacrements, la résurrection de la chair).

Le retour insistant des thèmes synodaux, apparemment d’une brûlante actualité pour certains, et qui reposent sur un net ressentiment anticatholique, font resurgir « l’éternel retour du même » de Nietzsche. Le prophète du nihilisme voulait de toute force garder un sens à la dévalorisation de toute valeur suscitée par la « mort de Dieu » face au le vide abyssal de l’être du (sur)homme. En reportant son relativisme quant à la question de la vérité sur l’enseignement révélé de l’Église, on finit par considérer le Credo comme une masse informe et malléable, qu’on peut déformer selon son goût et son envie, non sans se faire applaudir par une majorité manipulée et se prendre pour un courageux réformateur.

Être catholique, c’est au contraire considérer que « le Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise, en cet unique dépôt de la foi, tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu » (Vatican II, Dei Verbum 10).

Le Chemin Synodal des évêchés allemands n’a aucune sorte d’autorité pour mettre en place un enseignement et une pratique, en matière de foi et de morale, qui s’éloigneraient de la doctrine de la foi qui le lie à l’Église. C’est pourquoi sa volonté d’imposer de force aux catholiques allemands des décisions contraires à la foi est en désaccord total avec les textes constitutionnels de l’Église, et de ce fait nulle et non avenue. Le pouvoir disciplinaire des évêques ne peut en aucun cas servir à imposer des enseignements hérétiques ou des actes immoraux.

Ceux qui seraient confrontés à de telles manœuvres ont à se souvenir que mieux vaut subir une injustice que de commettre une injustice. Lorsqu’il s’agit de la « vérité de l’Évangile » (Gal 2,14), les évêques ont même l’obligation de reprendre en public leurs confrères, comme Paul l’avait fait en son temps à l’égard de Pierre, sans pour autant que leur charge primatiale soit remise en cause.

L’idée selon laquelle on pourrait changer à sa guise quoi que soit dans le Catéchisme de l’Église, faisant ainsi de la vérité révélée un élément variable en fonction des désirs humains, signifie en fait un retournement des choses : la justification du pécheur par la grâce divine devient la justification du péché par la désobéissance de l’homme. Le pape peut bien sûr entreprendre occasionnellement certains « changements » dans le catéchisme, qui ne seront pas des corrections du contenu dogmatique de la foi catholique, mais des précisions de pensée ou de vocabulaire d’un certain contenu, ou l’actualisation de certains principes moraux en regard d’une situation sociale évolutive (par exemple, récemment : la légitimation ou l’abolition de la peine de mort dans la justice civile). Mais on ne peut pas en déduire la toute-puissance du Magistère à éliminer des vérités révélées qui ne seraient pas en phase avec l’esprit du temps, ou à tordre ces vérités en leur faisant dire le contraire de ce qu’elles disent, comme par exemple considérer que la Résurrection physique du Christ n’est qu’un symbole du cycle mort-devenir en biologie ou en physique cosmique.

Kath.net : pensez-vous qu’il soit possible d’envisager un diaconat sacramentel pour les femmes ? Ces femmes-là ont-elles-vraiment pour but de devenir des diacres, c’est-à-dire des servantes, ou bien le diaconat ne représente-t-il ici qu’une porte d’entrée à l’ordination sacerdotale des femmes ? Pourquoi n’entend-on personne suggérer que les femmes pourraient alors aussi devenir évêques ? Jan-Heiner Tück, professeur de dogmatique viennois, met en garde contre une orientation œcuménique d’un éventuel sacerdoce féminin, et pense que sa légitimation pourrait déboucher sur un schisme. Partagez-vous cette conception des choses ?

Cardinal Müller : Le sacrement de l’Ordre est constitué de trois niveaux : celui d’évêque, celui de prêtre et celui de diacre. Ceci, d’après les sources de la doctrine catholique dans la Révélation et conformément aux principes inhérents à sa transmission, et aussi telle qu’en lien avec le magistère, elle est proposée aux croyants sous l’influence de l’Esprit Saint. Pour autant que le mot “diacre” signifie de manière générale “serviteur”, on peut dire que tous les baptisés sont des serviteurs du salut au nom du Christ, de par leur participation à la mission sacerdotale, prophétique et pastorale de l’Église. Ce caractère de serviteur est particulièrement bien adapté aux charges non sacramentelles et aux personnes engagées dans les trois niveaux de l’unique mission sacerdotale. Il incombe au Magistère de l’Église de trancher, non seulement la question de savoir si une femme peut recevoir le sacrement de l’ordre sous l’une de ses trois formes, mais aussi celle de savoir si la pratique bimillénaire de n’ordonner évêque, prêtre ou diacre qu’une personne catholique de sexe masculin repose sur la nature du sacerdoce, ou ne doit son existence qu’à la mentalité évolutive des sociétés ou aux conditions sociologiques diverses.

