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L'Eucharistie au risque de la désinvolture

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De Pro Liturgia :

LA COHERENCE EUCHARISTIQUE ET LA CONDAMNATION DU PECHE PAR MGR SAMUEL J. AQUILA, EVEQUE DE DENVER (USA)

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« Pour que l’Eglise puisse vivre l’Eucharistie dans toute sa cohérence, nous devons être prêts à affronter des fidèles catholiques prisonniers de lourdes fautes.

Lors de ma première messe en tant que prêtre, et lors de toutes les messes que j’ai célébrées depuis, j’ai toujours tenu à dire secrètement l’une des deux prières que tous les prêtres du monde prient avant de recevoir le Corps et le Sang de notre Seigneur : « Seigneur Jésus-Christ, que cette communion à ton Corps et à ton Sang n’entraîne pour moi ni jugement ni condamnation, mais qu’elle soutienne mon esprit et mon corps et me donne la guérison ».

Cette prière reflète bien ce que Saint Paul écrivait dans sa première Lettre aux Corinthiens. Paul y exhortait l’Église naissante à vivre sa foi de façon authentique, complète et intègre. Il demandait aux Corinthiens de se souvenir que « celui qui aura mangé le Pain ou bu la Coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du Corps et du Sang du Seigneur. On doit donc s’examiner soi-même avant de manger de ce Pain et de boire à cette Coupe. Celui qui mange et qui boit, mange et boit son propre jugement s’il ne discerne pas le corps du Seigneur. » (1 Cor 11, 27-29).

Ces paroles contiennent tout l’amour de l’Eglise pour ceux qui osent s’approcher de l’autel ; ce sont des paroles de réconfort et de miséricorde qui nous sont adressées par l’Esprit Saint pour nous protéger et nous sauver. Mais elles comportent aussi une sérieuse mise en garde : nous qui confessons la foi de l’Eglise, nous avons à vivre selon ce que l’Église nous commande ; car Jésus-Christ nous appelle, à travers son Église, à la conversion, au pardon et à la sainteté. S’approcher de l’Eucharistie dans un autre état d’esprit signifie attirer sur nous le jugement de Dieu.

Si Saint Paul confirme l’immense force conférée par l’Eucharistie, il nous met aussi en garde devant le danger de la recevoir sans discernement. C’est un danger qui touche au sacré, qui va de pair avec notre liberté de mener une vie cohérente ou incohérente, une vie en accord ou non avec la vérité de Dieu et les vérités enseignées par l’Eglise. Cette vérité est certes difficile à exprimer, difficile à entendre aussi, mais c’est la vérité de l’Amour. En nous approchant de l’Eucharistie de façon légère et sans redouter la possibilité d’un jugement, voire d’une condamnation, nous mettons véritablement en danger notre salut éternel.

Pourtant, peu d’entre nous, et en particulier nous les évêques, parlons aujourd’hui de cette menace de condamnation. Nous avons développé une pédagogie centrée exclusivement sur l’acceptation des choses telles qu’elles sont. A savoir que nous sommes, bien sûr, tous appelés à nous aimer d’un amour héroïque et à accueillir l’étranger et le pécheur dans le mystère de l’infinie miséricorde de Dieu mais que, d’une certaine façon, cet amour est devenu unidimensionnel. L’amour est certes miséricordieux, mais un amour authentique est aussi fondé sur la vérité. Jésus nous en donne de nombreux exemples à travers son ministère : pensons aux figures de Pierre et à celles des Apôtres, de la femme accusée d’adultère, de Zachée, de la Samaritaine... L’amour et la condamnation sont toujours proches l’un de l’autre, et l’Amour authentique en a conscience. L’amour sait que le fait de s’approcher de l’autel pour recevoir l’Eucharistie exige une saine crainte devant le Seigneur.

Je me suis permis de vous proposer ces réflexions après avoir beaucoup prié et longuement réfléchi à la situation de l’Eglise en ces temps de défi. Ces dernières années, on a accordé une importance énorme à la politique, à l’économie et à l’écologie. Une grande partie de notre société vit dans un monde imprégné par les médias et par les informations qu’ils diffusent jour après jour. Même l’Église, y compris par ses évêques, semble trouver plus de sens dans le souci du maintien de l’ordre social et physique que dans les préoccupations surnaturelles. Mais, bien que ces choses soient importantes et doivent être considérées avec sérieux, elles ne sont pas le but ultime pour lequel nous avons été créés, le but qui justifie l’existence de l’Église, à savoir la participation à la mission du Christ, le Sauveur, qui est d’amener les âmes au salut et à la vie éternelle.

