Homélie pour le 32ème dimanche "ordinaire" proposée par les moines cisterciens de l'Abbaye de Tamié :
Nous vivons dans un monde où ce qui compte c'est ce qui se voit, un monde à la recherche du sensationnel, le monde de la publicité et de la super information.
Et voilà que dans ce monde où le paraître et le tape-à-l'oeil ont beaucoup d'importance, l'évangile selon saint Marc va nous inviter à regarder le geste très humble et discret d'une pauvre veuve qui jette deux petites pièces de monnaie dans le trésor du Temple.
Elle est de la même race que la veuve de Sarepta dont il était question dans la première lecture (1R 17, 10-16) et qui n'avait qu'un peu de farine et un peu d'huile à offrir au prophète Élie. L'une et l'autre ont en commun d'être veuves, c'est-à-dire à l'époque, d'être rejetées et sans ressources. Les veuves dans l'Ancien Testament et encore au temps de Jésus n'étaient qu'un signe d'échec, elles n'avaient pas d'avenir, condamnées qu'elles étaient désormais à la stérilité. De plus, ces deux veuves sont pauvres et indigentes.
Le geste timide de la veuve de l'évangile n'a pas échappé au regard du Christ car il était là tout proche, il avait même choisi un bon poste d'observation assis en face de la salle du trésor nous dit saint Marc. Il regarde la foule, foule de donateurs, foule de pèlerins, puisqu'il est d'usage de verser une offrande pour l'entretien du Temple et les célébrations qui s'y déroulent. Le regard de Jésus va plus profond et plus loin que le geste de cette femme. Il a su découvrir la vie et le coeur de cette veuve perdue au milieu de ces riches pharisiens aux beaux habits et qui claironnent un peu partout leurs offrandes.
Elle se croyait seule, inconnue, plus ou moins méprisée et voici qu'elle est regardée, admirée et aimée par le Fils de Dieu. Si les pharisiens ont reçu leur récompense dans l'admiration des hommes, la veuve elle, vient de recevoir la sienne sous le regard sauveur et aimant de Jésus. Le plus fort c'est qu'elle ne s'en est peut-être pas rendu compte, l'humilité et la discrétion ont l'air tellement naturel chez elle !
Le Christ ne force jamais une entrée, mais quelqu'un qui prie et qui a un coeur de pauvre s'ouvre naturellement à lui, tandis que les orgueilleux s'enferment dans leur suffisance.
Elle n'avait pas grand-chose en poche, cette pauvre femme, mais ses deux piécettes ont fait déborder le coeur du Christ. Le nécessaire de cette veuve devient le superflu de Dieu, à nous de l'accepter ou de le refuser.
Lorsqu'il envoie son Fils dans le monde, Dieu ne donne pas de son superflu. Il n'offre pas "quelque chose" qu'il possède, mais il se donne lui-même. Il donne tout ce qu'il a. Alors réjouissons-nous d'être bénéficiaires de la part de Dieu d'un si grand amour, Lui qui ne cesse jamais de nous aimer.
(Dans l'Eucharistie maintenant va se renouveler ce don du Fils à son Père pour nous.)