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Le vrai génie du christianisme

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41q0+9eALfL._.jpgLu sur Boulevard Voltaire (Jean-Claude Lauret):

Le vrai génie du christianisme, de Jean-Louis Harouel

Cet ouvrage est dédicacé « À la mémoire du grand économiste Jean Fourastié, qui a montré le lien entre christianisme et invention du développement économique par les Européens ».

Jean-Louis Harouel, professeur à Paris II, spécialiste de la sociologie de la culture, fin connaisseur de l’œuvre de Fourastié, reprend cette idée. Partant de cet énoncé, il développe son propos et se lance dans une analyse subtile et quelque peu provocante pour de nombreux chrétiens marchant les yeux levés vers le ciel et affichant souvent un solide mépris pour les données économiques qui régissent leur bas monde.

L’analyse de cet auteur est d’une simplicité biblique, si l’on ose ce clin d’œil. La séparation du religieux et du politique, l’écart radical distinguant entre le spirituel et le temporel a déjà été remarqué avec pertinence par Fustel de Coulanges dans son livre La Cité antique, publié en 1864. Il fallut du temps, au début du christianisme, pour que cette césure apparaisse être une vérité d’évangile.

Puis vint saint Augustin, le plus célèbre des pères de l’Église latine. En ce Ve siècle, l’évêque d’Hippone cherche à concilier le dogme chrétien avec le platonicisme. Dans « La Cité de Dieu », il formule l’idée véritablement révolutionnaire de la séparation de deux États radicalement inconciliables. « Mon royaume n’est pas de ce monde », affirme Jésus. « Il faut rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu », commente saint Augustin. Cette séparation entre deux conceptions de deux univers radicalement opposés connut bien des résistances : au royaume de Dieu, l’Être échappait au groupe contrôlé par le politique.

Cette conception théologique se différenciait radicalement des autres religions du Livre qu’étaient le judaïsme et l’islam. En effet, elles imposaient la suprématie absolue du divin sur l’acte politique, lequel ne pouvait s’exercer que dans la stricte observance des règles édictées par leurs règles sacrées. Le christianisme s’inscrivait dans le bas monde par ses prises de conscience, ses conceptions sociales, économiques, ses découvertes techniques et scientifiques, lesquelles créaient une béance infranchissable avec les zélateurs des autres monothéismes. L’individu était en train de naître. Une senteur de libre arbitre flottait dans l’air. Le révolutionnaire, l’agnostique, l’athée étaient en gestation.

Jean-Louis Harouel développe une analyse argumentée de toutes les résistances, quand des pouvoirs ou des assemblées refusant cette séparation des deux mondes veulent au contraire voir sa confusion et la réalisation, sur cette basse terre, du paradis terrestre.

Voici le temps des millénaristes, quand le Christ réapparaîtra sur Terre pour régner pendant mille ans, c’est-à-dire pour l’éternité. L’individu, emporté par un dualisme radical opposant le Haut et le Bas, devient Prométhée. Il est l’initiateur de la civilisation et le créateur de l’inventivité occidentale. Avec une assurance paisible, Jean-Louis Harouel soutient que le vrai génie du christianisme a donc consisté à favoriser la naissance de l’individu, lequel a inventé, chemin faisant, la liberté.

Aujourd’hui, la tendance est au retour à la confusion du temporel et de l’idéologie. Des politiques-missionnaires affirment leurs convictions messianiques, ils prêchent la religion des droits de l’homme, la solidarité et le devoir de sauver la planète.

Avec ce livre serein, même s’il peut paraître provocant à des lecteurs hâtifs emportés par leur vision dogmatique du monde, Jean-Louis Harouel nous invite à une passionnante réflexion sur notre univers culturel. Un véritable régal quand la pertinence de l’analyse a rendez-vous avec la connaissance de la lente évolution, à travers l’histoire, des mentalités et des croyances.

Le vrai génie du Christianisme : Laïcité, Liberté, Développement

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