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Changer de regard sur Vatican II

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En promulguant, dans son motu proprio Porta Fidei, l’Année de la foi qui commence le 11 octobre prochain, le pape avait déjà annoncé la couleur :« l’Année de la foi est une invitation à une conversion authentique et renouvelée au Seigneur, unique Sauveur du monde » (n. 6) . A cet égard, Jean Mercier développe ici son point de vue (extraits):

“(…) Je suis né en 1964 et, au fil de mon parcours d’enfance et de jeunesse dans l’Eglise catholique, on m’a expliqué surtout que Vatican II avait été une sorte de tabula rasa contre l’obscurantisme du Concile de Trente et de Vatican I, une rupture cultuelle et culturelle, une révolution. 

Benoît XVI, lui, s’oppose à cette idée de rupture. Il introduit la notion de “réforme dans la continuité et le renouveau (…). Rompre, c’est vouloir se séparer du passé dans l’oubli. Se convertir est autre chose.(…) . L’expérience montre pourtant qu’à la base, l’Eglise a davantage retenu Vatican II comme table rase que comme retournement du coeur. La première est évidemment plus facile que le second. Pour les 40 ans du Concile, en 2002, j’avais réalisé une enquête en pays nantais en 2002, où mes interlocuteurs, des paroissiens du pays de Machecoul, me résumèrent Vatican II comme le moment où les prêtres avaient quitté la soutane, et où l’Eglise avait instauré les absolutions collectives, où la messe était passée du latin au français... La vérité est qu’aucun texte de Vatican II n’a pas instauré l’absolution collective. Ni aboli la soutane ou le chant grégorien... Le Concile n’a pas davantage décidé la relativisation de la doctrine de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin consacrés et de la dimension sacrificielle de la messe, ni voulu l’abandon de la confession ou la relativisation de l’enseignement de l’Eglise sur les fins dernières, (le jugement post-mortem des âmes, le purgatoire, l’enfer, etc...) Ces “ruptures” symboliques, culturelles ou doctrinales ont été introduites avant, pendant, et après la tenue du concile.(…)

Le critère de la conversion m’incite à établir une sorte de hiérarchieentre les différents textes du Concile. Même si les cathos de base ont retenu du Concile les changements extérieurs de la messe, je considère la déclaration Sacrosanctum concilium, sur la liturgie, comme un document moins emblématique de Vatican II que Nostra Aetate, qui rompt avec l’antijudaïsme. L’antijudaïsme était un péché de l’Eglise, l’empoussiérage liturgique ne l’était pas. Ceci n’implique pas qu’il ne fallait pas y remédier. Mais l’enjeu était moins puissant. On a parlé aussi de “conversion” en ce qui concerne la constitution pastorale sur le monde de ce temps, Gaudium et Spes.(…). Ce document témoignait d’une nouvelle posture à l’égard du monde et de la modernité, celle d’une bienveillance foncière, qui tranchait avec les condamnations des papes du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Là encore, on peut parler d’une conversion dans la manière de s’adresser au monde. L’Eglise ne se situe plus de façon sentencieuse et surplombante, mais se présente face au monde avec bonté et empathie. De l’avis de tous, Gaudium et Spes est pourtant le texte le plus daté, parce qu’il entend répondre à des questions très contextualisées, qui ont beaucoup évolué depuis, ce qui fait ressortir l’aspect décalé de l’Eglise, quand on le lit 50 ans après.

Dans le même ordre d’idées, la déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis Humanae, reconnaissait que la conscience humaine est un sanctuaire inviolable, sans pour autant dédouaner l’humanité de son devoir de trouver la Vérité dans le Christ, et de combattre l’erreur si celle-ci venait à troubler l’ordre public juste. 

Sur les autres grands thèmes du Concile, on peut parler aussi de conversion, mais à un moindre degré. Certes, Lumen gentium (la constitution dogmatique sur l’Eglise) met l’accent sur le peuple de Dieu, sur l’appel universel à la sainteté de tous les croyants - par opposition à une vision pyramidale et disciplinaire - et redéfinit le rôle de l’évêque, qui n’est plus la courroie de transmission, mais un agent sacramentel opérant dans la collégialité.(…). Mais ce manquement n’a rien de comparable avec le péché de haine contre le Juif ou l’Hérétique qui poussèrent maints catholiques aux excès que l’on sait.

Si l’on interroge les catholiques qui s’identifient fortement à “l’Eglise de Vatican II” et qu’on leur en demande les raisons, ils ont tendance à décrire une Eglise idéale (avec des accents parfois nostalgiques) : une Eglise tolérante, accueillante, en phase avec son temps, qu’il ne trouvent pas dans l’Eglise actuelle. Ce réflexe de la conversion de l’Institution (…) fait écran à un autre type de réflexion sur l’avenir qui consiste à postuler que le changement dans l’Eglise devrait d’abord venir de moi : d’une conversion intérieure (exemple typique : accepter que mon fils devienne curé et que je renonce à des petits enfants), soit d’une amélioration coûteuse de la relation que j’entretiens avec le Christ. Soit encore une plus grande disponibilité à des choix exigeants (renoncer à mon confort, etc..). 

La conversion (au sens fort, se détourner du péché) de l’Eglise n’a jamais été vraiment réelle dans les initiatives de créativité à tout crin en matière liturgique et catéchétique.. Dès 1966, Joseph Ratzinger (mais aussi Jacques Maritain, dans le Paysan de la Garonne) s’inquiétèrent de la démangeaison de nouveauté qui s’étaient emparée d’une certaine intelligentsia cléricale, et qui, selon eux, s’en prenait au dépôt de la foi. Or le but du Concile, annoncé par Jean XXIII en octobre 1962 était d’exalter la tradition catholique avec de nouvelles méthodes et un nouveau langage, pas de la nier (…).

En plaçant l’Année de la foi sous le signe de la conversion, et de l’intériorisation du Concile, Benoît XVI nous demande de continuer “la réforme dans la continuité et le renouveau” de l’Eglise en nous-mêmes. Un travail plus difficile que le bouleversement des structures institutionnelles.

Tout l’article ici: Vatican II, l’Année de la foi et la conversion du coeur

Relire Vatican II “autrement”, est-ce encore possible ?

Commentaires

  • Il me semble que l'anti-judaïsme, dont on parle dans ce texte, est totalement différent de la haine des juifs ou d'exactions contre des juifs, dont on parle un peu plus loin. L'anti-judaïsme d'un chrétien n'est pas plus anormal et condamnable que l'anti-christianisme d'un juif, d'un musulman ou d'un athée. On n'a jamais reproché à ces derniers d'être anti-chrétiens, c'est-à-dire, de n'être pas d'accord sur bien des points avec les chrétiens. C'est comme si on reprochait à un communiste d'être anti-capitaliste, ou inversement.

    Par contre, si des chrétiens dans l'Histoire ont ressenti ou exprimé de la haine contre les juifs ou ont commis des exactions à leur égard, c'est bien alors un péché. Mais je ne vois pas comment on peut reprocher à l'Église elle-même de confirmer que sa doctrine religieuse n'est pas compatible sur certains points avec celle des juifs. On pourrait au contraire lui reprocher de ne pas le dire, et les juifs pourraient être les premiers à s'en plaindre.

  • Totalement d'accord avec Pauvre Job. Là encore je crois qu'on nage en pleine ambiguité à propos de ce concile...

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