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Non, Jorge Mario Bergoglio n'est pas Carlo Maria Martini

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Certains se sont risqués à voir dans le pape François un émule du cardinal Martini, au point d'écrire : "Martini pape. Le rêve est devenu réalité". 

Le Professeur Alessandro Martinetti, un disciple du philosophe Gustavo Bontadini et spécialiste en métaphysique, réagit de la façon suivante (ICI) (traduit de l'italien par nos soins): 

Martini et Bergoglio. Voici où ils divergent 

Bergoglio et Martini très similaires ? Sans doute, mais aussi très différents. Si l’on pense combien ils divergent sur des questions très délicates et très brûlantes aussi pour l'Eglise, comme la reconnaissance juridique des unions homosexuelles et la dépénalisation de l'avortement.

Alors qu'en Argentine le clash s’est produit à propos du projet de loi qui visait à légaliser ce qu'on appelle les « mariages » entre personnes homosexuelles, et qu’à ces dernières le droit à l’adoption serait reconnu, l'archevêque de Buenos Aires a fait lire ce message à toutes les messes le dimanche 11 juillet 2010 :

« C’est à l’autorité publique qu’il appartient de protéger le mariage entre un homme et une femme par le biais de la reconnaissance juridique, afin d'assurer et de promouvoir son rôle irremplaçable et sa contribution au bien commun de la société.

« Tandis que si elle accordait une reconnaissance juridique à l'union entre personnes du même sexe, ou si elle leur garantissait un statut juridique similaire au mariage et à la famille, l'état agirait de façon illégitime et irait à l'encontre de ses propres obligations institutionnelles, en altérant les principes du droit naturel et de l’ordre public de la société argentine.

« Les situations juridiques des intérêts réciproques entre personnes du même sexe peuvent être suffisamment protégées par le droit commun. Par conséquent, ce serait une discrimination injuste à l’égard du mariage et de la famille que de donner au fait privé de l’union entre personnes de même sexe un statut de droit public. Nous faisons appel à la conscience de nos législateurs afin que, face à une question aussi grave, ils tiennent compte de ces vérités fondamentales, pour le bien de la patrie et de ses générations futures ».

Sur la même question, en revanche, dialoguant avec le médecin et politicien Ignazio Marino, aujourd’hui maire de Rome, le Cardinal Martini affirmait :

« Il n'est pas mauvais, au lieu de relations homosexuelles occasionnelles, que deux personnes aient une certaine stabilité et donc, en ce sens, l'État pourrait également le favoriser. Je ne partage pas les positions de ceux qui, dans l'Eglise, sont en désaccord avec les unions civiles. Je soutiens le mariage traditionnel avec toutes ses valeurs et je suis persuadé qu’elles ne devraient pas être remises en question. Mais si certaines personnes, de sexe différent ou de même sexe, veulent signer un contrat pour donner une certaine stabilité de leur couple, pourquoi n’en voudrions-nous absolument pas ? Je pense que le couple homosexuel, en tant que tel, ne pourra jamais être assimilé en tout point au mariage, et d'autre part je ne crois pas que le couple hétérosexuel et le mariage doivent être défendus ou étayés avec des moyens extraordinaires, car ils s'appuient sur des valeurs tellement fortes qu’il ne me semble pas qu’une intervention soit nécessaire pour les protéger. Pour la même raison, si l'État fait quelques concessions au bénéfice des homosexuels, je ne m’y opposerais pas trop. L'Eglise catholique, de son côté, favorise les unions qui sont favorables au maintien de l'espèce humaine et à sa stabilité, et pourtant il n'est pas juste de soutenir une discrimination à l’égard d’autres types d'unions ».

Les mots parlent d'eux-mêmes : la position de Bergoglio est nettement divergente de celle du Cardinal Martini et coïncide parfaitement avec l’énoncé de la Congrégation pour la doctrine de la foi :

« Face à la reconnaissance légale des unions homosexuelles, ou à une équivalence légale de ces unions avec le mariage permettant le même accès aux droits qui sont propres à ce dernier, il convient de s'opposer de façon claire et décisive. On doit s’abstenir de toute forme de coopération formelle à la promulgation ou à l’application de lois si grossièrement injustes et, dans la mesure où c’est possible, de toute coopération matérielle au niveau de leur application. Dans ce domaine, chacun peut revendiquer le droit à l'objection de conscience.

 

« Ils [les membres des unions de fait] peuvent toujours avoir recours – comme tous les citoyens sur la base de leur autonomie privée – au droit commun pour protéger des situations juridiques d'intérêt commun. » (Congrégation pour la doctrine de la foi, « considérations sur les projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles », 3 juin 2003, nos 5 et 9).

