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Quand Koz s'adresse à une Association des Maires de France "désespérante d'aveuglement et d'idéologie"

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Adresse à l’Association des Maires d’une drôle de France

by Koz

Il y aura toujours deux types de réponse aux événements que nous avons connus en janvier et la semaine dernière, et que nous connaîtrons encore. Ne m'en veuillez pas de ne ménager aucun suspense : entre les deux, je préfère la mienne à la réponse illusoire et idéologique qu'est l'autre. Elle ne nous surprend pas : il a déjà fallu lui répondre en février dernier.

Elle est illusoire parce qu'elle s'imagine pouvoir éradiquer le sentiment religieux du cœur de l'Homme. On peut l'estimer erroné, mais ceux qui pensent l'éradiquer poursuivent une chimère. Elle est idéologique, parce qu'elle postule la supériorité d'une option philosophique et/ou spirituelle sur une autre. On me répondra qu'il n'en est rien, qu'il est seulement question de garder les convictions religieuses dans la fameuse sphère privée. C'est évidemment au mieux une hypocrisie, au pire un mensonge délibéré : quand une option a le droit de s'exprimer publiquement tandis que l'autre devait être tue, c'est bien que l'on accorde une supériorité à la première. Il n'est plus question ici d'une quelconque neutralité, mais bien d'un parti pris, qui nous éloigne radicalement de l'esprit allégué de la laïcité.

Votre association, des Maires de France, a présenté ce 18 novembre un vade-mecum sur la laïcité désespérant d'aveuglement et d'idéologie.

Ainsi faites-vous preuve d'un manque historique de sens de l'à-propos en réclamant une loi, une seule, sur cet enjeu évident et la menace éminente auxquels le pays fait face : la présence de crèches dans les mairies. Tant pis si la loi de 1905 dit déjà tout sur ce sujet, l'existence de jurisprudences divergentes vous est insupportable.

 

Ainsi faites-vous montre d'une sidérante incapacité à comprendre la France, son identité et la nécessité de faire aimer et partager son héritage et sa culture. Votre vade-mecum exige ainsi qu'"équilibre et diversité" soient respectés dans une programmation culturelle qui - apprécions la formulation - "comporte des moments artistiques à connotation religieuse". Non seulement vous voilà engagés dans la sujétion de l'art aux objectifs politiques, mais vous ne parlez même plus d'expression de convictions religieuses : vous entendez régir les "connotations religieuses". Ainsi donc, à titre d'exemple, celui qui propose une messe de la passion de Bach se voit enjoindre à programmer pareillement un concert de musique orientale. Sauf à considérer que le respect de l'équilibre passerait par la juste prise en compte de la contribution artistique européenne d'inspiration chrétienne à travers les siècles et donc une présence significativement supérieure, cela promet une recrudescence de concerts de musique orientale dans les mairies françaises. Au demeurant, s'il s'agit vraiment d'assurer l'équilibre des "moments artistiques à connotation religieuse", on ne peut que vous conseiller, petits génies de la laïcité, de vous rencarder sérieusement sur le statut de la musique et de la représentation figurée en islam.

A droit constant, il est certes difficile de reconnaître la place incomparable du christianisme en France, par rapport aux autres religions. On peut toutefois rappeler que la discrimination consiste tout autant à traiter différemment des situations identiques qu'à traiter identiquement des situations différentes. Traiter à l'identique l'expression artistique chrétienne et l'expression artistique musulmane en France est ainsi de la discrimination et, MM. Baroin et Laigniel, vous conviendrez que ce serait bien peu républicain.

Il est inquiétant de voir comme l'Association des Maires de France sacrifie ainsi la réalité même de la culture française, de l'identité du pays, au petit bout de la lorgnette dont elle a choisi de s'affubler, car ce n'est pas en diluant l'âme de la France que l'on apportera une réponse convenable aux attentats. Il est inquiétant de voir comme vous relancez un affrontement inutile dans une France qui réclame l'union à corps et à cris.

Ce vade-mecum est inquiétant par la suspicion généralisée dans laquelle il tient les religions (allant jusqu'à juger "inenvisageable" le bien pâle menu végétarien). Il répond à cette tentation obscure de créer un Homme nouveau propre à tous les idéologues. Mais nul n'empêchera jamais des Hommes, s'interrogeant sur le sens et l'intérêt de leur vie, sur l'existence éventuelle d'un après, de penser qu'il y a peut-être une présence divine. Il n'appartient pas, en tout état de cause, à la République de trancher cette interrogation, mais de le prendre en compte.

Ma lecture en cours de Jihadistes français, de David Thomson, renforce en moi le sentiment d'urgence. Je lis avec une vraie tristesse le parcours de ces jeunes français, parfois convertis, qui donnent une mauvaise réponse à un questionnement métaphysique qu'ils ont au moins, eux, le mérite de porter. Le foot, les Nike et l'iPhone ne comblent pas leurs aspirations. Mais l'on n'offre plus rien qui puisse les satisfaire. Le vivre-ensemble, la laïcité et les bien évanescentes "valeurs de la République" ne peuvent plus guère les combler, surtout quand la méritocratie si républicaine leur paraît bien fallacieuse. Certes, il faudrait espérer que la France soit en mesure d'offrir un projet laïc commun, un idéal républicain effectif et consistant, mais il reste profondément malvenu de viser ainsi toutes les spiritualités.

Il est également foncièrement erroné de traiter globalement "les religions", dans un amalgame officiel assumé, comme si leur propos était indifférent. Considère-t-on que gaullisme et poujadisme se valent bien, que socialisme et trotskisme s'équivalent, que toutes les opinions politiques se confondent en une même masse que serait #LaPolitique, comme l'on traite par ailleurs #LaReligion ?! Il est au moins une foi qui a apporté une contribution éminente à la France, une foi qui combat la violence, qui prône explicitement l'amour du prochain comme son plus grand commandement après l'amour de Dieu, et auquel tout le reste est soumis. Lorsque l'enjeu devient très directement la vie ou la mort, et même si cela suppose d'affronter la doxa officielle, il est parfaitement  inenvisageable de tenir celée cette foi chrétienne, qui a forgé l'âme de la France.

Concluant le discours devant le Parlement européen à Strasbourg qui le vit ovationné debout, le pape François a lancé :

« Un auteur anonyme du IIème siècle a écrit que « les chrétiens représentent dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps ». Le rôle de l’âme est de soutenir le corps, d’en être la conscience et la mémoire historique. Et une histoire bimillénaire lie l’Europe et le christianisme. (...) Cette histoire, reste encore en grande partie, est encore à écrire. Elle est notre présent et aussi notre avenir. Elle est notre identité. »

Je ne la tairai pas.

*

Quant aux maires de France angoissés par votre document, il convient de les rassurer : ce vade-mecum n'est nullement contraignant. Il ne contient que des recommandations et, en bon Français, les recommandations, on s'assoit dessus.

Commentaires

  • Toutes les religions ont leurs fondamentalistes. La laïcité (dont le statut, en Belgique, est assimilé à celui des six cultes reconnus, contrairement à la France qui en a fait une sorte de religion d’Etat ) n’échappe pas à cette règle…

  • Aux frais de l’Église catholique uniquement d'ailleurs puisque c'est l'intérêt de son capital confisqué qui sert à payer tous ces imams, pasteurs, laïcards...

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