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Synode : "dans l'assemblée beaucoup savent très bien où aller; beaucoup savent aussi où ils ne veulent pas aller"

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De Jean-Marie Guénois, Lettre «Dieu seul le sait» N°40 - Le Figaro via Il Sismografo

Le synode sur l'avenir de l'Église serait-il «manipulé» ?

Le synode sur l'avenir de l'Église serait-il «manipulé»? -- Chères lectrices, chers lecteurs, Je vous écris de Rome où j'ai suivi le lancement du «synode sur l'avenir de l'Église». Beaucoup se demandent si cette assemblée conduira à une rénovation profonde du monde catholique ou si les spectaculaires annonces qui promettent sans promettre - mariage des prêtres, ordination des femmes, bénédiction de couples homosexuels - feront long feu.

Après une semaine de «rodage» que j'ai couvert sur place et une deuxième semaine de travaux que j'ai suivie à distance, les participants donnent l'impression d'être partagés entre l'enthousiasme et la circonspection. Les uns penchent pour la «tour de Babel» et sa sympathique cacophonie, les autres annoncent la gestation d'une «nouvelle Pentecôte» pour l'Église.

Il est difficile d'y voir clair pour plusieurs raisons :

- Le programme défriche une foule de sujets de fond ou de forme, très disparates.

- Les délégués ont reçu la consigne stricte de ne pas parler à la presse. Ils travaillent à huis clos. Même si le Vatican communique finalement plus que prévu dans une forme d'improvisation plutôt rare pour l'institution.

- Le synode se déroule en deux sessions, octobre 2023 et 2024. À la fin octobre 2024, ils voteront des propositions par majorité aux deux tiers. Elles seront alors transmises au pape qui décidera, seul, de les retenir ou pas. Ce qu'il ne devrait annoncer que début 2025.

- La méthode de travail privilégie le tâtonnement. Elle n'est pas une réflexion théologique claire sur des problématiques établies et cadrées par des théologiens. C'est plutôt la foire aux idées, chacun donne son avis sur tout.

- Certaines nouveautés annoncées, notamment sur le statut de l'évêque qui est une question centrale, ne sont pas de la compétence d'un synode. Les spécialistes du droit canonique (le droit de l'Église) assurent qu'il faudrait réunir un Concile pour les réformer. Le pape n'a pas le droit de changer des fondements juridiques de l'Église sur le seul vote de 364 délégués (dont 88 non-évêques), majoritairement désignés par lui. Il devrait convoquer un Concile de plus de 5000 évêques. Une option que certains envisagent ensuite. Pour mémoire le Concile Vatican II avait réuni les 2400 évêques de l'Église d'alors, entre 1962 à 1965.

Pour commencer notre réflexion et ne pas enfermer ce synode en ses propositions les plus audacieuses, je vous invite à lire le «document de travail» qui annonce toutes les idées. Si vous voulez comprendre, la lecture intégrale de ce texte s'impose absolument. On l'appelle, dans le jargon ecclésial, l'instrument de travail, «instrumentum laboris», il est très accessible. C'est ce texte et pas un autre que les membres du synode ont en mains et sur lequel ils débattent pendant ces quatre semaines.

Certes, des sujets phares émergent sur les femmes, les personnes homosexuelles, le célibat des prêtres mais la question fondamentale du «pouvoir» à tous les niveaux dans l'Église est le véritable cœur du synode. Je la résume à ces deux points : qui prend les décisions ? De quelle autorité ?

L’autorité de l'évêque en question

La tendance dominante est de remettre en cause l'autorité actuelle de l'évêque. La mauvaise gestion des affaires d'abus sexuels est passée par là. L'évêque est à la fois pasteur, docteur, et juge dans son diocèse. Il a tout pouvoir. Il ne répond qu'au pape.

L'évêque devra-t-il rendre des comptes à un conseil de prêtres, religieux, religieuse et de laïcs qui contrôlerait sa gestion ? Vient aussi la remise en cause du pouvoir du prêtre qui devrait être juridiquement placé au même rang que les baptisés, les laïcs, non pour la célébration des sacrements, mais pour la gestion ordinaire des paroisses et autres activités.

Voici ce que j'écrivais à propos des évêques dans un article décrivant le contenu de l'instrument de travail, le 20 juin dernier . D'où, l'importance de lire le document in extenso.