Bergoglio, en outre, est fermement opposé à la légalisation de l'avortement, comme il l'a démontré sans équivoque avec ses initiatives dans son pays, se distinguant par son opposition inflexible à toute hypothèse de dépénalisation.

En Argentine, l'avortement est illégal, sauf en cas de risque avéré pour la vie de la femme enceinte et dans le cas où la conception implique une femme mentalement handicapée et dérive de violences sexuelles. En 2012, le Parlement de la ville de Buenos Aires (fort d’une déclaration litigieuse de la cour suprême de l’état) a tenté d'introduire une dépénalisation plus large, approuvant une loi sur ce qu'on appelle des "avortements non punissables" qui fut bloquée ensuite par un veto du maire de la ville. L'opposition de celui qui était alors archevêque de Buenos Aires et président de la Conférence épiscopale d’Argentine fut extrêmement vigoureuse et très claire.

Le 10 septembre, le Cardinal Bergoglio a fait diffuser ce communiqué de presse (« Sur la résolution à propos des avortements non punissables dans la cité de Buenos Aires ") :

« En ce qui concerne le règlement des cas d'avortement non punissables par les autorités administratives de la ville de Buenos Aires, nous constatons une fois de plus la volonté délibérée de persévérer sur la voie de la limitation et de l'élimination de la valeur suprême de la vie, et du désir d'ignorer le droit des enfants à naître. Face à une femme enceinte, nous devons toujours parler de deux vies, lesquelles doivent toutes deux être préservées et respectées, car la vie est une valeur absolue.

« La science biologique indique clairement par le biais de l'ADN, la séquence du génome humain, que, dès la conception, il y a une nouvelle vie humaine qui doit être protégée juridiquement. Le droit à la vie est un droit humain fondamental.

« L'avortement n'est jamais une solution. Il faut l'écoute, la proximité et la compréhension de notre part pour sauver toutes les deux vies : respecter l'être humain plus petit et sans défense, prendre toutes les mesures qui puissent préserver sa vie, permettre sa naissance et, en outre, faire preuve de créativité pour trouver des moyens de rendre possible son plein développement.

« Cette décision administrative qui élargit les hypothèses de dépénalisation de l'avortement, cédant à des pressions indues de la Cour suprême nationale – laquelle, par ailleurs, a repoussée au-delà de leurs limites leurs propres compétences en violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs et des prérogatives fédérales – entraîne des conséquences de nature juridique, culturelle et éthique, puisque les lois impactent la culture d'un peuple, et une législation qui ne protège pas la vie favorise une culture de mort.

« Face à cette décision regrettable, nous lançons un appel à toutes les parties concernées, aux fidèles et aux citoyens, afin que, dans un climat de très grand respect, soient adoptés des mesures positives pour la promotion et la protection de la mère et son enfant dans tous les cas, toujours en faveur du droit à la vie humaine ».

En revanche, dans un autre entretien, toujours avec Marino, le Cardinal Martini faisait montre d’une certaine indulgence à l’égard de certaines formes de dépénalisation de l'avortement :

« Il me semble que même sur un sujet douloureux, comme celui de l'avortement (qui, comme vous le dites, est toujours une défaite) il est difficile qu’un Etat moderne n’intervienne pas au moins pour empêcher une situation sauvage et arbitraire. Et il me semble difficile que, dans des situations comme les nôtres, l'État ne puisse pas demander qu'une différence ne soit pas établie entre les actes punissables au plan pénal et des actes qu’il ne convient pas de poursuivre pénalement. Cela ne signifie pas du tout « licence pour tuer », mais seulement que l'État ne se sent pas prêt à intervenir dans tous les cas possibles, mais s'efforce de diminuer les avortements, de les empêcher par tous les moyens surtout après un certain temps après le début de la grossesse, et s'emploie à réduire autant que possible les causes de l'avortement et à exiger des précautions parce que la femme qui décide de faire cet acte, en particulier dans des délais qui ne sont pas punissables par la Loi, n'en ressorte gravement endommagée physiquement jusqu’à se mettre en péril de mort ».

À cet égard encore, la nette différence de posture et de convictions entre Bergoglio et Martini est évidente. Leurs paroles respectives sont éloquentes et se passent d’éclaircissements supplémentaires.

Commentaires

  • Ce Martini-là n'est pas du tout bianco, il est plutôt rosso ... et imbuvable.

  • … ce qui n’empêche pas François de parler à Scalfari, qui l’interviewait pour la « Repubblica », de Carlo Maria Martini, comme de quelqu’un « que ,vous et moi, apprécions beaucoup ». Peut-être pas sur les mêmes points. Mais cela n’est pas précisé, malheureusement, dans cet entretien si convivial.

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