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Quand deux évêques de Chine sont proclamés "hommes de l'année"

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C'est Sandro Magister, sur son site, qui attire l'attention sur la Chine qui détient de sinistres où deux évêques sont emprisonnés en raison de leur foi :

"...La Chine est un pays qui détient de nombreux records, dont un qui est emblématique : c’est le seul pays au monde où deux évêques sont emprisonnés en raison de leur foi. On ne sait plus rien à leur sujet, depuis 14 ans pour l’un et depuis 11 ans pour l’autre.

Le Saint-Siège n’a jamais protesté au grand jour contre ce fait et il n’a jamais réclamé publiquement leur libération.

Mais l'agence de presse en ligne de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères, "Asia News", spécialiste de la Chine et très lue dans ce pays, a décidé ces jours-ci d’attribuer précisément à ces deux évêques le titre d’"homme de l’année".

Il est bon de dire toute la vérité à propos de ce pays qui, dans un avenir proche, sera la nouvelle superpuissance mondiale.

On peut lire ci-dessous l'éditorial par lequel le directeur d’"Asia News" a rendu hommage à ces évêques qui se sont sacrifiés pour la vérité et pour la liberté.

LE PRIX DE L'ANNÉE À DEUX ÉVÊQUES DE CHINE, MARTYRS INCONNUS

par Bernardo Cervellera

À la fin de chaque année, beaucoup de revues et de sites web établissent un classement des personnalités les plus connues, qui se sont distinguées dans un domaine d’activité quelconque ou qui ont déterminé l’information mondiale. Habituellement il s’agit de personnalités de la politique, de la culture, ou bien d’un mouvement tout entier, comme c’est le cas, cette année, dans le magazine américain "Time", qui a consacré comme personnalité collective de 2011 les jeunes du “printemps arabe” et tous les manifestants du monde.

À "Asia News", nous voulons faire un choix à contre-courant : celui de donner un prix à quelqu’un qui n’a jamais été cité par les médias, qui n’a été l’objet d’aucune distinction publique, qui a été oublié bien qu’ayant lutté pendant des années pour la vérité, la dignité et la justice. En somme, nous voulons attribuer un prix “à l’illustre inconnu”.

À l’instar de "Time", nous voulons, nous aussi, attribuer un prix collectif, à deux grands inconnus : deux évêques chinois de la communauté "souterraine" qui ont été enlevés par la police, il y a de cela des décennies, et dont aujourd’hui personne ne sait plus rien.

Le premier est Mgr Jacques Su Zhimin, âgé de près de 80 ans, évêque de Baoding (province du Hebei), qui a été arrêté par la police le 8 octobre 1997. Depuis cette date personne ne sait quelle est l’accusation qui a entraîné son arrestation, ni s’il a fait l’objet d’un procès, ni quel est son lieu de détention. En novembre 2003 il a été retrouvé par hasard alors qu’il était en traitement dans un hôpital de Baoding, entouré par des policiers de la sécurité publique. Après une courte et hâtive visite de sa famille, la police l’a fait disparaître de nouveau, jusqu’à aujourd’hui.

Le second est Mgr Côme Shi Enxiang, âgé de 90 ans, évêque de Yixian (province du Hebei), qui a été arrêté le 13 avril 2001. On ne sait absolument rien à son sujet, même si sa famille et ses fidèles continuent à demander à la police au moins quelques informations.

Ils méritent que l’on se rappelle d’eux à côté de personnalités de la dissidence bien connues, telles que Liu Xiaobo, à qui le prix Nobel [de la paix] a été attribué, ou le grand Bao Tong, parce que, comme eux – et depuis beaucoup plus longtemps – ils combattent pour la liberté de l’individu et pour leur foi. D’une certaine manière, ils sont les prophètes de la dissidence : les premiers à subir la persécution ; les premiers à subir des arrestations et des condamnations ; les premiers à lancer des appels à la communauté internationale ; les premiers à être oubliés.

