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Eugénisme : le XXIe siècle sera-t-il celui de l'humano-business ?

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Une chronique du Père Charles Delhez s.J. sur le site de La Libre dans la rubrique "Opinions" :

Nous glissons progressivement vers l’eugénisme. Qui osera aller à contre-courant?

Il ne faudrait pas que le XXIe siècle soit celui de l’humano-business. Mais y a-t-il encore dans l’avion des gens qui réfléchissent ?

Les OGM (organismes génétiquement modifiés) n’ont pas fini de poser question, mais il est urgent de s’interroger sur les HGM (humains génétiquement modifiés). Certains auteurs prédisent que tous les enfants seront conçus en laboratoire avant le milieu du siècle. On avait pourtant été mis en garde ! Un livre comme Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley décrivait déjà, en 1932, cette société inquiétante, déconnectée de notre nature biologique et profondément inégalitaire, mais très rentable économiquement.

Rappelons-nous. En 1982 naissait Amandine, le premier "bébé-éprouvette" français, après Louise Brown, en 1978, en Angleterre. Depuis lors, la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) ont fait leur apparition et ont gagné en parts d’estime auprès de la population. Le dépistage avant implantation avait pour objectif d’aider les parents porteurs de maladies génétiques graves à s’assurer de la normalité de leur descendance et donc à éviter les avortements. Mais cette technique a évolué vers un eugénisme qui ne dit pas son nom. Il existe déjà aujourd’hui un marché international de l’enfant et l’on peut faire son choix en fonction du "pedigree" du père ou de la mère des embryons.

Le "père" du bébé Amandine, Jacques Testart, avait commencé, vingt ans plus tôt, par l’insémination de vaches laitières. Il est maintenant de plus en plus inquiet de ces glissements successifs. "Jeune étudiant et chercheur, a-t-il déclaré en 2017, j’étais un scientiste qui croyait que la science pourrait enchanter le monde. Je suis devenu un retraité critique de la science."

L’édition du génome

Une technique qui porte le nom savant de CRISPR-Cas9 permet aujourd’hui une correction de l’ADN de l’embryon. Il est désormais possible de supprimer, modifier ou ajouter des gènes à la demande. On peut donc corriger les erreurs génétiques en atteignant le gène responsable d’une maladie. En mars 2017, une équipe américaine, chinoise et coréenne a réussi, mais sans implantation dans l’utérus, à modifier avec succès l’ADN d’embryons humains pour effacer un gène héréditaire de maladie cardiaque. On appelle cette opération "édition du génome" : comme on corrige les coquilles d’un livre avant de l’éditer, on corrige le génome avant de le laisser se développer.

On corrige les gènes défectueux (eugénisme négatif), puis on pourra intervenir sur la couleur des yeux, la force des muscles ou le sexe (eugénisme positif). Il serait possible de donner au petit d’homme des qualités physiques, intellectuelles, psychologiques supplémentaires, passant ainsi de la fécondité à l’efficacité. L’enfant deviendra un être programmé par d’autres libertés que la sienne, une intention étrangère s’étant ingérée dans son histoire biologique. On est passé de l’espérance d’un enfant en bonne santé à l’exigence d’un enfant parfait.

L’heure du transhumanisme

Si la thérapie génique somatique ne pose pas de problèmes majeurs, car il s’agit de traiter une maladie, il n’en va pas de même pour la thérapie génique germinale. Il s’agit de modifier soit les cellules reproductrices, soit l’embryon précoce pour corriger l’organisme qui va naître et sa descendance. Se profilent ainsi la modification de l’espèce humaine, l’amélioration artificielle du patrimoine génétique des individus et l’augmentation de ses capacités. Voici l’heure du transhumanisme. Serions-nous en pleins fantasmes ? Le rêve de remplacer l’évolution par le génie génétique existe, c’est un fait. En mesure-t-on toutes les conséquences ?

Nous ne pouvons laisser l’avenir aux seules bio-technosciences, c’est-à-dire à une petite poignée de "visionnaires" ou aux multinationales. Le politique doit intervenir, éclairé par les comités éthiques dont le rôle est aujourd’hui plus essentiel que jamais. Il est en effet à craindre que, si certaines positions sont aujourd’hui encore rejetées, elles ne soient plébiscitées demain. Il ne faudrait pas que le XXIe siècle soit celui de l’humano-business. Mais qui osera aller à contre-courant ? Y a-t-il encore dans l’avion des gens qui réfléchissent ?

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