Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pour Éric de Beukelaer, la liturgie préconciliaire a sa place dans l’Église actuelle.

IMPRIMER

deBeukelaer-Pvignette.pngDans l’édition verviétoise de l’Avenir, le chanoine Eric de Beukelaer répond  aux clichés du journaliste local  concernant le retour de la messe en latin à Malmédy, à partir du premier dimanche de carême 2012 :

 « Nous avons, écrit le journaliste,  demandé à Éric de Beukelaer, l’ancien porte-parole des évêques de Belgique, aujourd’hui doyen de Liège-rive-gauche, de nous apporter son éclairage sur cette nouvelle à Malmedy. S’il n’est « plus porte-parole de qui que ce soit » et qu’il tient à « uniquement donner un avis personnel », comme il le précise, il est tout de même l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la religion et constitue un intellectuel très écouté parmi les chrétiens belges.

Éric de Beukelaer, des messes selon le rite d’avant Vatican II vont être célébrées à Malmedy dès février. Qu’en penser ?

Je l’ai effectivement appris ce mardi à la conférence des doyens. Il est important de se rappeler que cela n’est pas du tout en contradiction avec l’Église telle qu’elle existe depuis Vatican II. Depuis quelques années, certaines personnes expriment en effet le souhait de renouer avec ce type de liturgie que, c’est important, toutes les personnes de 50 ans et plus ont connue. ./...

Cela n’a rien de très novateur, en fait, puisque dans le diocèse de Liège, cela fait longtemps que des messes en latin sont célébrées, par exemple dans l’église du Saint-Sacrement ou à la chapelle de Bavière, ici à Liège (NDLR : mais aussi dans la chapelle Saint-Oremus de Herstal, à Tancrémont et dans la chapelle Saint-Lambert de Verviers, sans oublier les messes dominicales à Steffeshausen, près de Burg-Reuland). Benoît XVI a voulu simplifier les choses, en permettant à des chrétiens plus traditionalistes de se rendre à de telles célébrations s’ils le souhaitent. Personnellement, je n’ai jamais été éduqué dans ce rite, donc je serais incapable de célébrer une telle messe. L’essentiel, pour que l’évêque soit d’accord, c’est qu’une communauté stable en fasse la demande, donc pas uniquement 3 ou 4 personnes. Si vous avez une grande communauté à Malmedy qui souhaite pratiquer le rite ukrainien, libanais ou que sais-je, ce sera exactement la même chose.

C’est peut-être un cliché, mais on dit parfois de ces rites « à l’ancienne » qu’ils sont fondamentalistes, voire proches de principes de l’extrême droite. Est-ce fondé ?

Attention, les clichés sont les clichés. Même Brassens, qu’on ne peut pas taxer de fondamentaliste religieux, chantait « sans le latin, la messe nous emmerde ». Vous savez, je connais des personnalités assez alternatives qui suivent cette liturgie, j’ai rencontré des gens qui se réclament de Mgr Lefebvre et qui se situent aux antipodes des idées d’extrême droite. Par contre, il est sans doute vrai que la majorité des personnes qui fréquentent ces messes ont un profil un peu « classique », mais elles se reconnaissent dans Vatican II. En aucun cas elles ne s’inscrivent en faux par rapport aux valeur démocratiques, etc. Mais vraiment, attention aux clichés, ils renvoient à une image qui n’est pas forcément juste, comme dans tous les domaines.

Concernant cette liturgie, on ne retient que l’emploi du latin et le prêtre qui tourne le dos aux paroissiens. Mais plus fondamentalement, se base-t-elle sur d’autres principes ?