Le synode pourrait demander de définir des «critères» pour leur «évaluation et auto-évaluation». Le synode voudrait aussi discuter jusqu'au «fondement» de l'autorité épiscopale quand l'évêque refuserait de suivre «l'avis réfléchi» des «organes consultatifs» qui devraient toujours primer. Comment, se demande le document, un évêque peut-il «discerner séparément des autres membres du peuple de Dieu», les laïcs ? Il doit au contraire viser «l'optique de la transparence et de la redevabilité (capacité à rendre des comptes)». Et il faut «réviser le profil de l'évêque» et revoir «le processus de discernement pour identifier les candidats à l'épiscopat».

Ou encore

Il s'agit d'entrer dans «une conception ministérielle de toute l'Église». Dans ce sens, l'Instrumentum Laboris exprime «un appel clair à dépasser une vision qui réserve aux seuls ministres ordonnés (évêques, prêtres, diacres) toute fonction active dans l'Église, réduisant la participation des baptisés à une collaboration subordonnée». Il importe «d'imaginer de nouveaux ministères au service d'une Église synodale».

Et enfin

Les prêtres et les évêques, en revanche, sont plutôt mis sur le banc des accusés par le document du Vatican. On y «apprécie» le «don du sacerdoce ministériel» mais apparaît un «profond désir de le renouveler dans une perspective synodale». Les prêtres, qui ont pourtant donné leur vie, seraient «éloignés de la vie et des besoins du peuple, souvent confinés à la seule sphère liturgico-sacramentelle». (…) Il faudrait donc, dès le séminaire, préparer les futurs prêtres «à un style d'autorité propre à une Église Synodale». Enfin, la question est ouvertement posée par le texte du Vatican, il serait opportun «de revoir (…) la discipline sur l'accès au presbytérat d'hommes mariés».

Une méthode qui se veut pédagogique

À côté de ces dossiers plus ou moins brûlants, le second enjeu de cette assemblée synodale est la méthode qui se veut pédagogique pour un changement de culture du pouvoir dans l'Église. On parle d'une «méthode synodale» pour une «Église synodale», c'est-à-dire une «Église de tous, pour tous» où les «conversations dans l'Esprit» - pas les «conversions», les «conversations» vous avez bien lu - permettraient un «discernement collectif» de la «volonté de Dieu» pour répondre aux questions nouvelles posées à l'Église. Lesquelles décisions devraient être prises selon une «égale dignité de baptisés», que l'on soit haut prélat, prêtre, laïc. Ils doivent «s'écouter» les uns les autres sans se juger, ni se considérer supérieur.

Permettez-moi de citer à nouveau l'article de juin où j'analysais le «document de travail» qui est tellement éloquent :

«Une Église constitutivement synodale est appelée à articuler le droit de tous à participer à la vie et à la mission de l'Église en vertu de leur baptême avec le service de l'autorité et l'exercice de la responsabilité». Les fidèles catholiques avaient des devoirs, ils ont désormais des droits. Il importe de «modifier les structures canoniques et les procédures pastorales pour favoriser la coresponsabilité et la transparence».

Sur le plan de l'égalité et de coresponsabilité, les organisateurs du Synode n'ont rien laissé au hasard. Tous se trouvent en effet physiquement sur le même plan, à égalité, dans la salle de réunion. La «salle du synode» construite en forme d'amphithéâtre après le concile Vatican II où se sont déroulés tous les synodes devant le pape qui présidait, a été délaissée.

L'actuel synode se déroule dans l'immense salle Paul VI. Certains la connaissent car le pape y reçoit en audience générale, par mauvais temps, le mercredi. Une trentaine de tables rondes de dix à douze personnes, y ont été installées, toutes reliées par des ordinateurs et des tablettes électroniques. Seule la table du pape est très légèrement surélevée.

Cette mise en scène, ce nouveau vocabulaire, indiquent que l'Église catholique classique entrerait dans une nouvelle ère. Observation renforcée par le fait que les délégués du Synode s'exercent à une nouvelle «pratique» ecclésiale. N'entendez pas une «pratique religieuse» mais une nouvelle façon de vivre ensemble, en «synodalité».