La plus haute autorité du magistère a pris dans ce domaine des décisions inaliénables en se positionnant en faveur de la nature du sacerdoce : ainsi, les conceptions subjectives de certaines personnes (en France, on pense à Mme Pedotti et à certains évêques de la vieille génération -ndlr-), et les compétences limitées en matière de théologie de quelques évêques ne peuvent en aucun cas se poser en critères pour établir concrètement une doctrine de la foi en la Révélation. Prenons un exemple : notre foi en l’existence des sept sacrements ne repose pas sur un contrat d’ordre juridique signé au cours d’un processus de recherche historique, mais sur leur définition par l’Église et son Magistère comme une grâce voulue et donnée à l’Église par le Christ en union avec l’Esprit Saint.

L’Église, dans sa position qui consiste à n’admettre au sacerdoce, dans l’une de ses trois étapes, que des personnes baptisées de sexe masculin, ne s’appuie pas de façon un peu naïve sur des analyses sociologiques, ni sur l’évolution des structures visibles de l’Église, lesquelles ne sont d’ailleurs pas totalement accessibles sur le plan historique, ou encore pire, sur le sol mouvant de la théorie des genres. Elle est encore moins victime d’une stratégie d’ordre machiste, qui serait davantage l’expression d’une régression infantile que de l’acceptation mature de son propre sexe en tant qu’homme ou femme. La décision du Magistère concernant la validité du sacerdoce ne dépend ni d’une intuition subjective (pouvons-nous nous représenter une femme officiant à l’autel ?), ni d’un sentiment confus de contrecarrer la réalisation d’un rêve - celui des femmes se voyant monter à l’autel en ornements sacerdotaux - avec des déclarations magistérielles.

Katn.net : Que pensez-vous de l’argumentation de Mgr Bätzing dans « Herder Korrespondenz » visant à affirmer que le sujet de la prochaine journée œcuménique ne serait pas celui de la possibilité d’une « intercommunion généralisée », mais plutôt de savoir si un catholique participant à la Sainte Cène, ou un protestant participant à l’Eucharistie, auraient de bons arguments justifiant leur comportement.

Card. Müller : Si les principes dogmatiques ne sont pas clairs, on se réfugie facilement dans des petits jeux tactiques et dans des sophistications du langage qui ont tendance à porter ombrage au dialogue œcuménique plutôt que de le servir. Le lien inaliénable entre l’Église et l’Eucharistie est une caractéristique essentielle de la foi catholique (et orthodoxe). La relation entre les doctrines catholique et protestante est dans ce domaine asymétrique. Cette asymétrie touche non seulement la question de l’essence même de l’Église, mais aussi celle, en plus des cinq sacrements non reconnus par les protestants (confirmation, sacrement du pardon, sacrement des malades, sacrement de l’ordre, mariage), de l’Eucharistie comme représentation sacramentelle du Sacrifice du Christ. L’Eucharistie catholique n’est en rien identique à la Cène protestante, non seulement par son rite visible, mais aussi par son contenu dogmatique. La pensée protestante courante est étrangère à cette relation interne entre l’Église et l’Eucharistie et à leur ordonnancement réciproque, même si le dialogue œcuménique a fait preuve de quelques avancées, sans pour autant parvenir au but.

Un catholique ne peut absolument pas participer à une Sainte Cène sans renier la foi de l’Église catholique. Un chrétien non-catholique peut, en tant que personne isolée, et du point de vue catholique, demander la communion eucharistique en cas de situation extrême, lorsqu’il en va de son salut (par exemple en cas de danger mortel) et s’il reconnait en son for interne la foi catholique en l’Eucharistie (son caractère de sacrifice et la transsubstantiation). En cas de danger de mort un catholique peut aussi, bien sûr, demander le soutien d’un pasteur protestant au moyen de la Parole de Dieu, de la prière et d’une bénédiction. Nous ne savons que trop, dans notre Europe confessionnellement divisée, la souffrance occasionnée jusqu’à l’intérieur même de nos familles par la division de l’Église d’Occident.

