3 novembre 2025
Vatican : Non au titre de corédemptrice pour Notre-Dame
Nous avons reçu, d'une de nos sources, un bref mais important extrait du nouveau document du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, « Mater Populi fidelis : Note doctrinale sur certains titres mariaux relatifs à la coopération de Marie dans l'œuvre du salut », que nous publions. Il sera officiellement diffusé le 4 novembre.
Le passage suivant du n° 22 nous paraît très clair : « Étant donné la nécessité d’expliquer le rôle subordonné de Marie au Christ dans l’œuvre de la Rédemption, il est toujours inapproprié d’utiliser le titre de Corédemptrice pour définir sa coopération. Ce titre risque d’obscurcir la médiation salvifique unique du Christ et, par conséquent, peut engendrer confusion et déséquilibre dans l’harmonie des vérités de la foi chrétienne. […] Lorsqu’une expression requiert des explications nombreuses et continues pour éviter qu’elle ne s’écarte de son sens correct, elle ne sert pas la foi du Peuple de Dieu et devient inappropriée. »
Voici le billet de MiL sur l'actualité : « Note du Vatican sur la “coopération de Marie à l'œuvre du salut”. Que se passe-t-il ? ». Voici un article de Corrispondenza Romana : « La “Co-Rédemptrice” au temps du pape Jean-Paul II ».
Nous nous demandons humblement pourquoi Jean-Paul II a utilisé sept fois le titre de Co-Rédemptrice et pourquoi Pie X s'est permis une prière qui se terminait par ces mots : « Je bénis votre saint Nom, je loue votre sublime privilège d'être véritablement Mère de Dieu, toujours Vierge, conçue sans tache de péché, Co-Rédemptrice du genre humain . »
Il nous semble qu'il s'agit d'un recul par rapport à Lumen Gentium du Concile Vatican II, car il n'y est même plus fait mention de la coopération « singulière » de Marie à la Rédemption. Tout cela, apparemment pour des raisons œcuméniques.
Un « minimalisme », opportuniste à nos yeux, qui remet même en perspective le concile Vatican II.
Luigi Casalini
Co-rédemptrice
- Le titre de Corédemptrice apparaît au XVe siècle comme une correction de l'invocation de Rédemptrice (abréviation de Mère du Rédempteur) que Marie recevait depuis le Xe siècle. Saint Bernard attribue à Marie un rôle au pied de la Croix, ce qui donne naissance au titre de Corédemptrice, titre que l'on retrouve pour la première fois dans un hymne anonyme du XVe siècle à Salzbourg.[30] Bien que le titre de Rédemptrice se soit maintenu tout au long des XVIe et XVIIe siècles, il disparaît complètement au XVIIIe siècle pour être remplacé par celui de Corédemptrice. Les recherches théologiques sur la coopération de Marie à la Rédemption, menées durant la première moitié du XXe siècle, ont permis une meilleure compréhension du titre de Corédemptrice.[31]
 - Certains papes ont employé ce titre sans s’attarder à l’expliquer.[32] Généralement, ils l’ont présenté de deux manières distinctes : en relation avec la maternité divine, puisque Marie, en tant que mère, a rendu possible la Rédemption accomplie par le Christ ;[33] en référence à son union avec le Christ au pied de la Croix rédemptrice.[34] Le concile Vatican II a évité d’utiliser le titre de Corédemptrice pour des raisons dogmatiques, pastorales et œcuméniques. Saint Jean-Paul II l’a employé, au moins à sept reprises, en le reliant avant tout à la valeur salvifique de nos souffrances offertes avec celles du Christ, auquel Marie s’unit tout particulièrement sous la Croix.[35]
 - Lors de la Feria IV du 21 février 1996, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Joseph Ratzinger, interrogé sur l’acceptabilité de la demande du mouvement Vox Populi Mariae Mediatrici concernant la définition du dogme de Marie comme Corédemptrice ou Médiatrice de toutes les grâces, répondit dans son vote particulier comme suit : « Négatif. Le sens précis de ces titres n’est pas clair et la doctrine qu’ils contiennent n’est pas encore mûre. Une doctrine définie de fide divina appartient au depositum fidei, c’est-à-dire à la révélation divine transmise dans l’Écriture et dans la tradition apostolique. On ne sait pas encore comment la doctrine exprimée par ces titres est présente dans l’Écriture et dans la tradition apostolique. »[36] Par la suite, en 2002, il exprima publiquement son opposition à l’emploi de ce titre : « La formule “Co-Rédemptrice” s’éloigne trop du langage de l’Écriture et de la patristique et engendre donc des malentendus… Tout vient de Lui, comme l’affirment avant tout les Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens. Marie est ce qu’elle est grâce à Lui. Le terme “Co-Rédemptrice” en obscurcirait l’origine. » Le cardinal Ratzinger ne nia pas les bonnes intentions et les aspects louables de la proposition d’utiliser ce titre, mais maintint qu’il s’agissait d’une « terminologie incorrecte ».[37]
