De Vatican News :
4 décembre 2025
Commission Petrocchi: non au diaconat féminin, même si le jugement n'est pas définitif
«Le statu quo concernant la recherche historique et l'enquête théologique, considérées dans leurs implications mutuelles, exclut la possibilité d'avancer dans le sens de l'admission des femmes au diaconat compris comme un degré du sacrement de l'ordre. À la lumière de l'Écriture Sainte, de la Tradition et du Magistère ecclésiastique, cette évaluation est forte, même si elle ne permet pas à ce jour de formuler un jugement définitif, comme dans le cas de l'ordination sacerdotale». Tel est le résultat auquel est parvenue la deuxième commission présidée par le cardinal Giuseppe Petrocchi, également archevêque émerite de L'Aquila, qui, sur mandat du Pape François, avait examiné la possibilité de procéder à l'ordination des femmes diacres et qui a achevé ses travaux en février dernier. Le rapport de sept pages, envoyé par le cardinal à Léon XIV le 18 septembre dernier, est désormais rendu public ce jeudi, à la demande du Pape.
Lors de sa première session de travail en 2021, la commission avait établi que «l'Église a reconnu à différentes époques, en différents lieux et sous différentes formes le titre de diacre/diaconesse attribué aux femmes, mais en lui attribuant une signification qui n'est pas univoque». En 2021, à l'unanimité, la réflexion théologique a conduit à affirmer que «l'étude systématique du diaconat, dans le cadre de la théologie du sacrement de l'ordre, soulève des questions sur la compatibilité de l'ordination diaconale des femmes avec la doctrine catholique du ministère ordonné». Toujours à l'unanimité, la commission s'est prononcée en faveur de la création de nouveaux ministères qui «pourraient contribuer à la synergie entre les hommes et les femmes».
Lors de la deuxième session de travail en juillet 2022, la commission a approuvé (par 7 voix pour et 1 contre) la formulation reproduite intégralement au début de cet article, qui exclut la possibilité de procéder à l'admission des femmes au diaconat en tant que degré du sacrement de l'ordre, mais sans formuler aujourd'hui «un jugement définitif».
Enfin, lors de la dernière session de travail, en février 2025, après que le Synode a autorisé toute personne le souhaitant à envoyer sa contribution, la commission a examiné l'ensemble des documents reçus. «Même si les contributions ont été nombreuses, seules vingt-deux personnes ou groupes ont envoyé leurs travaux, représentant un petit nombre de pays. Par conséquent, bien que le matériel soit abondant et, dans certains cas, habilement argumenté, il ne peut être considéré comme la voix du Synode et encore moins celle du peuple de Dieu dans son ensemble».
Le rapport résume les arguments pour et contre. Les partisans soutiennent que la tradition catholique et orthodoxe de réserver l'ordination diaconale (mais aussi presbytérale et épiscopale) aux seuls hommes semble contredire «l'égalité entre l'homme et la femme à l'image de Dieu», «l'égale dignité des deux sexes, fondée sur ce principe biblique»; la déclaration de foi selon laquelle «il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme, car vous êtes tous "un" en Jésus-Christ» (Galates 3,28); le développement social «qui prévoit un accès égal, pour les deux sexes, à toutes les fonctions institutionnelles et opérationnelles».
De l’autre côté, la thèse suivante a été avancée: «La masculinité du Christ, et donc la masculinité de ceux qui reçoivent l'ordre, n'est pas accidentelle, mais fait partie intégrante de l'identité sacramentelle, préservant l'ordre divin du salut en Christ. Modifier cette réalité ne serait pas un simple ajustement du ministère, mais une rupture avec la signification nuptiale du salut». Ce paragraphe a été soumis au vote et a obtenu 5 voix favorables à la confirmation de cette formulation, tandis que les 5 autres membres ont voté pour le supprimer.
Avec 9 voix pour et une voix contre, le souhait a été formulé d'élargir «l'accès des femmes aux ministères institués pour le service de la communauté (...) assurant ainsi également une reconnaissance ecclésiale adéquate à la diaconie des baptisés, en particulier des femmes. Cette reconnaissance sera un signe prophétique, en particulier là où les femmes souffrent encore de situations de discrimination sexuelle».
