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Allemagne : schisme en vue ?

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Du Père Raymond J. de Souza sur le National Catholic Register

Un schisme se profile : Le pape François et l'Église délibérément rebelle d'Allemagne

COMMENTAIRE : Le pari allemand du Saint-Père a échoué. Il a mené avec une main ouverte et a obtenu un poing serré en retour.

25 mars 2021

En mars 2013, le pape François disait à quel point il aimerait une "Église pauvre pour les pauvres." À l'occasion de son huitième anniversaire, c'est la plus riche des Églises locales qui menace de dévorer tout son pontificat. 

Le Saint-Père a commencé sa neuvième année par une nouvelle tentative de maîtriser l'Église rebelle d'Allemagne. Un document de la Congrégation pour la doctrine de la foi a déclaré que l'Église n'a pas le pouvoir de bénir les unions homosexuelles.

Le cardinal Blase Cupich, principal interprète des priorités pastorales du Saint-Père dans l'épiscopat américain, a déclaré qu'il n'y avait "rien de nouveau" dans la déclaration de la CDF. Pourtant, cette déclaration a suscité un tollé en Allemagne, où des centaines de théologiens et quelques évêques ont exprimé leur désaccord. Aux États-Unis, la charge contre la CDF a été menée par le magazine jésuite America.

En effet, le correspondant d'America à Rome, Gerard O'Connell, s'est donné beaucoup de mal pour suggérer que, d'une manière ou d'une autre, le pape François ne pensait pas vraiment ce que la CDF disait, malgré son "assentiment" public et officiel à sa publication. 

Les efforts de O'Connell sont devenus légèrement hilarants lorsqu'il a affirmé que l'interdiction des messes dans la basilique Saint-Pierre du 12 mars reflétait certainement ce que le pape François désirait pieusement, bien qu'elle ne fasse aucune référence à lui, alors que la déclaration de la CDF du 15 mars devrait être mise en doute, bien que le Saint-Père l'ait explicitement approuvée. O'Connell est le sténographe de facto de la cour papale, transmettant de manière fiable le consensus de ceux qui entourent le pape François.

Les explications mutuellement contradictoires proposées indiquent le niveau d'anxiété dans ces cercles. L'anxiété est due au fait que le grand pari progressiste du pontificat du pape François semble avoir échoué.

Alors qu'il avait initialement exprimé le désir d'une "Église pauvre pour les pauvres", le Saint-Père a poursuivi l'agenda longtemps désiré par les Églises riches. 

Il a ouvert trois questions clés chères aux riches Églises locales d'Europe, dont l'Allemagne au premier chef : la sainte communion pour les divorcés civils et les remariés, l'autorité sur les traductions liturgiques et l'autorité doctrinale renforcée pour les conférences épiscopales nationales. Ces trois questions ont été présentées sous la bannière de la "synodalité". Ces trois questions avaient été définitivement résolues par saint Jean-Paul II et Benoît XVI, dans Familiaris Consortio, Liturgium Authenticam et Apostolis Suos, d'une manière qui déplaisait à l'aile libérale majoritaire des évêques allemands. Les Eglises locales en pleine croissance dans le sud du monde - les Eglises pauvres actuelles - n'avaient que peu d'intérêt pour l'agenda allemand replié sur lui-même.

Le pari de François était qu'en faisant avancer l'agenda de "l'Eglise riche pour les riches", le pape François pourrait être capable d'insuffler un peu de vie évangélique dans les Eglises mourantes d'Europe. C'est pourquoi il a gardé le silence même sur des pratiques qui violent de manière flagrante tout son esprit poverello, comme la pratique allemande consistant à refuser les sacrements, y compris les funérailles à l'église, à ceux qui ne paient pas l'impôt annuel de l'Eglise. En 2019, cet impôt a généré près de 8 milliards de dollars de revenus pour l'Église allemande. 

