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Face au jihad, le boboïsme ne fait pas le poids

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L'équipe d'EEChO (Enjeux de l'Etude du Christianisme des Origines) commente les évènements de Bruxelles :

Bruxelles, 22 mars 2016 : l’écho du jihad

Le terrorisme jihadiste interpelle nos sociétés au plus profond. Saurons-nous l’appréhender en vérité ? La propagande radicale des islamistes exige une réponse radicale, à son niveau. Mais nos sociétés en semblent bien incapables …

EEChO a été parmi les premiers à dénoncer le terrorisme jihadiste en Syrie, dont sont victimes les chrétiens, la population et l’Etat syrien. Nous avons annoncé que les islamo-Européens engagés dans le jihad là-bas se retourneraient bientôt contre leur(s) pays quand ils y reviendraient (bulletin de mars 2013). Le fait que certains pays d’Europe aient collaboré avec le terrorisme anti-syrien ne les arrêtera jamais ; aucune gratitude n’est à attendre de groupes terroristes, nos responsables des grands médias ou des affaires publiques feraient bien de s’en souvenir – mais font-ils autre chose que s’agiter puis se conformer aux ordres qu’ils reçoivent, tout en prétendant « lutter contre le terrorisme » ?

Après les attentats de Paris (janvier et novembre 2015), ceux de Bruxelles, le 22 mars 2016, sont atrocement sanglants, même si il y aurait pu y avoir beaucoup plus de victimes encore, en particulier si la bombe dissimulée dans le métro avait explosé dans le tunnel plutôt qu’en arrivant à la station Maelbeek. En tout cas, cette station ne paraît pas avoir été choisie au hasard : elle se situe au cœur du quartier des institutions européennes. Autres circonstances troublantes : la deuxième cible, l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, représente elle aussi un lieu où passent de nombreux fonctionnaires internationaux, et les heures choisies pour les attentats sont celles précisément où ils arrivent à l’aéroport (8 h du matin) ou rejoignent ensuite leur bureau par le métro (une heure après).

Les raisons des attentats ?

On pense naturellement à une vengeance après l’arrestation, à Bruxelles le vendredi précédent, de Salah Abdeslam, impliqué dans les attentats de Paris. Possible. On y voit aussi une action de déstabilisation des dirigeants européens, qui ont déjà cédé à la Turquie islamiste du dictateur Erdogan tout ce qu’elle demandait, alors même que ce pays, avec d’autres, soutient activement les groupes terroristes, depuis 2013 selon le NY Timesvoire depuis plus longtemps encore.

Mais on ne comprendra ces actes qu’en considérant les facteurs déterminants du terrorisme :

 

  • l’existence d’une doctrine, d’un corpus idéologique, permettant de justifier le terrorisme (au nom d’un bien supérieur), que cette justification soit laïque, religieuse ou autre encore ;
  • l’existence de grands intérêts (Etats, groupes à visée de domination politique ou idéologique),  prêts à financer et/ou à armer des groupes et des actions terroristes en vue de se servir d’eux ;
  • l’existence de franges de population idéologiquement prêtes à soutenir ces groupes ou actions, voire à s’y engager.

Nos dirigeants ont-ils agi sur – contre – ces trois facteurs ? Rarement. L’action de la police et de la justice est entravée. Aucun commanditaire du terrorisme n’est en prison, ni n’a été privé de ses avoirs financiers (au contraire de certains Syriens et Russes qui, eux, combattent le terrorisme), et, historiquement, on a souvent vu que ceux que nos médias et dirigeants ont accusés d’être de ces commanditaires n’en étaient en fait pas (Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi). On n’en a pas moins mis en oeuvre les moyens pour les liquider sans états d’âme. Les vrais commanditaires, eux, sont reçus dans nos capitales avec tous les honneurs, quand ils n’organisent pas en Europe même leurs meetings politico-religieux sans être inquiétés.

Face à la « radicalisation », des puérilités ?