Synode en grec veut dire marcher ensemble. Le pape veut donc qu'ils apprennent à marcher en marchant. Ce petit monde de plus de 400 personnes si l'on compte les experts est ainsi embarqué pendant un mois dans une «Église-école» où il apprend non pas à conduire mais à se conduire selon un nouveau code de savoir vivre ecclésial : une «écoute» de l'autre, des décisions «collectives», sans hiérarchie, sinon celle du pape, sans limites pastorales pour que chacun, quel qu'il soit, se sente chez lui dans l'Église. Une sorte d'art de vivre la fraternité et la prière, éloigné des formalismes du fonctionnement hiérarchique, qui ferait penser à des expériences utopiques, ici chrétiennes en l'occurrence, visant l'expérience existentielle avant les résultats concrets.

Voici ce que j'écrivais fin juin en citant l'Instrumentum laboris à propos de cette nouvelle méthode de travail :

Pour la première fois, ce Document de Travail décrit le nouveau processus collectif de décision que le synode voudrait voir pratiquer et être enseigné «dès le séminaire» pour être sûr que les prêtres et évêques n'adoptent plus de position dominante, pour cultiver une attitude de «service» des fidèles. Au cœur de ce nouveau système, cette méthode est dénommée «la conversation dans l'Esprit».

Un schéma explicatif est même publié pour expliquer ces trois temps après un «temps de prière»: «Prendre la parole et écouter attentivement la contribution des autres», puis «faire place à l'autre et à l'Autre» et dire ce qui a «résonné le plus» ou «suscité le plus de résistance». Enfin, «construire ensemble» en «reconnaissant les intuitions et les convergences» et en «identifiant les discordances et les obstacles» mais en «laissant émerger les voix prophétiques» car il est important que «chacun se sente représenté par le résultat du travail». Le texte précise: «Il ne s'agit pas de réagir ou de contrer ce qui a été entendu mais d'exprimer ce qui a touché ou interpellé au cours de l'écoute».

Selon le document, «les effets de l'écoute produit dans l'espace intérieur de chacun sont le langage avec lequel l'Esprit Saint fait résonner sa propre voix». Cette méthode devrait être appliquée à tous les niveaux dans l'Église par la création d'une fonction «d'animateur des processus de discernement en commun».

Choc de culture et hautes tensions au Vatican

Ce synode provoque donc un choc de culture et des hautes tensions au Vatican et dans une Église italienne mais pas seulement qui boude majoritairement l'opération, le tout étant assumé par un pape très volontariste sur le sujet.

Signe de ces divergences : la veille de l'ouverture du synode, les «dubias», doutes émis par cinq cardinaux émérites sur l'autorité du synode et sur son ambition réformatrice. Ou encore, la lettre du cardinal Zen, archevêque émérite de Hong Kong, qui parle d'une vaste «manipulation». D'autres passes d'armes ont eu lieu cette semaine, j'y reviendrai plus tard, elles n'ajoutent pas de substances à ce que vous trouverez avec ces liens.

Il est donc impossible de dire aujourd'hui si cela portera des fruits. Dans ce brouillard d'octobre j'hésite entre deux hypothèses :

- Ou cette machine, certains parleraient d'une machine de guerre, cette construction, va s'enrayer en raison de mécanismes trop sophistiqués, d'ambitions démesurées, conduira à une implosion, suscitant dans son tassement une déception de taille et un échec pour la fin du pontificat de François ?

- Ou cette usine à idées, audacieuses et très utiles pour beaucoup de sujets mais illisibles à l'heure actuelle, va réussir à apurer des contentieux importants dans l'Église vécus comme des plaies et des frustrations, deviendra le couronnement du pontificat réformateur de François.

En espérant toutefois que le recours à «l'Esprit Saint» tellement vanté par ce synode, à juste titre selon la tradition de l'Église, ne soit pas instrumentalisé. Cette question un peu provocante n'est pas un détail.

Elle est sérieuse. Je la pose avec prudence, non pour dresser un procès d'intention aux responsables du synode mais parce que l'on n'a jamais vu dans l'Église catholique une telle «publicité» soudaine pour l'Esprit Saint. Tout se passe comme si on se servait de son autorité spirituelle pour forcer le monde des canonistes et de certains théologiens à accepter des évolutions que certains attendent mais que beaucoup récusent à Rome et pas seulement.

Par ailleurs, la spiritualité de l'Esprit Saint se divise en deux écoles chez les catholiques.