 - Le cardinal de l’époque a mentionné les Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens, où le vocabulaire employé et le dynamisme théologique des hymnes présentent l’unique centralité rédemptrice et la source du Fils incarné, excluant ainsi toute possibilité d’autres médiations, puisque « toute bénédiction spirituelle » nous est donnée « en Christ » (Éph 1, 3), car en lui nous sommes enfants adoptifs (cf. Éph 1, 5) et en lui nous avons reçu la grâce (cf. Éph 1, 6), « par son sang nous avons la rédemption » (Éph 1, 7) et il « a répandu sur nous » (Éph 1, 8) sa grâce. En lui, « nous sommes devenus héritiers » (Éph 1, 11) et nous avons été prédestinés. Dieu a également voulu qu’en lui « toute la plénitude habite » (Col 1,19) et que « par lui et pour lui toutes choses soient réconciliées » (Col 1,20). Cette louange de la place unique du Christ invite à considérer chaque créature comme pleinement réceptive et à faire preuve d’une prudence religieuse et éclairée quant à toute forme de coopération possible à la Rédemption.
 - Le pape François a exprimé, à au moins trois reprises, son opposition claire à l’usage du titre de corédemptrice, affirmant que Marie « n’a jamais voulu s’approprier quoi que ce soit de son Fils. Elle ne s’est jamais présentée comme corédemptrice. Non, disciple. »[38] L’œuvre de la Rédemption était parfaite et ne requiert aucun ajout. Par conséquent, « Notre-Dame n’a voulu prendre aucun titre à Jésus [...]. Elle n’a pas demandé à être une quasi-rédemptrice ou une corédemptrice : non. Il n’y a qu’un seul Rédempteur et ce titre ne peut être dupliqué. »[39] Le Christ « est le seul Rédempteur : il n’y a pas de corédempteurs avec le Christ. »[40] Car « le sacrifice de la Croix, offert dans un esprit d’amour et d’obéissance, présente une satisfaction surabondante et infinie. »[41] Bien que nous puissions prolonger ses effets dans le monde (cf. Col 1, 24), ni l’Église ni Marie ne peuvent remplacer ou parfaire l’œuvre rédemptrice du Fils de Dieu incarné, qui était parfaite et n’a besoin d’aucun ajout.
 - Compte tenu de la nécessité d'expliquer le rôle subordonné de Marie à celui du Christ dans l'œuvre de la Rédemption, il est toujours inapproprié d'utiliser le titre de Corédemptrice pour définir sa coopération. Ce titre risque d'occulter la médiation salvifique unique du Christ et, par conséquent, peut engendrer confusion et déséquilibre dans l'harmonie des vérités de la foi chrétienne, car « il n'y a de salut en aucun autre ; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes par lequel nous devions être sauvés » (Actes 4, 12). Lorsqu'une expression requiert des explications nombreuses et continues pour éviter qu'elle ne s'écarte de son sens exact, elle ne sert pas la foi du Peuple de Dieu et devient inappropriée. En l'occurrence, il n'est pas judicieux d'exalter Marie comme première et plus grande collaboratrice dans l'œuvre de la Rédemption et de la grâce, car le risque d'occulter le rôle exclusif de Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme pour notre salut, le seul capable d'offrir au Père un sacrifice d'une valeur infinie, ne constituerait pas un véritable honneur pour la Mère. En effet, en tant que « servante du Seigneur » (Luc 1:38), elle nous oriente vers le Christ et nous demande de faire « tout ce qu’il nous dira » (Jean 2:5).
 
NOTE
[31] Les théologiens comprennent le titre de corédemptrice de différentes manières : a) La coopération immédiate, christotypique ou maximaliste, qui situe la coopération de Marie comme immédiate et directe avec la Rédemption elle-même (Rédemption objective). En ce sens, les mérites de Marie, s’ils sont dûment subordonnés à ceux du Christ, auraient une valeur rédemptrice pour le salut ; b) La coopération médiatisée ou minimaliste, limitée au « oui » de l’Annonciation. Il s’agit d’une coopération médiatisée, qui rend possible l’Incarnation comme étape préalable à la Rédemption ; c) La coopération immédiate, réceptive ou ecclésiotypique, qui consiste à coopérer à la Rédemption objective en ce sens qu’elle a accepté les fruits du sacrifice rédempteur du Sauveur, représentant ainsi l’Église. Il s’agit d’une coopération immédiate, mais réceptive : Marie a en effet simplement accepté la Rédemption du Christ, devenant ainsi la « première Église ».