Comme je le disais, je ne suis pas spécialiste de cette liturgie et je serais mal pris si on me demandait d’officier de la sorte. Tout est une question de point de vue. Par exemple, vous dites « tourner le dos ». Mais eux vous diront que le prêtre regarde dans la même direction que l’assemblée, vers le Christ. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. D’ailleurs, lors des Iers siècles, le prêtre était tourné vers l’assemblée, mais bon… L’idée, c’est que le prêtre soit tourné vers la communauté des baptisés […]. Mais une fois de plus, il y a place pour les deux liturgies dans l’Église d’aujourd’hui. Simplement, Vatican II est la liturgie « ordinaire », mais ne rejette pas les autres. Dans le diocèse de Liège, il y a d’ailleurs plusieurs manières de faire : chrétiens de Turquie, libanais, etc. Si on accepte ces rites, pourquoi ne pas accepter le rite tel qu’il s’est pratiqué chez nous jusque dans les années 60 ? Par contre, là où on ne peut transiger dans Vatican II, c’est avec les principes de liberté religieuse, de dialogue œcuménique et de respect des autres religions. ¦ B.H. » Voir ici  « Vraiment, attention aux clichés »

En guise de commentaire sur cette interview, on pourrait ajouter ceci : les esprits peu ou pas religieux sont incapables de comprendre la religion de l’intérieur et transposent tout en termes idéologiques ou politiques. C’est d’ailleurs le danger qui guette aussi certains pratiquants superficiels eux-mêmes, de gauche comme de droite. En réalité, la question de la célébration de la messe n’a aucun intérêt pour eux, sauf à l’apercevoir comme le symbole de leur Weltanschauung.

La spiritualité de la messe traditionnelle mérite mieux que la caricature qu’on en fait. Le lieu n’est pas ici aux longs développements. Pour s’en tenir au latin et à l’orientation de la célébration montrés du doigt par les objecteurs, il suffit de relire les bons auteurs.

Le simple fait d’être choqué parce que le prêtre « tourne le dos aux fidèles » montre qu’on ne comprend rien à la liturgie. En règle générale, nos églises anciennes sont tournées vers l’orient : la prière tournée vers l'Orient est une tradition qui remonte aux origines même du christianisme. Que veut dire prière tournée vers l'Orient ? On entend par là l'orientation du cœur en direction du Christ, Celui vers lequel nous tendons en tant qu'il est le Principe et la Fin de l'histoire. Le soleil se lève à l'Est et le soleil est le symbole du Christ, la lumière qui vient de l'Orient. Ex Oriente Lux.

Dans « Lumière du monde », son récent livre d’entretiens avec Peter Seewald, Benoît XVI explique : « la prière en commun vers l'Est ne signifiait pas que la célébration se faisait en direction du mur ni que le prêtre tournait le dos au peuple - on n'accordait d'ailleurs pas tant d'importance au célébrant (…) Ils ne s'enfermaient pas dans un cercle, ne se regardaient pas l'un l'autre mais, peuple de Dieu en marche vers l'Orient, ils se tournaient ensemble vers le Christ qui vient à notre rencontre »

Et dans la préface du 1er volume de ses œuvres complètes, le pape précise encore «L'idée qui veut que le prêtre et le peuple doivent se regarder dans la prière n'est apparue que dans la chrétienté moderne et se trouve complètement étrangère à l'Antiquité. Le prêtre et le peuple ne prient pas l'un vers l'autre mais vers l'unique Seigneur. Ils sont donc orientés, dans la prière, dans la même direction, vers l'Orient, un Orient entendu comme symbole cosmique du Seigneur qui vient, et, là où cela n'est pas possible, vers une image du Christ placé dans l'abside, vers une croix ou vers le ciel comme le Seigneur lui-même a fait dans la prière sacerdotale. »

S’agissant de l’emploi du latin en tout ou partie de la messe, que d’inculture encore une fois. Cette belle langue est notre langue-mère, le substrat d’un immense patrimoine intellectuel et culturel, tant religieux que profane jusques et y compris aux temps modernes. D’autre part, les sociologues du sacré nous disent que dans toutes les religions le culte préserve une part de langage « numineux » pour faire ressortir la gravité religieuse des mots. Il en est ainsi pour l’emploi du latin comme du slavon d’église, du grec prémoderne ou de l’hébreu à la synagogue au temps de Jésus, dont la langue vernaculaire était l’araméen ... Et, pour conclure à cet égard, un certain concile Vatican II lui-même n’a-t-il pas décrété que «  l’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins » (constitution sacrosanctum concilium, art. 36). Il ne porte donc aucune exclusive contre celle qui demeure aussi la langue officielle de l’Eglise.

