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Pape François : excellente interview du Cardinal Danneels dans « La Libre »

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Enfin, un entretien intelligent avec de bonnes questions formulées par Bosco d’Otreppe. C’est dans la « Libre » d’aujourd’hui (extraits) :

Au moment d'élire le cardinal Bergoglio, vous attendiez-vous à un début de pontificat aussi surprenant ?

Je le connaissais un petit peu tout de même. J'ai appris à le connaitre lors du dernier conclave au cour duquel il s'était déjà affirmé comme un sérieux candidat dont on parlait beaucoup. Je lui ai parlé l'une ou l'autre fois, mais pas énormément. Je savais que c'était un homme d'une grande humilité, très simple. Cette année, son nom a émergé au fil des scrutins, et on le voyait donc venir. Cela reste un homme d'une grande simplicité et qui n'attache aucune importance à sa propre personne, a son prestige, a ce que les gens vont penser ou les médias écrire. Il n’avait aucune ambition, il est donc resté lui-même.

Les gestes qu'il pose ne sont donc pas du show.

Non, vous pouvez être sûr que ce n'est pas quelqu'un qui joue au simple, il ne joue pas du tout, il en est incapable, ce n'est pas un acteur. Vous le voyez, devant la foule ces gestes sont encore très simples et il semble encore un peu gêné. En comparaison avec Jean-Paul II qui avait le sens d'animer une foule, ici il n'a aucune intention de faire l'acteur.

(…) Quand on le regarde parler avec ses gestes si simples on se dit tout de suite : « il en est convaincu, cela vient de son coeur, il ne joue pas ». Ce qu'il dit colle à sa peau. C'est son grand atout d'être lui même, de ne pas jouer un rôle. Son homélie de ce dimanche et son angélus furent très simples, il n'y avait pas beaucoup de théologie là dedans. Il est tout proche du peuple, il se montre père et bon pasteur. J'espère qu'il pourra tenir comme ça parce que cela ne m'étonnerait pas qu'on le pousse un peu dans un autre rôle, et qu'on lui demande de jouer au Pape.

Qui pourrait le pousser à jouer un autre rôle, et quel rôle ?

Vous savez, il entre dans une institution dans laquelle même inconsciemment certains pourraient le pousser à jouer au Pape, à prendre une posture, une manière de parler qui ne serait pas la sienne. Or, le Pape c'est lui, ce n'est pas lui qui devient Pape. (…)

Plus ancien des cardinaux prêtres, vous étiez sur la loggia de la basilique très proche du Pape le soir de son élection. Qu'avez-vous ressenti ?

C'est un cadeau du ciel d'avoir pu me retrouver là. Devant une telle foule, on sent quelque chose d'unique. Je n'avais jamais vu une foule comme ça. Cela m'a fort marqué.(…)

Beaucoup ont été troublés par la renonciation de Benoit XVI. Celle-ci, couplée avec les gestes inédits de simplicité et de proximité que pose François, donne-t-elle une nouvelle vision de ce qu'est la papauté ?

Ils ne donnent pas une nouvelle image, mais Benoit XVI nous a rappelé que la papauté ne colle pas à la personne; c'est un ministère que l'on prend sur les épaules. Le Pape n'est ni un surhomme ni une figure héroïque. C'est un homme normal qui porte sur ses épaules une vocation surhumaine.

La renonciation, c'est l'avenir ?

Je ne pense pas que tous les papes doivent le faire, car il faut des raisons très sérieuses. Mais les hommes vivant de plus en plus longtemps, ce n'est pas exclu que cela se reproduise. Benoit XVI a posé un geste moralement très louable, car il savait qu'il ne pouvait plus faire avancer l'Église. Pour autant, j'ai été surpris, je ne m'y attendais pas.

Entre Jean-Paul II et Benoit XVI, les choix contradictoires face à la fatigue ont troublé de nombreux catholiques.

Ce sont deux choix possibles et acceptables. Jean-Paul II montrait qu'il était un homme comme tous les autres qui portait sa souffrance pour l'Église. C'est un motif très valable. Mais un autre motif qui est tout autant valable est de dire « je vais nuire à l'Église si je continue d'être Pape, car je ne suis plus capable de le faire ». Ils illustrent à chaque fois deux choses différentes. La valeur de la souffrance et l'humilité de quelqu'un qui dit « Seigneur je n'en peux plus ». (…)

Que sera François et que n'a pas été Benoit XVI ? Un Pape qui s'adresse au monde alors que Benoit XVI s'adressait d'abord aux catholiques ? C'est ce que certains pronostiquent.

Oui un peu. Mais n'oublions pas le cadeau énorme que nous a apporté Benoit : ses écrits. Ici ce ne sont pas ses écrits qui vont faire le pontificat François, mais sa personne en tant que telle. Dieu donne toujours le Pape qu'il faut au moment adéquat. (…)

Pour revenir à notre Église belge qui chemine dans une société sécularisée, comment envisagez-vous concrètement sa place, comment peut-elle devenir « sel de la terre » pour reprendre une parole de l'Évangile ?

Par l'authenticité dans l'imitation du Christ. Si nous étions plus conformes à ce que le Christ de l'Évangile était, on s'imposerait automatiquement à la société. Mais c'est parce que nous ne donnons pas l'image du Christ de façon suffisamment claire que quand la société nous regarde elle pense à autre chose : à une institution, à du pouvoir à la richesse... Il est essentiel que nous entamions une conversion intérieure pour devenir plus semblables au Christ. Le monde nous regardera alors différemment. Regardez le Pape, quand on l'observe on ne pense pas à l'empereur romain, mais à la petitesse du Christ et à la pauvreté de Saint François d'Assise.

 

(…) l'Église a-t-elle encore les moyens de dialoguer avec ses contemporains, entendre leurs doutes, leurs questions, les réalités qu'ils vivent ?

L'ouverture au monde et à la culture est nécessaire. Mais il faut faire œuvre de discernement. Tout n'est pas bon dans le monde ou la culture. Que peut-on retenir du monde, et que peut-on ne pas y retenir ? N'oublions pas que l'Église n'est pas du monde, mais dans le monde. Il y aura toujours des choses que nous devrons refuser. Annonçons donc clairement la foi en sachant que c'est le ton qui fait la chanson. Il y a la vérité et la façon de la dire, et on a trop souvent raté cet objectif. Il nous faut dire les choses non pas comme un juge, mais avec plus d'humilité et de compassion pour le monde et l'humanité.

Tout l’article ici : Cardinal Danneels: "Ce Pape ne fera pas l'acteur !"

Commentaires

  • Oui, décidément il semble se confirmer que monsieur Bruno d’Otreppe est une bouffée d'air frais et d'intelligence dans le paysage médiatique belge. Les articles de sa plume que j'ai eu l'occasion de lire depuis le "renoncement" de Benoît XVI, sont assez équilibrés et justes. On est bien au-dessus du niveau de monsieur Christian Laporte.

    Belle journée à tous,

    F.Willems

  • Tout-à-fait de votre avis, Francis Willems!

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