Il y a une branche «charismatique» qui admet des manifestations spectaculaires (don de prophétie, chants en langues mystérieuses, «guérisons», conversions subites, etc.). Plus répandue, il y a une branche minimaliste où l'Esprit Saint, l'Esprit de Dieu, tout aussi important pour la vie spirituelle, est profondément discret, «une brise légère» dit la Bible, qui s'exprime dans l'intimité de l'âme ou dans la liturgie, sans exubérance aucune, ni volontarisme.

Jamais en tout cas, même dans un Concile où l'Église supplie l'Esprit Saint de venir éclairer les évêques et théologiens, le Vatican n'avait annoncé à l'avance, de façon tonitruante, et avec certitude que l'Esprit Saint garantissait a priori , la validité des résultats à venir de ce synode sur l'avenir de l'Église.

Le sujet est délicat car il touche l'autorité même du Synode qui entend revoir l'autorité hiérarchique dans l'Église. Il faut l'aborder cependant et j'énonce ce raisonnement avec précaution, comme journaliste et observateur en acceptant bien volontiers de me tromper.

On va vu par exemple cette semaine le cardinal Cyprien Lacroix, archevêque de Québec, répondre à une question sur «l'absence de couples divorcés remariés ou de personnes LGBT» parmi les membres du synode : «Nous n'avons pas fini de voir des choses qui vont nous surprendre», laissant clairement entendre que beaucoup de portes étaient ouvertes.

C'était le 11 octobre. Juste avant l'intervention de ce cardinal, le préfet du dicastère pour la Communication, Paolo Ruffini - un laïc qui est le ministre de l'information du Saint-Siège - avait expliqué que «l'identité sexuelle», la situation des «couples gays» et celle des «divorcés remariés» avaient été effectivement évoquées. Certains membres du Synode ont demandé, selon lui, «un plus grand discernement sur l'enseignement de l'Église en matière de sexualité» quand d'autres, selon la même source, estimaient que ce n'était «pas utile». Mais tous, a-t-il assuré ont souligné «le besoin de rejeter toute forme d'homophobie».

En trente-cinq années de suivi quotidien du Vatican avec l'expérience de trois pontificats, la couverture de deux conclaves, de dizaines de synode, je n'ai jamais vu une telle ambition, une telle organisation méticuleuse, un tel volontarisme qui prend «l'Esprit de Dieu» comme l'argument d'autorité pour la suite des travaux.

Ce qui peut être le cas. Dans la théologie trinitaire chrétienne «l'Esprit de Dieu» est une émanation «d'Amour» entre «Dieu le Père» et «Jésus le Fils». Son rôle est d'inspirer les croyants et l'Église, de nourrir sa vie mystique.

Mais on en parle ces jours-ci à Rome comme si le Saint-Esprit avait déserté le Saint-Siège et qu'il y revenait subitement à la faveur de ce synode alors que l'Église l'invoque à longueur de prière et de messe !

À moins, - autre hypothèse - qu'une redécouverte de l'influence spontanée de l'Esprit Saint reviendrait, à la manière charismatique, pentecôtiste ou évangélique, au plus haut niveau de l'Église où ce style débridé n'a pourtant jamais été admis. François, avant d'être élu, puis après, a toujours eu une dimension charismatique dans sa façon de gérer l'Église. Il est de ce point de vue en pleine tradition chrétienne.

Mais dans les récits évangéliques et dans les Actes des apôtres, c'est Dieu qui semble plutôt commander. Les «surprises» de l'Esprit dont parlent tout le monde ces jours-ci à Rome ne viennent pas «d'en bas» mais d'en haut.

Ce volontarisme, ces mots-clés, presque des mantras - le must, parmi eux, sont «les surprises de l'Esprit saint» -, répétés à l'envi sont une belle trouvaille de communication, un joli élément de langage, mais peut-être l'une des faiblesses de la méthodologie de ce synode. Je ne suis pas en train de dire que cette rencontre ne serait pas «inspirée», qui suis-je pour l'affirmer, mais je m'étonne du fait que l'on garantisse à l'avance l'action de l'Esprit Saint, et le sceau absolu qu'il donnera aux travaux.

L'histoire des Conciles démontre que l'Église met parfois des siècles pour se mettre d'accord sur une simple formule. La maturation est très lente en ce domaine. Les théologiens y travaillent, c'est leur métier. L'implication de laïcs ou religieux, religieuses, moins spécialisés est une excellente nouvelle pour l'Église mais ce synode ne peut pas non plus passer les théologiens au second plan, ce que reprochent certains d'entre eux.

