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C’est en vertu du caractère unique des sacrements dans leur foi que les catholiques réclament la reprise de la messe le plus tôt possible

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De Bastien Lejeune sur le site de Valeurs Actuelles :

Messes interdites : pourquoi le cas du culte catholique est unique par essence

11/05/2020

La République laïque place toutes les religions sur un pied d’égalité : voilà donc ces dernières toutes confinées jusqu’au 2 juin. Mais dans le bras de fer avec le pouvoir, les catholiques veulent faire comprendre la spécificité de la messe par rapport aux autres cultes. 

La répartie cinglante de ce conseiller présidentiel résume à elle seule l’impasse dans laquelle se trouve l’Eglise de France. C’était il y a une quinzaine de jours, au moment où le Premier ministre avait annoncé que la messe ne pourrait être célébrée en public avant le 2 juin - il a entre-temps ouvert la porte à des célébrations publiques pour la Pentecôte. La grogne monte au sein de l’Eglise de France, plusieurs évêques critiquent ouvertement l’attitude de l’exécutif. Interrogé au sujet de cette « sainte colère » de l’épiscopat français, le familier du Palais de l’Elysée ne peut s’empêcher de faire remarquer que dans cette affaire, ce sont les catholiques qui posent problème : « Les représentants de l’islam, eux, sont très accommodants… » 

Comment comprendre que les catholiques exigent de pouvoir assister à la messe quand tous les autres cultes consentent sans difficulté au confinement ? Lors de la réunion en audioconférence réunissant le 21 avril dernier le président de la République et les représentants des religions, les catholiques furent isolés au moment de prôner le retour du culte public le 11 mai. L’Etat français, qui ne reconnait pas de spécificité au catholicisme, n’a aucune raison d’accorder un passe-droit : « La République laïque ne distingue pas, confirme le même conseiller, nous sommes en état d'urgence sanitaire, donc certaines libertés sont contraintes, pour tout le monde, sans distinction de religion. »

Le ministre des Cultes, Christophe Castaner, a tort...

Sauf que si les catholiques sont plus insistants que les autres, c’est que la messe est par nature différente des autres cultes subissant le confinement depuis huit semaines. « Si nous insistons tellement sur le caractère vital de la messe, c’est parce que nous y retrouvons le Christ ressuscité réellement présent », explique l’évêque de Montauban, Mgr Ginoux. L’explication théologique de la spécificité du culte catholique pourrait sembler hors de propos si le ministre de l’Intérieur n’avait pas lui-même tenté une sortie hasardeuse pour justifier la reprise du culte au 2 juin : « La prière se fait dans son rapport entre celui que l’on accompagne ou célèbre — chacun choisira le mot en fonction de sa religion — et soi-même, et n’a pas forcément besoin de lieux de rassemblements où l’on ferait courir un risque à l’ensemble de la communauté religieuse », expliquait-il doctement. Mais précisément, ce qu’avance Christophe Castaner est parfaitement faux dans le cas de la messe catholique. 

Si les choses sont si brouillonnes dans la tête du ministre des Cultes, peut-être faut-il apporter au débat quelques éléments de clarification sur le sens de la messe chez les catholiques. « Nous ne sommes pas là dans un simple rassemblement de croyants, une assemblée de prière, une rencontre de fidèles. Nous sommes l’Eglise vivante autour du Christ réellement présent, explique Mgr Ginoux. Ecoutons à chaque messe les paroles de Jésus prononcées par le célébrant : “Ceci est mon corps, prenez et mangez”, “ceci est mon sang, prenez et buvez”. A chaque messe s’accomplit le sacrifice non-sanglant du Christ. Le Christ donne ce corps qu’il a livré pour nous sur la croix, ce sang qu’il a versé pour nos péchés. Par son sacrifice ainsi renouvelé, le Christ unit à son offrande à son Père les joies, les peines, les actions de grâce que nous lui présentons. En même temps, nous recevons en nourriture le corps du ressuscité sous les apparences du pain et du vin. La nourriture que nous partageons, c’est le Christ lui-même :“Celui qui mange ma chair a la vie en lui” (St Jean 6, 54-56). Il nous unit à Lui et Il nous met en communion les uns avec les autres.» 

Pas un traitement de faveur, mais selon ses besoins

Le concile de Vatican II a défini l’Eucharistie comme étant « source et sommet de toute la vie chrétienne ». Depuis huit semaines, ce n’est donc pas seulement d’un « lieu de rassemblement » dont sont privés les chrétiens, mais bien de la « source » de leur vie. Dans l’évangile, Jésus dit aux juifs qui l’interrogent : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous ». Sans le prêtre, qui rend Dieu présent dans le pain et le vin, le catholique est privé de ce qui le fait vivre. 

Il ne s’agit donc pas pour les catholiques de réclamer un traitement de faveur, mais de demander que chaque religion soit traitée dans ce déconfinement selon ses besoins. Car hormis les églises orthodoxes qui ont la même approche sacramentelle que les catholiques, et les communautés chrétiennes non catholiques (anglicans, luthériens) qui croient en la présence réelle dans l’eucharistie malgré leur rupture de communion avec Rome, les autres religions n’accordent pas la même importance que les catholiques à la fréquentation de leur lieu de culte. « Les cinq piliers de l’islam, les obligations du croyant musulman sont d’abord la profession de foi (le plus important) puis la prière quotidienne (5 prières) la charité (l’aumône), le jeûne du ramadan et le pèlerinage à la Mecque », détaille Mgr Ginoux.

La présence à la mosquée pour les hommes à la prière et à l’enseignement du Coran le vendredi n’est pas dans les cinq obligations. De même, chez les juifs, « la religion tient une grande place dans la vie quotidienne avec la prière trois fois par jour, les bénédictions, les ablutions, les liturgies domestiques et particulièrement le shabbat. La Synagogue est, certes, lieu de prière et d’études de la Torah mais sa fréquentation n’est pas la première obligation ». C’est en vertu de ce caractère unique des sacrements dans leur foi que les catholiques réclament la reprise de la messe le plus tôt possible. 

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