Le but recherché est clairement le retour de tous les chrétiens dans l’unique Église visible du Christ sous la direction du pape, en tant que successeur de Pierre, et des évêques en communion avec lui. Dans des situations particulières, il convient de consulter un prêtre expérimenté : ce qui n’est pas une mince affaire alors que, au-delà même du spectacle médiatique déployé lors des rencontres officielles, les responsables institutionnels et les conférences épiscopales ont tendance à sortir régulièrement des frontières de leurs compétences.

Kath.net : Mgr Bätzing dit encore : « J’ai été témoin au mois de juin dernier de réserves formulées contre nous autres allemands, contre la façon dont nous considérons les choses, contre notre Chemin synodal. » Est-il vraiment question « de réserves contre les allemands » dans les critiques émanant du Vatican et visant, plus ou moins, le Chemin synodal ?

Card. Müller : Il est à la fois bouleversant et réjouissant que, dans cette situation où il est question de la vérité de la foi et de l’unité de l’Église catholique, on se tourne avec des gémissements vers la carte de l’Allemagne : une fois de plus celle-ci se trouverait entourée de voisins peu compréhensifs et de ces « romains » bornés qui mettent en doute sa supériorité théologique et fustigent son aspiration politique à diriger l’Église. Si cela signifie que c’est la germanité qui doit se retrouver aujourd’hui en position de facteur constitutif de l’Eglise… alors tous les feux ont été une fois de plus grillés à pleine vitesse.

Nous, catholiques du monde entier, ne croyons qu’à l’unique Église catholique, qui, depuis la Pentecôte réunit tous les peuples en son sein, et en fait la famille de Dieu. Dans ses écrits contre les gnostiques, Irénée, évêque de Lyon dans les années 180 après Jésus-Christ, avait défendu l’universalité de l’Église mise en valeur dans son message et sa tradition apostoliques contre les revendications gnostiques hautaines d’une connaissance supérieure. Il écrivait : « Ce message de foi qu’a reçu l’Église, bien qu’elle se soit étendue à travers le monde entier, la protège aussi efficacement que si elle était concentrée en un seul endroit… car, malgré la diversité des langues à travers le monde, le contenu de la Tradition est partout unique et identique. Les Églises en Allemagne ne croient et ne transmettent pas autre chose que celles d‘Espagne ou de Gaule, ou en Orient, d’Égypte, de Libye et du centre du monde. » (D’après Adv. Haer. I 10,2)

Kath.net : Si vous deviez émettre quelques souhaits à propos du Chemin synodal, de sa capacité à se réorienter pour espérer atteindre une certaine force spirituelle, que diriez-vous ?

Card. Müller : De tous les coins du monde me viennent des réactions profondément inquiètes à propos de ce synode. L’affaire est déjà engagée si loin, et les fronts se sont déjà tant durcis, qu’on ne voit pas bien comment on pourrait s’en sortir. Mais les phases de crise morale et spirituelle dans l’Église ont toujours été surmontées par un retour à l’Évangile, en purifiant notre amour de Dieu par-dessus tout et en aimant notre prochain comme nous-mêmes.

Nos représentations auto-fabriquées de ce que devrait être l’Église, modelée d’après notre propre image et à notre ressemblance, mènent sur une fausse piste. Non, ce n’est pas nous qui créons, structurons, réformons l’Église, ou la rendons compatible avec l’ambivalence des sciences, de la société ou de la culture ambiante. L’Église trouve son origine profonde dans le mystère de la Sainte Trinité. En nous appelant à devenir ses fils et ses filles en Jésus-Christ, le Père, rassemble aussi la multitude des hommes, par l’Esprit-Saint, en un seul peuple et dans une seule demeure. Il veut ainsi se rendre disponible à tous les hommes, leur offrant la Vérité et la Vie. C’est ainsi que l’Église remplit sa mission divine : lorsque tous les membres du Corps du Christ, moyennant les dons charismatiques et hiérarchiques (= sacramentels) (Vatican II, Lumen gentium 4), montrent aux hommes d’aujourd’hui menacés par le nihilisme comment vivre « la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu » (Rom 8, 21).

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