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Qu’est-ce que le fondamentalisme ?

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Le site « Benoît et moi » publie un inédit du cardinal Bergoglio, aujourd’hui pape François sur la vraie nature du fondamentalisme :

« Le fait que tout au long de l'histoire se soient multipliés - et continuent à se multiplier encore aujourd'hui - les fondamentalismes, saute aux yeux. 
En substance, il s'agit de systèmes de pensée et de conduite absolument momifiés, qui servent de refuge. Le fondamentalisme s'organise à partir de la rigidité d'une pensée unique, à l'intérieur de laquelle la personne se protège des instances déstabilisantes (et des crises) en échange d'un certain quiétisme existentiel. Le fondamentalisme n'admet pas de nuances, ni de doutes, tout simplement parce qu'il a peur et - dans la pratique - peur de la vérité. Celui qui se réfugie dans le fondamentalisme est quelqu'un qui a peur de se mettre en chemin pour chercher la vérité. Déjà, il «possède» la vérité, il l'a déjà acquise et instrumentalisée comme moyen de défense; c'est pourquoi il vit toute discussion comme une agression personnelle.

Notre relation avec la vérité n'est pas statique, puisque la Vérité suprême est infinie et peut toujours être mieux connue; il est toujours possible de s'immerger davantage dans ses profondeurs. Aux chrétiens, l'apôtre Pierre demande d'être prêts à «rendre compte» de leur espérance; cela signifie que la vérité sur laquelle nous fondons l'existence doit s'ouvrir au dialogue, aux difficultés que d'autres nous montrent ou que des circonstances nous désignent. La vérité est toujours «raisonnable», même au cas où je ne le suis pas, et le défi est de rester ouvert au point de vue de l'autre, sans faire de nos convictions un tout immobile. 

Dialogue ne signifie pas relativisme, mais «logos» que l'on partage, raison qui s'offre dans l'amour, pour construire ensemble une réalité toujours plus libératrice. Dans ce cercle vertueux, le dialogue révèle la vérité, et la vérité se nourrit du dialogue. L'écoute attentive, le silence respectueux, l'empathie sincère, se mettre authentiquement à la disposition des étrangers et de l'autre, sont des vertus essentielles à cultiver et à transmettre dans le monde d'aujourd'hui. Dieu lui-même nous invite au dialogue, il nous appelle et nous invite à travers sa Parole, cette Parole qui a abandonné tout nid, tout abri, pour se faire homme.

Ainsi apparaissent les trois dimensions dialogiques, intimement liées: une entre la personne et Dieu - ce que les chrétiens appellent la prière -, une des êtres humains entre eux, et une troisième, de dialogue avec nous-mêmes. A travers ces trois dimensions, la vérité grandit, se consolide, se dilate dans le temps. 

A ce stade, nous devons nous demander: qu'entendons-nous par vérité? Chercher la vérité est différent de trouver des formules pour la posséder et la manipuler à sa guise. 

Le chemin de la recherche engage la totalité de la personne et de l'existence. C'est un chemin qui, fondamentalement, implique l'humilité. Avec la pleine conviction que personne ne se suffit à lui-même et qu'il est déshumanisant d'utiliser les autres comme moyen de se suffire à soi-même, la recherche de la vérité entreprend ce chemin ardu, souvent artisanalement, d'un cœur humble qui refuse d'étancher sa soif avec des eaux stagnantes. 

La «possession» de la vérité de type fondamentaliste manque d'humilité: elle prétend s'imposer sur les autres avec un geste qui, en soi, s'avère autodifensif. La recherche de la vérité n'apaise pas la soif qu'elle suscite. La conscience de la «sage ignorance» nous fait recommencer constamment le chemin. Une «ignorance sage» qui, avec l'expérience de la vie, devient «docte». Nous pouvons dire sans crainte que la vérité, on ne l'a pas, on ne la possède pas: on la rencontre. Pour pouvoir être désirée, elle doit cesser d'être ce que l'on peut posséder. La vérité s'ouvre, se révèle à ceux qui - à leur tour - s'ouvrent à elle. Le mot vérité, précisément dans son acceptation grecque d''aletheia', indique ce qui se manifeste, ce qui se dévoile, ce qui se révèle à travers une apparition miraculeuse et gratuite. Le sens hébraïque, au contraire, par le terme 'emet', allie le sens de vrai à celui de certain, ferme, qui ne ment ni ne trompe. La vérité, donc, a une double connotation: elle est la manifestation de l'essence des choses et des personnes, qui en ouvrant leur intimité nous offre la certitude de leur authenticité, la preuve fiables qui nous invite à croire en elles. 

Cette certitude est humble, parce que tout simplement elle «laisse être» l'autre dans sa manifestation, et ne le soumet pas à nos exigences ou impositions. C'est la première justice que nous devons aux autres et à nous-mêmes: accepter la vérité de ce que nous sommes, dire la vérité de ce que nous pensons. En outre, c'est un acte d'amour. On ne construit rien en taisant ou en niant la vérité. Notre douloureuse histoire politique a prétendu de nombreuses fois la bâillonner. Très souvent, l'utilisation d'euphémismes verbaux nous a anesthésiés ou endormis devant elle. Il est maintenant temps de réunir, de jumeler la vérité qui doit être prophétiquement proclamée, avec une justice authentiquement restaurée. La justice ne jaillit que quand on appelle par leur nom les circonstances dans lesquelles nous sommes trompés et trahis dans notre destin historique. Et ce faisant, nous accomplissons l'un des principaux services de responsabilité pour les générations futures. 

