De Miguel Cuartero Samperi sur In Terris :
La pratique de la présence de Dieu : la spiritualité du pape Léon XIV
6 décembre 2025
Interrogé par la journaliste Cindy Wooden sur ses réactions et ses sentiments lors du conclave qui l'a élu Souverain Pontife, le Saint-Père Léon XIV a déclaré que sa foi inébranlable en la volonté de Dieu l'avait toujours guidé en toutes circonstances. Cette attitude l'a accompagné pendant de nombreuses années, dans son œuvre missionnaire et dans les moments les plus difficiles et les plus délicats de sa vie. Cette même foi est au cœur d'un livre qui l'a profondément marqué et inspiré, au point qu'il recommande sa lecture pour comprendre sa spiritualité personnelle.
Les paroles de Léon XIV
Voici les paroles du Pape : « L’un d’entre vous, un journaliste allemand, m’a demandé l’autre jour : “ Connaissez-vous un livre, outre saint Augustin , qui nous permettrait de comprendre qui est Prévost ?” Il y en a beaucoup, mais l’un d’eux s’intitule « La Pratique de la Présence de Dieu » . C’est un livre très simple, écrit il y a de nombreuses années par un certain frère Laurent , qui ne signe même pas de son nom. Il décrit une forme de prière et de spiritualité qui consiste simplement à remettre sa vie entre les mains du Seigneur et à se laisser guider par lui. Si vous voulez en savoir plus sur moi, sur ma spiritualité de ces dernières années, au milieu de grandes épreuves, vivant au Pérou pendant les années de terrorisme, appelé à servir dans des endroits où je n’aurais jamais imaginé être appelé, sachez que j’ai confiance en Dieu , et c’est un message que je partage avec tous. » L'ouvrage cité plus haut, publié pour la première fois en 1692 par le père Joseph de Beaufort, est un recueil de lettres , de témoignages et de paroles de frère Laurent, né Nicolas Herman. Il connut un succès immédiat et fut réimprimé et traduit en plusieurs langues au fil des ans.
Qui était Frère Laurent de la Résurrection ?
Nicolas Herman naquit en 1614 à Hériménil, en Lorraine, dans le nord-est de la France. Pendant la guerre de Trente Ans, il s'engagea dans l'armée française , mais après trois ans de service, il dut déposer les armes suite à des blessures reçues au combat. C'est dans cette épreuve que, suite à une révélation, il décida de consacrer sa vie à Dieu . La vision d'un arbre nu, attendant le printemps, fit naître en lui le désir ardent d'une transformation radicale et d'une renaissance spirituelle. Après une tentative de retraite dans la vie d'ermite et un séjour de travail à Paris, il entra en 1640 dans l'ordre des Carmes déchaux à Paris, suivant ainsi les traces de son oncle carme. Après deux ans de noviciat, il prononça ses vœux solennels et prit le nom de frère Laurent de la Résurrection. Au couvent, il s'acquittait des tâches les plus humbles et les plus fatigantes, comme la cuisine – un rôle qu'il occupa pendant quinze ans, servant plus d'une centaine de personnes chaque jour –, le métier de cordonnier, et le travail dans le magasin et l'entrepôt.
paix intérieure
Après dix années de crise spirituelle, il trouva enfin la paix intérieure dans un abandon total à la volonté de Dieu. Durant ses dernières années, il cultiva des amitiés spirituelles avec de nombreux fidèles qui se tournaient vers lui pour trouver conseils et réconfort. Malgré ses infirmités et ses souffrances physiques, il se distingua par son humilité et sa profonde amitié avec Dieu . Cette amitié se nourrissait jour après jour, dans sa vie quotidienne, vécue constamment en présence de Dieu, comme en témoignent ses lettres et les récits de ceux qui l'ont connu. Il mourut à Paris à l'âge de 77 ans.
Le secret de Frère Laurent
Le secret de frère Laurent était donc, pour reprendre ses propres termes, « une conversation continue avec Dieu », même au cœur des tâches quotidiennes. Parler à Dieu, même fugitivement, même quelques instants, mais constamment, en gardant toujours à l'esprit la nécessité de demeurer en lien permanent avec Lui, en renonçant à tout ce qui s'interposait entre l'âme et Dieu , « en renonçant pour Dieu à tout ce qui n'était pas Dieu ». « Je m'appliquais donc avec soin », déclare Laurent, « tout au long de la journée, même au travail, à considérer Dieu toujours près de moi. » Même dans le tumulte du travail, au milieu d'une cuisine toujours en activité, Laurent maintenait un contact assidu avec Dieu par la méditation et la prière, comme il en témoigne lui-même : « Je possède Dieu si paisiblement dans le tumulte de ma cuisine… Je retourne mon omelette dans la poêle par amour pour Dieu. »
Qu’est-ce que la « pratique de la présence de Dieu » ?
La synthèse de l'enseignement spirituel de Frère Laurent se trouve dans la pratique de la présence de Dieu, qui n'est autre que le plus haut degré d'intimité avec Dieu vécue au quotidien, même dans les moments d'obscurité, de souffrance et de péché. Les lettres de Frère Laurent témoignent combien cette pratique était pour lui la clé et le secret du bonheur et du véritable épanouissement spirituel. Dans une lettre à une religieuse, il écrivait : « Je ne comprends pas comment les religieux peuvent vivre pleinement sans la pratique de la présence de Dieu. » Son principal conseil à ceux qui cherchaient à progresser spirituellement était de persévérer dans les difficultés, sans se laisser décourager par les distractions, les tentations, ni même par les péchés. Ces péchés étaient constamment présents à l'esprit de Laurent , surtout ceux de sa jeunesse, qui le tourmentaient et le poussaient à se confier toujours davantage au Seigneur, conscient de son indignité et de sa fragilité.
La pratique la plus sacrée
« La pratique la plus sainte et la plus nécessaire de la vie spirituelle est celle de la présence de Dieu, qui consiste à trouver sa joie et à s'habituer à vivre en sa divine compagnie, à lui parler humblement et avec amour en tout temps et à chaque instant, sans règle ni mesure, surtout lors des tentations, des souffrances, de l'aridité spirituelle, des aversions, et même des infidélités et des péchés. […] Nous devons sans cesse nous efforcer de faire en sorte que tous nos actes deviennent de petites conversations avec Dieu, non pas de manière calculée, mais comme ils jaillissent naturellement de la pureté et de la simplicité de notre cœur. » Cette attitude soutient le chrétien dans le combat spirituel contre le mal, assurant la victoire sur le diable et le péché : « Par cette attention constante à Dieu, nous écraserons la tête du diable et nous lui arracherons ses armes des mains. »
Un don de la grâce de Dieu
Avec cette disposition du cœur, le chrétien n'a plus à abandonner ses occupations ni à se ménager du temps et de l'espace pour Dieu, vivant ainsi une nette séparation entre vie active et vie contemplative. Au contraire, la pratique de la présence de Dieu assure à l'homme un contact constant avec Lui, lui permettant de Le rencontrer en lui-même à chaque instant. Cette pratique, affirme Laurent, est un don de la grâce divine . Comme pour tout sommet et tout but de la vie mystique, l'exercice et l'application du corps et de l'esprit sont nécessaires ; les mortifications, le jeûne et le renoncement sont autant d'étapes que le chrétien doit franchir pour se rapprocher de Dieu. Cependant, cette pratique ne peut être pleinement vécue que comme un don d'en haut, à accueillir avec humilité et gratitude .