De ce point de vue, la vision du cardinal Lacroix, exprimée cette semaine, promet une lente maturation mais pas mal de confusions : «L'objet de ce Synode […] n'est pas de traiter de questions doctrinales» mais d'apprendre «à marcher ensemble pour que nous puissions voir toutes ces questions une fois que nous serons rentrés chez nous».

Certes, des temps de «silence», c'est une nouveauté, sont imposés dans les tables rondes pour que les participants puissent méditer, réfléchir et prier. Et personne ne peut juger de la prière intérieure de quelqu'un, c'est un sanctuaire infranchissable, mais l'Église donne ici parfois l'impression de «téléguider» l'Esprit Saint, oserais-je dire, qu'elle convoquerait en quelque sorte au Synode. Qui a jamais convoqué l'Esprit de Dieu ? Dans la Bible seul le Christ semble avoir ce pouvoir.

Autre interrogation, trop peu exprimée à Rome, les messages de l'Esprit Saint, nécessitent toujours un «discernement». L'Église catholique s'est même battue pendant des siècles avec tous mouvements ou personnalités trop charismatiques, branchée en direct sur l'Esprit Saint. On peut citer François d'Assise. On peut aussi évoquer le pape François qui lutte contre sa curie romaine, son administration centrale. À chaque fois Rome se donnait seule, l'autorité du «discernement» pour savoir d'où venait les intuitions de tel fondateur ou de telle famille spirituelle : de Dieu, de l'Esprit Saint ? ou d'ailleurs… Et qu'elles étaient les limites. Ce «discernement» de l'Église romaine latine a été au cœur du rejet des thèses luthériennes et de combien d'autres, considérées comme hors du contrôle catholique et ne pouvant donc pas venir de l'Esprit Saint…

Il faut aussi rappeler que cette haute et noble pratique du «discernement» est l'une des caractéristiques de l'ordre des Jésuites. Et que des Jésuites ou des prêtres formés ou proches d'eux, sont placés à de nombreux postes clés de ce Synode. Ce qui est nouveau à ce point. On dit même qu'il y aurait quatre jésuites à la seule table ronde où siège le pape.

Ce discernement ignatien va donc être à l'œuvre pour tenter de saisir ce que voudrait «dire» maintenant «l'Esprit Saint» à l'Église et qu’il n'aurait encore jamais encore suggéré aux papes précédents. Ce que l'on appelle les fameuses «surprises de l'Esprit Saint».

Mais quelles sont-elles ces «surprises» ? «On ne le sait pas» assure-t-on. Et on entend souvent comme dans un plan de communication, cet autre élément de langage qui est décliné sur tous les tons : «aucun membre du synode n'a d'agenda», c'est-à-dire d'objectif à atteindre.

Ce qui est faux.

Il y a dans l'assemblée des laïcs, des religieux, des religieuses, des évêques voire des cardinaux, directement ou indirectement très favorables à telle ou telle réforme, décrites dans le document de travail. J'en ai rencontré. Parler à leur propos, de lobbys, au sens de ceux que l'on croise dans les couloirs de l'administration européenne est exagéré mais l'assemblée romaine croise d'authentiques réformateurs. Ils ne se cachent pas. Ainsi du jésuite américain James Martin défenseur des mouvements LGBT, très proche du pape François.

Il y a aussi dans la même assemblée synodale, de nombreux évêques, laïcs, religieux et religieuses, des «généralistes» de l'Église, fantassins ou capitaines de terrains, sans agenda pour le coup. Eux pourront s'opposer à des options de réformes tout comme les appuyer, au fil des multiples votes de textes, de motions, de propositions.

Un fonctionnement très particulier

Ce qui rend ce synode «ouvert» à la nouveauté et aux «surprises» mais il ne faudrait laisser penser que des mesures inédites qui pourraient être votées en 2024, tomberaient du ciel... Beaucoup de catholiques veulent bien croire que cette assemblée est censée exprimer et représenter le «peuple de Dieu en marche». Mais il n'est pas possible d'entretenir les catholiques dans l'illusion leur faisant croire que l'Église, munie d'une page blanche, attendrait les inspirations de l'Esprit Saint pour savoir en quelles directions elle doit maintenant avancer. Dans l'assemblée beaucoup savent très bien où aller. Beaucoup savent aussi où ils ne veulent pas aller.