La vérité ne se rencontre jamais seule. Avec elle, il y a la bonté et la beauté. Ou plutôt la Vérité est bonne et belle. «Une vérité qui n'est pas entièrement bonne cache toujours une bonté qui n'est pas vraie», a dit un penseur argentin. J'insiste: les trois choses vont ensemble et il n'est pas possible de chercher ni de trouver l'une sans l'autre. Une réalité très différente de la simple «possession de la vérité» revendiquée par les fondamentalismes: ceux-ci prennent toujours pour valides les formules en elles-mêmes et pour elles-mêmes, dépourvues de bonté et de beauté, et cherchent à s'imposer d'autres avec agressivité et violence, faisant le mal et conspirant contre la vie elle-même. »

 

Réf. http://benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/un-inedit-du-cardinal-bergoglio-.html

Posséder la Vérité ou se laisser habiter par Elle :  le discernement est parfois bien difficile à faire. Il y a en effet beaucoup de fondamentalistes qui s’ignorent, y compris parmi ceux qui se déclarent perpétuellement en recherche…

JPSC

Commentaires

  • On pourrait peut-être regarder aussi les risques énormes entraînés par le fondamentalisme en matière religieuse. Il me semble que les musulmans avec leur Coran, comme les protestants avec leur Bible, ont été entraînés dans une même sorte de fondamentalisme religieux, en professant « seulement le Coran » ou « seulement la Bible ». Dans le sens où, si l'on apprend par cœur ce qu'il y a dans les livres du Coran ou de la Bible, on serait parfait, on saurait tout, on détiendrait la Vérité, et on recevrait les grâces de Allah ou de Dieu en récompense.
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    Lorsqu'un Émir arabe prit d'assaut Alexandrie et que la grande bibliothèque fut incendiée, il aurait dit : « Si ces livres contenaient ce qu'il y a dans le Coran, nous avons celui-ci. Et s'ils contenaient autre chose, il est bon qu'ils soient brûlés ». C'est ce que répètent encore aujourd'hui les islamistes de « Boko haram » (book – livre occidental - impur). Ils disent que tout livre occidental doit être brûlé. Les seuls livres qui leur suffisent, sont ceux qui forment le Coran.
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    En pratiquant ce type de fondamentalisme religieux, on en arrive donc à se croire détenteur de la Vérité sur la Création et son Créateur, rien qu'en possédant des livres et en les ayant appris par cœur. Mais cela revient à diviniser ou idolâtrer des livres créés de mains d'homme. On tombe donc en plein paganisme. Mais c'est aussi se croire devenu égal au Créateur, ce qui est la plus diabolique des hérésies, quasiment le péché d'orgueil originel. En outre, avec cette hérésie, il ne faut plus grand chose pour basculer dans la croyance en la non nécessité d'un Créateur, puisqu'on détient soi-même toute la Vérité sur la Création.
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    Ou alors, lorsque des esprits critiques trouveront des choses parfaitement infondées ou déraisonnables dans ces livres, la situation de ces fondamentalistes deviendra intenable, comme on le voit avec les 'créationnistes' musulmans ou protestants, pour le contenu du livre de la Genèse (de la Création). En professant « le Coran seul » ou « la Bible seule », ces fondamentalistes auront donc 'réussi' à ce que pas mal de gens ne croient plus à aucun de leurs livres et ne croient donc plus au Créateur dont leur parlent ces livres.

  • Définition du mot "fondamentalisme" par le Larousse:
    "Tendance de certains adeptes d'une religion quelconque à revenir à ce qu'ils considèrent comme fondamental, originel."

    Très évocateur...

    De même que pour le mot "mariage", le Larousse s'est mis à rajouter d'autres définitions à ce mot pour s'adapter aux récupérations idéologiques qui en sont faites. Pour travestir la réalité, enfumer les esprits, et inverser les valeurs, on commence par changer le sens des mots.

  • @ phil ... Dans l'ATILF, on ne trouve même pas mention de ce mot 'fondamentalisme', sauf dans une citation relative au mot 'littéralisme' :
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    Littéralisme, subst. masc. Lecture, système d'interprétation littérale d'un texte, de la Bible en particulier. « On peut signaler au sein du protestantisme deux déviations : l'une qui est celle du littéralisme et du fondamentalisme (...); l'autre, celle du libéralisme extrême » (Philos., Relig., 1957, p. 50-06).
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    Par contre, on trouve un mot 'fondamentaliste' qui désigne ceux qui font de la recherche fondamentale (par opposition à la recherche appliquée) :
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    Fondamentaliste, adj. et subst. (Scientifique) qui se livre à la recherche fondamentale. Le sentiment de frustration ressenti par certains scientifiques s'exprime en termes plus généraux qui opposent souvent chercheurs fondamentalistes et appliqués (RECHE, 7304 no 33, p. 314 ds Clé mots). 
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    Pas sûr que ça clarifie très fort la question. En recherchant la signification du mot 'fondamentalisme', faisons-nous de la recherche fondamentale ou appliquée ? :=))

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