Quant à « l’islam radical » comme on dit maintenant, il se porte bien, merci. Sa propagande circule librement, rien n’est fait pour s’opposer à ses idées. Le comble en la matière a-t-il été atteint ? A la suite d’autres entités (comme l’Etat jordanien), la région de Bruxelles s’était mise en tête de produire des vidéos (30 fois 3 mn) pour « lutter contre la radicalisation » et avait offert 275 000 € à Ismaël Saidi, aidé par un belgo-marocain et un Belge islamisé, pour réaliser ce projet ; ceux-ci, découragés, ou pour d’autres raisons, avaient finalement renoncé

Cet islam radical se porte très bien, même : à Bruxelles, à Paris, en Tunisie, en Algérie, en Syrie, et ailleurs, on voit des jihadistes tuer et se faire tuer au nom d’un bien infiniment supérieur, celui du Salut. Leur salut personnel, bien sûr, avec la promesse du paradis, mais surtout la perspective du salut du monde auquel il croient ainsi concourir. Ils sont en effet persuadés de participer à l’éradication du mal de la terre en tuant les « infidèles » et en contribuant à l’instauration universelle des lois de l’islam. Voilà les sujets que devraient aborder en priorité d’éventuelles campagnes de « déradicalisation » – et non des puérilités comme le « c’est pas bien d’aller faire le jihad, Papa sera pas content » d’un dessin animé jordanien, ou les dangers des jeux vidéos (!) mis en avant par l’initiative gouvernementale française.

La propagande radicale des islamistes exige une réponse radicale, à son niveau. Elle manipule des espérances qui touchent aux ressorts les plus profonds de l’âme humaine. Pensons-nous vraiment que l’on puisse répondre à tel imam britannique radical, qui expliquait publiquement et très posément que les musulmans sont, par nature, des victimes innocentes et les non-musulmans des coupables qui ne méritent pas vraiment de vivre, par une vidéo sur les dangers de la réalité virtuelle pour les adolescents ? Les déclarations de cet imam, et de tant d’autres établis en Europe même, s’inscrivent dans un schéma de pensée cohérent et très séducteur. Elles sont très logiques si l’on croit vraiment, conformément à l’islam, que le salut du monde est en jeu. Nos gouvernants n’ont rien à répondre et opposer sur le fond : « [face au jihadisme] il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » tonitruait Manuel Valls début janvier 2016. Cette parfaite incarnation de la défaite de la pensée est gravissime. Car la violence justifiée ne se résume pas au seul jihadisme.

Rêves idéologiques et justifications de la violence

Le matin même des attentats de Bruxelles, un blogueur algérien émigré en France (depuis la guerre civile qui a ensanglanté son pays) puis au Royaume-Uni a mis en ligne cette vidéo-blog ; il y réagit à chaud aux événements (ses vidéos antérieures développent ces propos) :

Des sociétés [musulmanes] se sont transformées en sectes apocalyptiques (...) La société musulmane préfère ses dogmes à la vie de ses enfants.

Terrible constat de terrain, posé par celui qui a déjà vécu de près l’horreur jihadiste, il y a 30 ans, et qui ne cesse depuis d’interpeller les Occidentaux : les « dogmes » mêmes de l’islam sont à mettre en cause. Pour les plus fanatiques comme pour la croyance profonde de beaucoup, le salut du monde vaut tous les sacrifices. Une telle perspective écrase toute injonction de la morale naturelle. Le mal objectif que constitue pourtant la mort d’innocents est relativisé et s’y transforme même en bien dans la mesure où il contribuerait à faire avancer le projet de salut. Ravage de l’idéologie… Ce constat rejoint les recherches historiques du P. E-M Gallez sur les origines messianistes de l’islam. Mais le blogueur, incisif, poursuit l’analyse en renvoyant les Occidentaux à leurs propres chimères :

La société occidentale n'est pas si différente, elle a les mêmes démons, elle a aussi ses dogmes (...) Le jour où les Européens aimeront plus leurs enfants que leurs dogmes, ils commenceront à trouver une solution  (...) Les dogmes sont devenus des idoles devant lesquelles on s'agenouille (...) Ils sont devenus plus importants que le sang humain.

Ainsi, s’il existe une doctrine et un « projet jihadiste », appuyés par de grands intérêts et des franges de population prêtes à les soutenir, il nous faut être tout aussi lucides sur la doctrine et le « projet de l’Occident », eux aussi appuyés par de grands intérêts (d’autres ou les mêmes ?) et soutenus idéologiquement par certaines populations : ces attentats et leur contexte révèlent une troublante gémellité des sociétés musulmanes et occidentales. Le dogme de la « bienpensance européenne » obligatoire nous fait en effet rêver lui aussi d’un monde délivré du mal, sous l’aspect d’un monde de paix, fait de convivialité, de consommation heureuse et de dialogue des cultures. À ce dogme de foi laïciste, tout doit être sacrifié. Certains parlent de « boboïsme » pour qualifier ce qui ressemble bien à un « Royaume de Dieu » sans Dieu.