Dans ses conclusions, le cardinal Petrocchi souligne qu'il existe «une dialectique intense» entre deux orientations théologiques. La première affirme que l'ordination du diacre est destinée au ministère et non au sacerdoce: «ce facteur ouvrirait la voie à l'ordination des diaconesses». La seconde insiste en revanche «sur l'unité du sacrement de l'ordre sacré, ainsi que sur la signification sponsale des trois degrés qui le constituent, et rejette l'hypothèse du diaconat féminin: elle souligne en outre que si l'admission des femmes au premier degré de l'ordre était approuvée, leur exclusion des autres degrés serait inexplicable». C'est pourquoi, selon le cardinal, il est indispensable, pour poursuivre l'étude, de procéder à «un examen critique rigoureux et approfondi du diaconat en lui-même, c'est-à-dire de son identité sacramentelle et de sa mission ecclésiale, en clarifiant certains aspects structurels et pastoraux qui ne sont pas encore entièrement définis». Il existe en effet des continents entiers où le ministère diaconal est «quasi inexistant» et d'autres où il est actif avec des activités qui «coïncident souvent avec les rôles propres aux ministères laïcs ou aux ministres de la liturgie».
Sur la NBQ, l'éclairage de Luisella Scrosati :
C’est le diaconat lui-même qui divise la Commission sur les diaconesses.
Deux courants théologiques divisent les dix membres appelés à se prononcer sur l'ordination des femmes comme diacres. Le nœud du problème, tel qu'il ressort du résumé du cardinal Petrocchi, concerne l'interprétation du troisième degré de l'Ordre. La décision appartient désormais au pape, qui n'est pas tenu par leur avis.
Le résumé de la Commission d'étude sur le diaconat féminin, présenté au Saint-Père le 18 septembre, a été rendu public hier, 4 décembre 2025. Ce document, signé par le cardinal Giuseppe Petrocchi, archevêque émérite de L'Aquila, président de la Commission, et son secrétaire, le théologien Mgr Denis Dupont-Fauville, présente les conclusions générales des travaux de la Commission sur l'état de la question concernant la possibilité et les modalités possibles d'un diaconat féminin dans l'Église catholique.
La Commission, composée de dix membres – cinq hommes et cinq femmes – a été instituée par le pape François en 2020 pour poursuivre le travail d'une précédente commission créée par le Pontife lui-même en 2016 et présidée par le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. La première commission a conclu ses travaux en 2018, présentant un résumé de ses travaux au Pape en décembre de la même année, un résultat qui demeure largement inconnu à ce jour.
Le cardinal Petrocchi a relevé la présence de deux courants théologiques au sein de la commission qu'il présidait : le premier, reprenant l'enseignement de Lumen Gentium, selon lequel l'ordination diaconale n'est pas ad sacerdotium mais ad ministerium, estime que l'ordination diaconale des femmes ne serait pas incompatible avec l'interdiction de l'ordination sacerdotale; le second, sans nier cette distinction, insiste sur l'unité substantielle du sacerdoce dans ses trois degrés et sa dimension sponsale, d'où découle la masculinité nécessaire des candidats. Cette scission suggérerait, selon le cardinal, « une approche prudente », accompagnée d’un « examen critique rigoureux et approfondi du diaconat lui-même », d’une plus grande implication des femmes dans les ministères laïcs et de la valorisation de la diaconie baptismale comme fondement de tout ministère ecclésial ».
Le résumé présente les résultats des trois sessions de travail. Les réunions de la Commission se sont tenues respectivement en septembre 2021, juillet 2022 et février 2025. Les résultats des votes de la première session sur trois thèses ont été rendus publics. La Commission a approuvé à l'unanimité que, « dans l'état actuel de la recherche historique et au vu de notre connaissance des témoignages bibliques et patristiques », le diaconat féminin, qui s'est développé différemment selon les régions du christianisme primitif, « n'était pas perçu comme le simple équivalent féminin du diaconat masculin et ne semble pas avoir eu de caractère sacramentel ». Également à l'unanimité, les membres de la Commission ont reconnu l'existence de plusieurs questions concernant « la compatibilité de l'ordination diaconale des femmes avec la doctrine catholique du ministère ordonné ».