Le cadrage ou l’art de formuler les questions

Les interrogations touchant à la dignité requise pour recevoir l’Eucharistie sont souvent liées à des réflexions politiques : de quelle manière l’Eglise peut-elle témoigner de la vérité de son existence dans un monde hyperpolitisé ? Peut-il arriver que des évêques qui osent parler un langage clair, conséquent et cohérent, fassent fuir les fidèles ? Et une telle situation pourra-t-elle être exploitée politiquement ? Ce sont là des questions sérieuses pour notre société moderne, mais elles nous éloignent toujours plus du sujet.

La question de la cohérence eucharistique ne concerne pas en premier lieu le droit canonique ou la discipline ecclésiale. Sans vouloir ignorer ces domaines, elle concerne avant tout le domaine de l’amour, et en particulier l’amour du prochain. Pour Saint Paul, il est clair qu’il y a un danger pour l’âme lorsqu’une personne reçoit le Corps et le Sang du Christ de manière indigne. Cette mise en garde s’adresse à tout catholique, mais prend un caractère plus pertinent encore lorsqu’elle s’applique aux faux témoignages posés par nos dirigeants politiques ou par d’autres personnalités publiques et qui concernent les vérités fondamentales de l’existence humaine.

Si l’Église minimise le problème de la réception indigne de l’Eucharistie, c’est qu’elle aime mal ceux qui persistent à mettre leur âme en danger. Vouloir échanger « la politesse » et le « respect humain » contre la vie éternelle n’est pas un bon « deal ». Et moi, en tant qu’évêque, je considère que ce serait faire preuve de négligence de ma part que de garder le silence lorsque des personnes que je suis appelé à aimer mettent leur âme en danger. Elles se mettent en danger, et moi aussi je me mets en danger : au jour du jugement dernier on me demandera de quelle façon j’ai aimé mon prochain ; et je ne voudrais pas me voir accusé de négligence dans ma mission - qui est de proclamer l’Ecriture et l’enseignement de l’Eglise - simplement parce que ma façon d’aimer aurait été impopulaire, désagréable ou inadaptée à ce temps.

Le caractère public de l’Eucharistie implique aussi de considérer la façon dont l’Église gère sa réalisation concrète. Le droit canonique précise : « (…) ceux qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste, ne seront pas admis à la sainte communion. » (Can 915). Les textes du droit canonique concernant l’Eucharistie ont été élaborés en vue du bien des croyants et sont destinés à protéger l’authenticité et le mystère de la rencontre avec le Christ ressuscité. Ils doivent leur existence à la volonté de l’Église d’aimer tout homme et à son désir de le voir atteindre son but, à savoir son union à Dieu. Le droit canonique et l’amour ne s’excluent pas mutuellement.

L’enseignement de Jésus lui-même concernant l’Eucharistie a été dès le début une sorte de défi. L’Évangile de Saint Jean (Jn 6, 52-59) identifie la Révélation concernant l’Eucharistie comme l’origine de la révolte et de la division parmi les disciples de Jésus, au point que beaucoup ont cessé de le suivre. Jésus ne les empêche pas de se détourner de lui ; il ne leur demande pas de s’abstenir de réagir au nom d’une « sensibilité pastorale ». Il les laisse partir parce que la participation à l’Eucharistie (pour « manger la Chair du Fils de l’homme et boire son Sang ») suppose que l’on croit à ce que l’on fait et que l’on vive en accord avec sa foi telle que l’Église l’enseigne depuis les premiers siècles. C’est ce consentement dans la foi et la vie qu’elle suppose que Pierre exprimera dans sa réponse à Jésus, lorsque celui-ci demande aux Apôtres : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre répond : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6, 67-69)

La question de la conscience

Aujourd’hui nous entendons souvent dire que la décision d’une personne de recevoir ou non l’Eucharistie lui est inspirée avant tout par sa conscience. Le recours à la conscience ne peut pourtant pas valider une décision simplement parce qu’une personne affirme ses propres convictions jugeant de ce qui est bon ou mauvais. Il est nécessaire au préalable que la conscience soit informée et formée pour la rendre apte à discerner vraiment entre le bien et le mal. Une conscience bien formée soumet le cœur, la volonté et la raison de la personne à la volonté de notre Père bien-aimant. Il est important aussi de comprendre qu’une conscience mal formée peut se révéler fausse, et que la conscience ne doit jamais conduire à agir contre la loi de Dieu. C’est Dieu qui définit le bien et le mal et non pas l’homme, et encore moins un gouvernement. Il suffit de constater ce qui est advenu au cours du siècle dernier lorsque des gouvernements malintentionnés ont déclaré bon ce qui était mauvais : on pense au nazisme et au communisme pour ne citer qu’eux.