Avant sa dernière arrestation, Mgr Su Zhimin avait déjà passé, entre des périodes de liberté, au moins 26 ans en prison ou aux travaux forcés. Il est classé comme “contre-révolutionnaire” seulement parce que, depuis les années 50, il s’est toujours refusé à adhérer à l’Association patriotique chinoise, qui veut constituer une Église nationale séparée du pape. En 1996 il était parvenu à diffuser – à partir d’un endroit tenu secret parce qu’il était recherché – une lettre ouverte adressée au gouvernement chinois afin que celui-ci respecte les droits de l’homme et la liberté religieuse du peuple. En tout, il a déjà passé 40 ans en captivité.

Mgr Shi Enxiang a été emprisonné plus longtemps encore : depuis 1957 jusqu’en 1980, il a été condamné aux travaux forcés agricoles dans le Heilongjiang, avant d’être envoyé comme mineur dans les mines de charbon du Shanxi. Il a encore été arrêté pendant trois ans en 1983, puis il a subi trois ans de détention à domicile. En 1989 – l’année où a été créée la conférence des évêques de l’Église clandestine – il a été de nouveau arrêté, puis il a été remis en liberté en 1993, jusqu’à sa dernière arrestation en 2001. Au total, il a déjà passé 51 ans en prison.

En un moment où, en Chine, les révoltes sociales pour la justice et pour la dignité des ouvriers et des paysans sont en train de prendre de l’ampleur, il vaut la peine de rappeler l’existence de ces deux champions qui ont lutté - comme ces révoltés et avant eux - pour la vérité, sans jamais avoir recours aux armes, bien souvent seuls, sans l’appui des réseaux Facebook ou Twitter.

Il vaut également la peine de rappeler leur existence parce que l’on peut craindre que le régime chinois ne les fasse mourir sous les tortures, comme cela a déjà été le cas dans le passé pour d’autres évêques chinois qui avaient été emprisonnés (Mgr Joseph Fan Xueyan en 1992 ; Mgr Jean Gao Kexian en 2006 ; Mgr Jean Han Dingxiang en 2007).

En même temps, il vaut la peine de rappeler leur existence pour montrer à quel point le gouvernement de Pékin est ridicule lorsque, face aux demandes qui lui sont adressées par des personnalités politiques internationales à propos du sort de ces deux évêques, il se cache derrière cette réponse : “Nous ne savons pas”. Doit-on vraiment croire que ce gouvernement, qui dispose d’un gigantesque appareil policier et d’un magnifique réseau d’espionnage et de contrôle très fin de la population du pays, ignore où se trouvent ces deux évêques âgés, que la culture chinoise imposerait de respecter et d’honorer ?

“Nous ne savons pas” est également la réponse que reçoit le Vatican lorsque – à l’occasion d’entretiens très privés avec des bureaucrates chinois – il ose aborder la question des deux évêques disparus. Voilà pourquoi, par crainte de voir leur sort s’aggraver, on ne cite jamais leurs noms, pas même lors des prières pour les persécutés.

La douceur vaticane, qui s’est manifestée jusqu’à maintenant dans le dialogue avec les autorités chinoises, n’a pas encore réussi à obtenir la libération de ces évêques, ni celle des dizaines de prêtres clandestins qui souffrent dans les lao-gai chinois.

Notre vœu en ce qui concerne la commission vaticane pour l’Église en Chine est qu’elle fasse de leur libération une condition de la reprise de tout dialogue. Et nous demandons que tout le monde, chrétiens ou non, se souvienne de ces deux vieux champions de la foi, de la vérité, de la dignité de l’homme.

C’est à eux, indiscutablement, que vont notre prix et surtout notre gratitude. Voilà pourquoi nous voulons commencer 2012 par une campagne en leur faveur.

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L'agence de presse internationale de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères dont le père Bernardo Cervellera est le directeur :

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