Les opinions personnelles des dix membres sur la possibilité d'établir un diaconat féminin comme troisième degré du sacrement de l'Ordre se sont révélées plus hétérogènes. Quatre membres étaient catégoriquement opposés à l'introduction d'un diaconat féminin ordonné, tandis que cinq étaient contre (un vote blanc). Quatre membres se sont prononcés en faveur d'une position provisoirement défavorable, tout en restant ouverts à une évolution future. Alors que seulement deux membres se sont prononcés sans hésitation en faveur de l'ordination des femmes au diaconat, six s'y sont opposés (deux bulletins blancs). La proposition d'établir de nouveaux ministères a, en revanche, fait l'objet d'un consensus unanime.
Le compte rendu de la deuxième session présente le résultat du vote sur la thèse suivante : « L' état des lieux de la recherche historique et de l'enquête théologique, considéré dans leurs implications réciproques, exclut la possibilité de procéder à l'admission des femmes au diaconat, entendu comme un degré du sacrement de l'Ordre. » Sept votes ont été pour et un contre l'absence de fondement historique et théologique justifiant l'ordination des femmes au diaconat, bien qu'il soit également reconnu qu'il n'est pas possible, « à ce jour, de formuler un jugement définitif, comme dans le cas de l'ordination sacerdotale ».
La troisième et dernière session a été marquée par l'évaluation de documents externes.Le Synode ayant ouvert à tous la possibilité de soumettre des contributions à la Commission, le résumé indique que les documents à examiner étaient substantiels, bien qu'émanant de seulement vingt-deux personnes ou groupes. Ces contributions exprimaient pour la plupart des convictions souvent contraires à la Tradition de l'Église catholique (et orthodoxe) qui n'admet que les hommes baptisés au sacrement de l'Ordre. Le résumé souligne que nombre de ces pétitions ne se limitaient pas à demander l'admission des femmes au sacrement du diaconat, mais affirmaient également que les autres degrés de l'Ordre (presbytérat et épiscopat) devraient être accessibles aux femmes. Ces contributions, en particulier, considèrent l'argument fondé sur la masculinité de Jésus-Christ comme une vision sexiste et étriquée, qui conduit à la discrimination envers les femmes.
La Commission a donc jugé nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la masculinité est un élément accessoire ou non pour les candidats à l'Ordre, et si elle peut être considérée comme une partie intégrante de l'identité sacramentelle, une expression de la dimension nuptiale du salut. Sur cette question, la Commission était mathématiquement divisée en deux, avec cinq voix pour et cinq contre. La proposition de confier aux pasteurs la mission d'élargir l'accès des femmes aux ministères existants et d'en créer de nouveaux a recueilli un consensus beaucoup plus large (9 voix pour, 1 contre ).
Il ressort du résumé que les diaconesses de l'Église ancienne, dont le rôle n'était même pas clairement défini, n'étaient pas l'équivalent féminin des diacres ; ce qui semble régler la question sur le plan historique. Sur le plan théologique, cependant, la situation se complexifie considérablement. Concernant le diaconat féminin, la Commission a reconnu que l'ordination des femmes comme diacres soulèverait des problèmes de compatibilité avec la doctrine catholique sur l'ordre sacré, mais elle n'a pas tranché la question, comme en témoignent les positions relatives à la thèse n° 5. Les remarques finales du président de la Commission, ainsi que le vote de la dernière session, mettent également en lumière une véritable division, qui semble reposer sur la conception même du diaconat.
On a le sentiment qu'aucun consensus significatif ne pourra jamais être trouvé, tant au niveau de l'étude que du débat. Seul le Pape peut trancher définitivement la question, puisqu'il décidera s'il doit se prononcer et, le cas échéant, comment, n'étant pas tenu par l'avis de la Commission.