En tant qu’évêque j’ai le devoir d’aider les croyants qui me sont confiés à former correctement leur conscience. Je suis appelé à poursuivre la mission que le Seigneur a donnée à ses disciples : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain » (Mt 18, 15-18). Je prends cette responsabilité très au sérieux parce que j’ai l’obligation de dénoncer l’erreur qui consiste à dire que tout baptisé catholique peut recevoir la communion simplement parce qu’il le désire. Aucun d’entre nous ne possède la liberté de s’approcher de l’autel de Dieu sans examiner auparavant sa conscience et son esprit de conversion, surtout lorsqu’un péché grave a été commis.

L’Eucharistie est un don, elle n’est pas un dû ; la sainteté de ce don est automatiquement amoindrie par une réception indigne. C’est ce qui rend particulièrement scandaleux le cas de ces personnalités bien en vue qui oeuvrent publiquement contre la loi naturelle, entre autres à travers les thèmes bien connus de l’avortement et l’euthanasie, ou bien d’autres domaines qui ne respectent pas l’enseignement de l’Église sur la dignité humaine.

Au-delà du constat que sans doute beaucoup de fidèles - trop de fidèles - reçoivent l’Eucharistie dans un état de vie objectivement coupé de Dieu, il faut reconnaître une responsabilité encore plus lourde chez les personnalités dirigeantes qui vivent ouvertement et obstinément dans un état de péché grave. Leur exemple conduit les autres vers le péché, et augmente leur propre risque de condamnation lorsqu’ils paraîtront devant le Seigneur. Si l’Église les aime vraiment comme elle le prétend, alors il est plus que nécessaire qu’elle les appelle à la conversion et à une relation intérieure avec chacune des personnes de la Trinité avant que, par une réception indigne de la communion, ils ne mettent en danger leur salut éternel.

L’amour du prochain dans la confrontation avec la Vérité

J’ai bien peur que de nombreux baptisés catholiques ne prennent pas l’Eucharistie au sérieux, et ce, parce qu’ils ne prennent pas le péché au sérieux. La faute en incombe aux mauvaises catéchèses que, moi-même et mes frères évêques, ont beaucoup trop longtemps tolérées. Comment s’étonner en effet de toutes les confusions répandues dans l’esprit de gens alors que l’Eucharistie est devenue un moment parmi d’autre dans nos liturgies, qu’elle est tenue pour pas grand-chose dans les confessionnaux et qu’elle est systématiquement ignorée dans les homélies ? Il ne s’agit en fin de compte que d’un nouvel échec sur le plan de l’amour du prochain. Le véritable amour du prochain est toujours empli de compassion, de bonté et de vérité. Aimer son prochain c’est lui souhaiter de vivre dans la sublime vérité de la messe et la présence réelle de notre Seigneur. C’est dans ce sens que les clercs ont sans doute une responsabilité majeure quant à la possibilité de la réception indigne de l’Eucharistie.

Lorsque Jésus juge ceux qui entendent la Parole de Dieu mais ne la mettent pas en pratique (Lc 6, 46-49), il part du principe qu’il y a bien au départ une proclamation de l’Écriture. En conséquence, il y a ceux qui connaissent l’enseignement de l’Église et le refusent (par exemple sur la sainteté de la vie ou le sens véridique du mariage), mais aussi ceux qui n’entendent pas les mots de l’Évangile parce que les ministres de l’Église ne les ont effectivement pas proclamés.

Ce moment de retour sur soi pour examiner la cohérence de l’Église à propos de l’Eucharistie est pour moi, et pour tous les évêques, une occasion de nous consacrer à nouveau à la prédication centrée sur le Christ, et ce sans nous en excuser. Ce qui remplit nos églises, ce n’est pas une image floue de l’Évangile mais la foi en Jésus, une foi authentique et profonde qui trouve sa source dans un amour personnel de Celui qui est notre Seigneur et notre Sauveur. C’est ainsi que le vivent les saints. Ils nous montrent comment la foi en Jésus conduit à un don radical de notre personne à la volonté du Père, indépendamment des conséquences politiques ou sociales et quel qu’en soit le prix, comme l’attestent aussi les martyrs de notre temps.

Je prie pour que l’Esprit Saint me conduise, moi et toute l’Eglise, à une vie cohérente reposant sur l’Eucharistie et la foi en Jésus comme source et sommet de notre existence. Que ceci nous amène tous à goûter la paix du corps et de l’âme, à vivre l’amour du prochain quel qu’en soit le prix, à expérimenter la joie de l’Evangile en ce monde, et à nous retrouver tous au Ciel ! »

Commentaires

  • Tout s'éclaire : c'est "aussi" la prière (secrète) détournée par le ci-devant Mgr Van Geluwe et autres criminels à la conscience falsifiée.

  • Est visé dan cet article le président Biden et la politique pro avortement des democrates5

  • Non, absolument pas!

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