Commentaires

  • Donc si j'ai bien compris, on peut transiger de tout Vatican II sauf de la liberté religieuse, du dialogue œcuménique et du respect des autres religions. Pour en faire un dogme catholique, rajoutez-le au credo de Nicée-Constantinople.

  • J'aime beaucoup le ton de cette intervention, que je trouve très juste. Notamment sur sa mise en garde par rapport aux clichés au sujet des "tradis".

    Un petit bémol cependant lorsqu'il dit que "là où on ne peut transiger dans Vatican II, c’est avec les principes de liberté religieuse, de dialogue œcuménique et de respect des autres religions".

    Ces principes semblent explicités de façon pour le moins équivoque par les textes du Concile, et leur clarification pourrait constituer un corollaire de l'éventuelle réintégration dans l'Eglise de la Fraternité Saint Pie X. On aura certainement l'occasion d'en reparler, peut-être même rapidement...

    Enfin, étant de la même génération que l'abbé de Beukelaer, je comprends très bien qu'il n'ait pas reçu de formation "traditionnelle", c'était également mon cas jusqu'à l'âge de trente ans, où j'ignorais même qu'il y avait eu une autre messe que la messe "ordinaire".

    Mais il n'est jamais trop tard pour se mettre à la liturgie "extraordinaire", ne serait-ce que pour la connaître un tant soit peu. Dans le pire des cas, on décide de n'y plus y revenir; au mieux, on lui découvre une saveur jusque là inégalée.

    Et le privilège de l'abbé de Beukelaer par rapport à moi, c'est -pourquoi pas?- de pouvoir, un jour, la célébrer...

  • La messe latine est tellement belle, du début jusqu'à la fin on se perd en Dieu, il n'y a rien de dérangeant, les textes sont très profonds, une vraie catéchèse. Et dire qu'on a le luxe de pouvoir se confesser juste avant! Voilà: ainsi se passe ma retraite mensuelle à la chapelle du St Sang à Bruges: chaque dernier dimanche du mois (à 17 heures en hiver et 18 h. en été.)

  • Il est très intéressant de voir que Vatican II a permis à l'église catholique syro-malabare rattachée à Rome, - qui a la suite de l'arrivée de prêtres catholiques latins (des Portugais) au XVIème siècle avait du "se latiniser", d'avoir l'autorisation de reprendre des pratiques qu'elle avait instaurées dès son origine (originaire du Kerala, côte occidentale de l'Inde, dont l'évangélisation aurait pour origine St Thomas et de rite plutôt chaldéen). En conséquence en tout logique, il est tout à fait normal que la forme dite actuellement extraordinaire de rite latin, un magnifique patrimoine, et en plus une formidable présentation du sacrifice de l'Eucharistie et aide à la prière, soit remise à l'honneur. Vatican II ne peut pas d'un côté reconnaître une tradition et en bannir une autre de l'autre. Peut être que dans quelques années cette forme dite ordinaire du rite latin, apparaîtra comme une anecdote historique, dans la tumultueuse histoire des membres de l'église catholique de rite latin, au sein de l'Eglise Universelle sous la primauté de Successeur de Pierre. A voir l'intérêt que les jeunes (et au vu du succès pour le "recrutement" dans les séminaires de rite dit extraordinaire) tandis que la pratique dans les paroisses de rite dit ordinaire, se fait faible et les fidèles vieillisant, semble-t-il), l'on peut peut-être et pas déraisonnablement penser que ces rites extraordinaire et ordinaire sont une phase de transition.

Les commentaires sont fermés.