[32] Sous le pontificat de saint Pie X, le titre de Corédemptrice figure dans un document de la Sacrée Congrégation des Rites et du Saint-Office. Cf. Sacrée Congrégation des Rites, Dolores Virginis Deiparae (13 mai 1908) : ASS 41 (1908), 409 ; Sacrée Congrégation du Saint-Office, Décret Sunt Quos Amor (26 juin 1913) : AAS 5 (1913), 364, qui fait l’éloge de la coutume d’ajouter au nom de Jésus le nom « de sa mère, notre corédemptrice, la bienheureuse Marie » ; Ibid., Prière de réparation à la Bienheureuse Vierge Marie (22 janvier 1914) : AAS 6 (1914), 108, où Marie est appelée « corédemptrice du genre humain ». Le premier pape à utiliser le terme Corédemptrice fut Pie XI, dans le bref du 20 juillet 1925, s'adressant à la Reine du Rosaire de Pompéi : « Mais souvenez-vous aussi que sur le Calvaire, vous êtes devenue Corédemptrice, coopérant par la crucifixion de votre cœur au salut du monde, avec votre Fils crucifié » : Pie XI, Ad BVM a sacratissimo Rosario in Valle Pompeiana, in Sacra Penitenzeria Apostolica, Enchiridion Indulgentiarum, Typis Polyglottis Vaticanis, Romae 19522, n° 628 ; cf. Ibid., Discours « Voici encore » à un groupe de pèlerins de Vicence (30 novembre 1933) : L'Osservatore Romano, 1er décembre 1933, 1.
[33] Cf. Ibid., Message radio à la clôture de l'Année sainte de la Rédemption à Lourdes (28 avril 1935) : L'Osservatore Romano, 20-30 avril 1935, 1.
[34] Cf. Id., Ad BVM a sacratissimo Rosario in Valle Pompeiana, in Sacra Penitenzeria Apostolica, Enchiridion Indulgentiarum, Romae 1952, n. 628.
[35] Cf. Saint Jean-Paul II, Audience générale (10 décembre 1980) : Insegnamenti III/2 (1980), 1646 ; Id., Audience générale (8 septembre 1982) : Insegnamenti V/3 (1982), 404 ; Id., Angelus (4 novembre 1984) : Insegnamenti VII/2 (1984), 1151 ; Id., Homélie au Sanctuaire de Notre-Dame d'Alborada à Guayaquil (Équateur) (31 janvier 1985) : Insegnamenti VIII/1 (1985), 319 ; Id., Angélus du dimanche des Rameaux (31 mars 1985) : Insegnamenti VIII/1 (1985), 890 ; Ibid., Discours aux pèlerins de l’Œuvre fédérale pour le transport des malades à Lourdes (OFTAL) (24 mars 1990) : Insegnamenti XIII/1 (1990), 743 ; Ibid., Angélus (6 octobre 1991) : Insegnamenti XIV/2 (1991), 756. Après la Feria IV de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 21 février 1996, saint Jean-Paul II n’utilisa plus le titre de Corédemptrice. Il est important de noter, cependant, que ce titre n’apparaît pas dans l’encyclique Redemptoris Mater du 25 mars 1987, document de référence dans lequel saint Jean-Paul II explique le rôle de Marie dans l’œuvre de la Rédemption.
[36] J. Ratzinger, Procès-verbal de la Feria IV du 21 février 1996, dans les Archives du Dicastère pour la Doctrine de la Foi.
[37] J. Ratzinger – P. Seewald, Dieu et le monde. Être chrétiens dans le nouveau millénaire. En conversation avec Peter Seewald, Milan 2001, 278.
[38] François, Homélie sur la fête de Notre-Dame de Guadalupe (12 décembre 2019) : AAS 112 (2020), 9.
[39] Ibid., Méditations quotidiennes : Notre-Dame des Douleurs, Disciple et Mère (3 avril 2020) : L'Osservatore Romano, 4 avril 2020, 8.
[40] Id., Audience générale (24 mars 2021) : L'Osservatore Romano, 24 mars 2021, 8.
[41] Pie XII, Lettre encyclique. Haurietis Aquas (15 mai 1956) n. 10 : AAS 48 (1956), 321.