Ainsi, cette semaine, la remarque du Père Mauro-Giuseppe Lepori, abbé général de l'Ordre monastique des Cisterciens a reconnu devant la presse que si le thème de l'ordination des femmes «n'était pas dominant», celui de «la place des femmes dans l'Église» l'était. Il a ajouté qu'il n'était pas question, selon lui, d'ordonner des femmes prêtres mais que la question de l'ordination au diaconat était sur la table.

Il y a une forme de démocratie, il y a le vote de femmes, que l'on ne peut que saluer pour l'Église, c'est l'esprit synodal, avec cette réserve toutefois : la liste des invités a été soigneusement affinée par le pape en personne, les «élus» des conférences épiscopales, non contrôlés par Rome, y sont minoritaires.

Et puis, il n'y a pas que les «membres» de l'assemblée. Il y a un bureau central du synode comme il y en a toujours eu mais il a pris de l'importance. La nouvelle organisation en effet donne plus de poids aux travaux des trente «petits groupes», «circuli minores». Ce qui impose par conséquent un gros travail de coordination assuré par ce bureau.

Dans les formules précédentes du synode, c'étaient d'abord les assemblées plénières qui dominaient. Chaque membre s'y exprimait devant tous. Les petits groupes se réunissaient ensuite pour débattre. Puis des assemblées où tous étaient présents, avançaient vers les conclusions.

Désormais, c'est un peu l'inverse : il y a plus de temps et de place pour le travail d'échanges autour des fameuses nouvelles trente tables de douze membres, toutes équipées de petits écrans individuels qui permettent les votes et la circulation de l'information.

Ce qui renforce la nécessité d'une coordination centrale assurée par un bureau central dont le fonctionnement est finalement assez opaque et dont les coups de claviers seront importants, non sur les votes qui viendront des délégués mais pour la rédaction des textes de synthèse.

Je n'ai pas encore bien compris comment cette horlogerie synodale fonctionnait, j'espère y voir clair d'ici la fin du synode et vous en reparler. On ne peut prétendre travailler à une Église synodale plus transparente, démocratique et décentralisée, et agir autrement lors du synode.

Je précise aussi que décrire ce fonctionnement très particulier du synode, de ses grandeurs, de ses limites, ne vise pas à dénigrer cette démarche. Elle est constitutive de l'Église chrétienne. Les Églises orthodoxes n'ont jamais abandonné cette pratique bimillénaire même si seuls les évêques y sont parties prenantes. De même les Églises protestantes qui sont synodales par nature y vivent une forte implications des laïcs.

L'Église catholique a renoué depuis le Concile Vatican II avec cette tradition synodale. Elle a été très pratiquée sous Jean-Paul II et sous Benoît XVI, ne l'oublions pas. Jean-Paul II a convoqué 15 synodes de même ampleur en 27 ans de pontificat, Benoît XVI a lancé 5 synodes en dix ans. François a convoqué un synode sur les jeunes et les vocations, sur la famille, sur l'Amazonie. Ce synode sur la «synodalité» baptisé «sur l'avenir de l'Église» donnerait l'impression d'être le premier vrai synode de l'Église catholique. Ce n'est pas exact même s'il est vrai que l'Église latine romaine ne s'était jamais remise en question à ce point à travers un synode.

D'ailleurs le pape avait comme disparu en début de semaine. Annoncé aux différentes tables rondes du synode, il n'y était pas présent. Problèmes de santé ? Le Vatican avait répondu que François avait d'autres rendez-vous imprévus. Paolo Ruffini, ministre de la Communication du Vatican est le seul qui soit autorisé à parler en cette période de vrai-faux jeûne médiatique imposé par le pape.

«Vrai-faux», parce que la vraie communication n'est pas seulement verbale : Ruffini a révélé que le pape avait déjeuné le 10 octobre avec des «pauvres» de Rome pour leur demander ce qu'ils attendaient du Synode et de l'Église. Selon cette source, les «pauvres» auraient dit au Pape qu'ils n'espéraient qu'une chose de l'Église : «l'amour, seulement l'amour».

Joli programme, personne n'en disconvient. Beau message également surtout dans le contexte horrible de l'actualité, qui serait issu d'un autre synode, celui «des périphéries» ! Sans doute l'une des «surprises» de cette assemblée foisonnante et hors normes.

Merci de votre fidélité et attention à cette lettre.