Objectivement, il ne s’agit de rien de moins que de sauver le monde de son mal, tout comme le veulent les jihadistes. Dans ce projet tout aussi séducteur que le leur, seule diffère la voie empruntée. Pour les uns comme pour les autres, il n’y a plus de morale qui tienne : la fin justifie tous les moyens. Espérant atteindre celle-ci, les dirigeants européens (et leurs électeurs ?) laissent les populations délibérément exposées aux atrocités du jihadisme que l’islam contient en germe. Traiter efficacement ce problème à la racine exigerait de renoncer au dogmatique projet de « dialogue des cultures », auquel on sacrifie tout à Bruxelles comme à Paris. On préférera s’enfoncer dans la voie de l’Etat policier pour forcer les franges réticentes à accepter la mise en oeuvre de ce « boboïsme », en déployant d’un autre côté des trésors de propagande subventionnée pour leur en faire accepter les contradictions : pour vivre « en paix » dans un « monde convivial », il faudrait y accepter l’autre tel quel, y compris lorsqu’il défend les pires sectarismes – qui portent tous les ferments de la violence, notamment contre les femmes et les chrétiens.

Eviter le piège dialectique et construire l’avenir

Des oppositions idéologiques existent certes entre le « boboïsme » et le jihadisme : le piège est de leur accorder plus d’importance qu’elles n’en méritent. Elles ne sont qu’accessoires dans la vaste pièce de théâtre médiatique qui nous est jouée. Les convergences de fond, elles, sont déterminantes : les « boboïstes » sont les premiers à aller manger dans la main des commanditaires du terrorisme, une main pleine de pétrodollars. Mais surtout : il existe un jeu de miroir dialectique entre le « boboïsme », qui recourt au terrorisme intellectuel et à l’Etat policier, et le jihadisme, qui recourt au terrorisme que l’on connaît – l’un ayant besoin de l’autre pour se justifier, en identifiant celui-ci à la figure du mal à éradiquer en vue du salut du monde. Voilà également ce qu’il faudrait dire aux jihadistes décervelés, qui n’imaginent pas qui ils servent, notamment lorsqu’ils partent en Syrie tuer des musulmans sunnites et s’y faire tuer : à qui cela profite-t-il ? Telle est l’autre question qui mériterait d’être posée…

Croire naïvement aux jeux d’opposition entre le « boboïsme » et le jihadisme, c’est tomber dans un piège qui ne conduira qu’à la répétition des épisodes de Bruxelles et Paris, à laquelle répondront l’affermissement de la « guerre contre le terrorisme » et la frénésie consumériste de la « génération Bataclan » (au « mode de vie hédoniste et urbain » revendiqué par Libération comme antidote au jihadisme…). Cet engrenage sans fin et maléfique entraîne le monde dans une montée aux extrêmes, vers une conflagration générale.

En sortir exigerait de considérer en vérité les présupposés idéologiques qui nous animent, de poser la question du mal et en particulier celle du salut du monde. Et d’écouter les chrétiens : ils s’échinent à clamer qu’on ne viendra pas à bout du mal qui accable ce monde avec des rêves idéologiques qui ne font qu’ajouter du mal au mal. Le sommet de tous les pièges, c’est précisément de rêver d’éradiquer le mal du monde. Car, si nous pouvons rendre celui-ci meilleur autour de nous (ce qui se passe là où les chrétiens ont de l’influence, en Orient comme en Occident), nous ne trierons jamais le bon grain de l’ivraie, comme Jésus l’a prévenu. Avons-nous retenu les leçons du 20e siècle ? Chaque tentative se solde immanquablement par l’arrachage du bon grain en même temps que l’ivraie, par le sacrifice de wagons entiers d’innocents aux idoles que représentent les perspectives de faux saluts. Encore faudrait-il que les chrétiens puissent porter cette parole : lorsqu’ils ne sont pas réduits au silence et persécutés à cause d’elles, ils sont si facilement séduits par ces fausses espérances.

Mais, le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

(Luc 18,8 – selon la version grecque)

Puissent toutes les victimes des attentats de Bruxelles n’être pas mortes pour rien.

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