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Chine : comment le régime de Pékin élimine les Ouïghours en réduisant massivement les naissances

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De  Laurence Defranoux sur le site de Libération :

Ouïghours : l’entrave aux naissances, un critère de génocide

La stérilisation forcée des Ouïghoures documentée par le chercheur Adrian Zenz pourrait enfin pousser les partenaires de Pékin à réagir.

En 2018, 80 % des stérilets posés en Chine le sont au Xinjiang, qui ne représente que 1,8 % de la population. En 2019, un canton planifie la stérilisation, en un an, de 34 % des femmes en âge de procréer. La même année, quatre préfectures rendent obligatoire un test de grossesse tous les quinze jours, et un autre canton décide que les femmes qui refusent d’interrompre une «grossesse illégale» seront envoyées en camps…

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En 28 pages, le chercheur allemand Adrian Zenz démontre à partir des données chinoises que l’Etat-Parti est engagé dans une campagne d’entrave aux naissances d’un groupe ethnique (1). Soit l’un des cinq critères de génocide comme défini par la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations unies de 1948.

Lavage de cerveau

Région de l’ouest de la Chine, le Xinjiang concentre quelque 25 millions d’habitants, pour moitié issus de minorités ethniques musulmanes. Or, depuis 2016, la courbe de naissances dans les cantons à majorité ouïghoure a chuté de manière vertigineuse, tandis que les cantons à majorité han (ethnie majoritaire en Chine) connaissaient des taux de croissance jusqu’à huit fois supérieurs.

Le sinologue avait été le premier à apporter les preuves de l’enfermement extrajudiciaire d’au moins 1,5 million de Ouïghours dans des camps de rééducation depuis avril 2017 sous prétexte de lutter contre «l’extrémisme», le «séparatisme» et le «terrorisme». Après avoir nié l’existence des camps, Pékin les a présentés en octobre 2018 comme des «centres de formation professionnelle», à grand renfort de propagande et de mises en scène similaires à celles organisées par les nazis à Dachau en 1934.

La suppression des naissances, pilotée au plus haut niveau à Pékin, a pour but de réduire le nombre de Ouïghours, qui «affaiblissent l’identité nationale et l’identification à la "nation-race chinoise"». Elle a été précédée par l’envoi massif de migrants hans alléchés par des logements et des terres gratuits. «Après avoir échoué à siniser la région de manière pacifique, et avoir constaté la déconstruction par les intellectuels de l’idéologie communiste de lutte des classes, le pouvoir, obsédé par un effondrement possible du régime, utilise des méthodes fascistes telles que la persécution, voire l’élimination, des ethnies minoritaires», analyse un historien chinois, sous couvert d’anonymat.

Les contraceptions, stérilisations et avortements forcés sont menés en parallèle du lavage de cerveau des enfants envoyés dans des pensionnats ultrasécurisés, de la séparation des familles et de la campagne «Devenir famille», où des centaines de milliers de fonctionnaires hans sont envoyés chez les Ouïghours pour les faire manger du porc, boire de l’alcool et dormir dans le lit des femmes seules. «Les politiques violentes qui visent les femmes et les enfants de manière si spécifique me semblent extrêmement préoccupantes dans la mesure où tous les génocides visent la rupture de la filiation», affirme l’historienne Hélène Dumas, chargée de recherches au CNRS.

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«Depuis fin 2018, il n’y a pas eu d’internement massif en camps. Plusieurs indices tendent à prouver que la plupart de ceux qui ont été relâchés ont été envoyés au travail, ont été placés en résidence surveillée, ou emprisonnés, explique Gene Bunin, créateur de la base de données Xinjiang Victims Database, où des milliers d’expatriés ouïghours témoignent de la disparition d’un proche. Le fait qu’au moins 300 000 personnes ont été condamnées à de lourdes peines de prison est aussi très grave.»

Malgré un contrôle policier high-tech tout-puissant sur la région, les informations s’accumulent. «On n’avait pas tant de preuves écrites pour le Rwanda, remarque Marie Lamensch, de l’Institut montréalais d’études sur le génocide. Le problème, c’est la puissance de la Chine, qui contrôle de plus en plus d’agences onusiennes, et qui a le soutien de nombreux pays, y compris musulmans. Des sanctions économiques pourraient avoir de l’effet. Il faut amasser des preuves pour d’éventuelles poursuites judiciaires et évoquer clairement le fait que la Chine commet des crimes contre l’humanité.»

Yeux bandés

Pour Nabila Massrali, porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell«il n’appartient pas à l’UE en tant que telle de définir ce qui constitue un génocide. C’est à un tribunal de le définir. Cependant, si elles sont confirmées, ces pratiques effroyables, qui constitueraient de graves violations des droits de l’homme, doivent cesser immédiatement et les responsables doivent répondre de leurs actes». Elle réclame que Pékin «autorise et facilite» «une visite significative et transparente des ambassadeurs de l’UE dans le Xinjiang». Contacté, le Quai d’Orsay fait part de sa «préoccupation» et assure que «le rapport de M. Zenz est examiné avec la plus grande attention», et l’Elysée nous renvoie au Quai d’Orsay.

En attendant, la situation des Ouïghours recueille de plus en plus d’échos : une interview de la BBC cuisinant l’ambassadeur de Chine au sujet d’une vidéo de 2019 qui montre des Ouïghours au crâne rasé, les yeux bandés, agenouillés dans une gare, a été vue plus de 6 millions de fois depuis ce week-end.

Côté politique, l’Alliance interparlementaire sur la Chine (Ipac), lancée le 5 juin, réunit déjà plus 160 élus de 16 pays qui pourraient faire bouger les choses. «Nos gouvernements sont très frileux par rapport à Pékin pour des raisons diplomatiques et commerciales, explique André Gattolin, sénateur LREM et coprésident de l’Ipac. Notre mouvement réfléchit à une réponse coordonnée au-delà des clivages politiques et nationaux. La stérilisation de masse fait partie des caractéristiques de processus génocidaire. Nous sommes en train d’étudier la possibilité pour nos pays d’engager une procédure internationale à l’encontre de cette pratique.»

(1) «Sterilization, IUDs and mandatory birth control, the CCP’s campaign to suppress Uyghur birthrates in Xinjiang», The Jamestown Foundation.

Commentaires

  • "Des sanctions économiques pourraient avoir de l’effet."

    En attendant les mesures que prendra peut-être l'UE, chaque consommateur peut éviter d'acheter du Made in China.

    Je pense qu'on bon catholique ne peut rester indifférent à la politique chinoise dès qu'il sait que "le Parti communiste chinois mène une véritable guerre de religion contre la chrétienté et le catholicisme" (cfr. Infra*).
    Comment supporter que "le portrait de Xi Jinping (soit obligatoirement) accroché sur l’autel (dans les églises)*? C'est l'abomination de la désolation! Je considère personnellement Xi comme un compagnon de l'Antéchrist.

    La frilosité de nos dirigeants à l'égard de ce monstre rappelle les accords de Munich.

    *https://plus.lesoir.be/206519/article/2019-02-13/en-chine-une-repression-sans-precedent-de-toutes-les-religions?referer=%2Farchives%2Frecherche%3Fdatefilter%3Dlast5year%26sort%3Ddate%2Bdesc%26start%3D20%26word%3Dxinjiang

  • Dans un monde où l'argent est roi, tous les dirigeants sont bons...

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