Commentaires

  • Pour ma part, et après avoir étudié pas mal de prophéties catholiques sérieuses, je pense que ce qu'il risque de se produire c'est une éclipse de la véritable Eglise du Christ, au plus tard en 2025. Les catholiques fidèles devront vivre leur foi en clandestinité car une fausse église risque d'émerger de ce synode où tout le monde sera accepté sans que nul ne soit appelé au repentir.

    Je prie beaucoup pour François car s'il y a un risque qu'il refuse de valider les hérésies de ce Synode sur la synodalité, certains loups peuvent chercher à le remplacer, discrètement... par un faux pape, le faux prophète qui sera à la tête de la fausse église et au service de l'AC et qui, lui, validera toutes les demandes de modifications doctrinales. Voyant cela, le monde se réjouira en pensant que l'Eglise se sera enfin adaptée à l'esprit de ce siècle.

    Fidèles catholiques, ne soyons pas dupes et soyons au contraires prudents et méfiants quant à ce qui sortira de ce Synode ! Si effectivement quelque chose arrive à François en 2024 et qu'on nous annonce qu'un autre pape est élu avant la fin du Synode, mes craintes risque de se concrétiser.

    Aucun pape ne peut modifier la doctrine du Christ, si cela devait se produire à l'issue de ce synode, le pape qui prétendra apporter de telles modifications (et ce ne sera pas François qui, selon moi, a été élu de façon valide) sera nécessairement un imposteur.

    Je vous invite à lire les visions prophétiques de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich au sujet du temps des deux Églises et des deux Papes, vous comprendrez mieux ce qui se passe actuellement au sein du Vatican :

    https://pierre-et-les-loups.net/propheties-de-la-bienheureuse-anne-catherine-emmerich-sur-le-temps-des-deux-eglises-et-des-deux-papes-930.html

  • Ce synode entend remettre en cause l'autorité hiérarchique dans l'Eglise. Fort bien. Je propose que, dans un hôpital, la décision d'opérer un patient soit partagée entre l'aide soignante et le chirurgien.

  • en effet, le Pape François finira par être écarté selon moi et le faux prophète sera ensuite élu. Cependant il règnera sur la "fausse église des ténèbres" où "tous y entreront pour avoir les mêmes droits". La vraie sera persécutée et ceux qui voudront rester fidèles au Christ devront vivre leur foi en clandestinité. La Bienheureuse Anne-Catherine parle précisément de deux papes et deux églises (une vraie et une fausse). Plusieurs passages parlent en effet, selon moi, de Benoit XVI. Par contre elle ne dit pas que l'un des deux papes est un faux pape. Ce qui est certain c'est qu'une fausse église est en train d"émerger, les efforts des "démolisseurs" au sein du Vatican actuellement visent à créer cette fausse église. Et un faux pape sera élu à sa tête, nécessairement pour valider leurs efforts (ce que ne fera pas, selon moi François). Peut-être celui dont saint François d'Assise parlait, en le qualifiant d'"exterminateur".

    "Alors la vérité sera tenue dans le silence par certains prédicateurs alors que d'autres la foulant aux pieds la nieront. La sainteté de vie sera tenue en dérision par ceux qui la professent extérieurement, c'est pourquoi Notre Seigneur Jésus-Christ leur enverra non pas un digne pasteur, mais un exterminateur "

    https://pierre-et-les-loups.net/prophetie-de-st-francois-d-assise-155.html


    Ce n'est pas l'Antéchirst qui usurpera le Siège de Saint Pierre (la première Bête qui elle agira au niveau politique) mais son pendant religieux, le faux prophète à son service (la deuxième Bête avec deux cornes qui recevra son pouvoir de la première). Ce faux prophète finira selon la Sainte Ecriture, dans le lac de feu comme l'Antéchrist.

    "Puis, j'ai vu monter de la terre une autre Bête; elle avait deux cornes comme un agneau, et elle parlait comme un dragon. Elle exerce tout le pouvoir de la première Bête en sa présence, amenant la terre et tous ceux qui l'habitent à se prosterner devant la première Bête" (Ap 13: 1-17)

    La mission de ce faux pape ou faux prophète sera de pousser la terre entière à adorer la première Bête, l'Antéchrist, plutot que Jésus-Christ.

    Nous vivons clairement ce qui est décrit dans le Livre de l'Apocalypse.

    Sinon je vous invite à lire le très bon livre du Professeur Ralph Martin, "A Church in Crisis".

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