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Inscrire l'IVG dans la Constitution c'est restreindre la liberté de penser

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De Chantal Delsol sur le site du Journal du Dimanche :

IVG dans la Constitution : une restriction de plus dans la liberté de penser

L’idée d’introduire la liberté de l’IVG dans la Constitution n’est pas nouvelle, mais elle connaît un regain de faveur après la décision de certains États américains de limiter parfois drastiquement, voire d’interdire, la pratique de l’IVG.

Il est probable que beaucoup de Français, très attachés à ce qu’ils considèrent comme un droit majeur des femmes, se soient affolés à la pensée que ce qui arrivait aux États-Unis pouvait aussi nous arriver. Signe d’ignorance, car les institutions des États-Unis permettent aux États, de par le statut fédéral, de se donner des lois séparées, tandis que rien de tel ne serait possible en France, pays centralisé dans lequel on ne saurait même pas imaginer de telles différences légales entre les régions. Chez nous, une réduction du droit à l’IVG ne pourrait venir que de l’État central et serait valable sur tout le territoire.​

Mais au-delà de ces raisons institutionnelles, une terreur sourde règne dans les rangs des défenseurs inconditionnels de l’IVG : par le jeu démocratique des changements de majorité, un courant pourrait arriver au pouvoir qui limiterait ou abolirait le droit à l’IVG. Or cette probabilité est aussi mince que la première. C’est arrivé par exemple en Pologne (avec des conséquences désastreuses), mais on ne voit pas un parti français être d’accord et/ou en mesure de mettre en place une pareille loi qu’aucun d’entre eux ne revendique. Il existe en France des groupes (je dirais plutôt des groupuscules) qui voudraient, s’ils arrivaient au pouvoir, supprimer l’IVG et même le divorce. Mais ils sont si insignifiants qu’en avoir peur relève de la franche paranoïa.​

Dans un pays libre comme le nôtre, on doit pouvoir discuter pour savoir si l’IVG tue une personne ou élimine un bout de chair

Non, constitutionnaliser l’IVG relève plutôt du symbole : il faut montrer au monde que nous autres Français, héritiers des Lumières, considérons qu’il s’agit là d’un droit inaliénable, comme celui de penser ou de parler librement. Ce faisant, c’est le contraire que l’on prépare : nul n’aura plus le droit d’être en désaccord avec l’IVG, qui ne constituera plus une option de la tolérance, mais une obligation de la bien-pensance. Dans un pays libre comme le nôtre, on doit pouvoir discuter pour savoir si l’embryon est ou non une personne humaine, et donc si l’IVG tue une personne ou élimine un bout de chair – on doit pouvoir penser que l’IMG (interruption médicale de grossesse, qui peut intervenir quelques heures avant la naissance) est clairement un infanticide. La plupart de nos concitoyens, ayant abandonné le christianisme, ne sont pas gênés par l’infanticide dans ces cas extrêmes. 

Mais il existe aussi dans nos sociétés des judéo-chrétiens convaincus qui ne sont pas d’accord, et qui devraient avoir le droit de s’exprimer. La constitutionnalisation de l’IVG en fera des factieux et des coupables. Il est déjà très mal vu non seulement de développer des arguments opposés à l’IVG, mais même de proposer des restrictions ou des conditions – cela deviendra carrément impossible. Cela dépendra aussi, cependant, des termes qui seront utilisés dans le texte de la Constitution : s’agira-t-il d’un droit ou d’une liberté ? La nuance est importante, puisqu’un droit suppose de pouvoir exiger la possibilité d’exercice, et limitera la clause de conscience des praticiens.

Last but not least : c’est bien commode, pour un président qui ne parvient à rien de concret, qui vit sur un océan de dettes, sur une école et un hôpital sinistrés, de faire passer des réformes « sociétales » qui vont faire plaisir aux citoyens sans coûter un centime… Nul doute que des tirades autosatisfaites vont accompagner cette décision qui ne sera rien d’autre qu’une restriction de plus dans la liberté de penser.

Commentaires

  • “A nation that kills its own children has no future.”
    (St Jean-Paul II)

  • Chantal Delsol exprime une réticence justifiée à ce projet. Sa prise de position comprend également quelques approximations.
    La restriction du droit à l'avortement en Pologne n'a pas eu de conséquences désastreuses pour tout le monde. Ceux qui ont échappé à l'élimination in utero n'en sont pas nécessairement mécontents. Peut-être même leurs parents ont-ils été heureux de les voir grandir.
    La philosophe estime que le débat doit rester permis. Mais en ce qui concerne l'humanité de l'embryon, la science a tranché depuis longtemps.
    Ce dont il faut pouvoir continuer à discuter, c'est plus précisément des restrictions légales à la pratique de l'avortement. Et on ne voit d'ailleurs pas pourquoi la contestation ne proviendrait que des seuls judéo-chrétiens. Par rapport à ce problème de société fondamental, tout démocrate convaincu est susceptible de prendre le parti des membres les plus faibles de la collectivité ; le combat contre l'utilitarisme et la barbarie n'est pas réservé à une communauté spirituelle.
    Sur les motivations de Macron et Cie, ne voir qu'une affirmation symbolique dans la filiation des Lumières est réducteur. Il s'agit aussi, concrètement, de donner des gages aux lobbies qui l'ont porté au pouvoir et dont le soutien est bien utile à l'autocrate discrédité.
    Et quant à savoir si les citoyens ont matière à se réjouir de cette sacralisation de la loi du plus fort, ce n'est, après tout, pas assuré. Peut-être un reste de conscience et de lucidité suscitera-t-il de la méfiance devant cette glissade sur la pente de l'écrasement totalitaire.

  • "....des réformes « sociétales » qui vont faire plaisir aux citoyens sans coûter un centime…."
    Même cette partie est contestable : l'avortement a un coût pas du tout négligeable : il faut bien financer les cliniques et les médecins qui le pratiquent, les équipements, toute la propagande que le gouvernement fait autour depuis 50 ans, la propagande du planning familial, toutes les études et contestations juridiques sur le sujet depuis 50 ans....
    Sans parler des conséquences très importantes de la non naissance des enfants en si grand nombre. Les non-parents futurs retraités le décrouvriront bientôt en pratique.
    Ces arguments "utilitaires" ne sont bien sûr pas la raison de s'opposer à l'avortement (la raison est morale), mais on peut ainsi remarquer que même sur cet aspect "pratique" de ce genre de loi, les gouvernants et militants nous mentent.

  • "Sans parler des conséquences très importantes de la non naissance des enfants en si grand nombre."

    Oui, c'est dramatique sur le long terme !
    Il n'y a que de richesses d'hommes ! Contrairement aux alarmistes de Davos.

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