L'épiscopat allemand a manifestement jugé que les gestes accommodants du pape François étaient trop faibles après 35 ans de confrontation avec les positions fermes de Jean-Paul et de Benoît XVI. Ils ont empoché les concessions faites par le Saint-Père et ont décidé d'en tirer le maximum d'avantages. D'où le "chemin synodal", qui est maintenant en cours en Allemagne. Il n'y a pas de mystère quant à la direction que prendra ce chemin : changements dans l'enseignement de l'Église sur le mariage, le divorce, l'homosexualité et la contraception ; changements dans l'enseignement sur les ordres sacrés ; et diminution de l'autorité des évêques pour gouverner l'Église. 

Le pari allemand du Saint-Père a échoué. Il a ouvert la main et a reçu en retour un poing serré. Il ne veut pas aller là où la majorité des évêques allemands se dirige.

Maintenant, la catastrophe post-conciliaire tant redoutée et tant évitée est à portée de main : le schisme. Dans l'agitation qui suit souvent les conciles œcuméniques, aggravée par le bouleversement social et culturel de la fin des années 1960, le défi auquel ont été confrontés saint Paul VI, saint Jean-Paul II et Benoît XVI était d'empêcher le schisme. On le craignait du côté "progressiste", tant les énergies passionnelles étaient en ébullition. Par une série de décisions habiles et courageuses, depuis Humanae Vitae et le Credo du peuple de Dieu jusqu'au Catéchisme de l'Église catholique et Veritatis Splendor, les timoniers ont maintenu l'Église unie dans la vérité du Christ, à travers les tempêtes.

La seule division était mineure en termes de nombre, les partisans de l'archevêque Marcel Lefebvre se trouvant dans une situation canonique irrégulière, mais non schismatique. Cette situation a, en grande partie, été pratiquement résolue par des gestes généreux de la part de Benoît XVI et du pape François.

Pendant ce temps, le locus germanique de la dissidence progressiste a été patient, attendant peut-être un pape du "bout du monde" qu'ils jugeaient pouvoir manipuler et intimider. 

Mais le pape François n'est pas un imbécile. Il connaît les enjeux et sait que tout son programme et l'héritage de son pontificat sont en jeu. Si le schisme survient sous sa direction, ses priorités de "synodalité" et de "discernement" seront totalement discréditées dans la pratique, même si elles ne sont pas entièrement responsables de la mutinerie allemande. Un pape qui préside à un schisme est un pape raté devant le jugement que tout pasteur suprême de l'Église doit affronter.

C'est pourquoi le pape François a clairement indiqué que la "voie synodale" allemande est inacceptable et doit être abandonnée telle qu'elle a été formulée à l'origine. Le Saint-Père a écrit une longue lettre cinglante à l'Église d'Allemagne en juin 2019, l'avertissant que sa voie finirait par "multiplier et nourrir les maux qu'elle voulait vaincre."

S'ensuivit une lettre du cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, adressée aux évêques allemands en septembre 2019, déclarant carrément que les plans du synode n'étaient pas "ecclésiologiquement valides." Le Conseil pontifical pour les textes législatifs a jugé dans le même temps que la prétendue "nature contraignante" du projet allemand était une fantaisie juridique, car personne ne pouvait donner, et encore moins avait donné, cette autorité à la "voie synodale."

Un an plus tard, alors que les Allemands ne tenaient absolument pas compte des objections du Saint-Père, le président du Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens, le cardinal Kurt Koch, a révélé que le Saint-Père avait exprimé de graves préoccupations quant à l'orientation générale de l'Église en Allemagne.

La CDF s'est maintenant prononcée sur la pratique de la bénédiction des unions homosexuelles, déjà en cours de manière illicite dans certaines paroisses allemandes, et qui sera certainement l'une des décisions du "chemin synodal contraignant".

Le pape François a donc engagé la bataille pour l'Allemagne avec une vigueur considérable. Les responsables du "chemin synodal" allemand ont traité ses interventions avec mépris et dédain, et ont totalement ignoré ses appels à l'unité catholique dans la doctrine et la discipline. La neuvième année du pontificat de François sera consumée par les conséquences de cette contumace.

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