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Les lettres de Catherine de Sienne, la "psychologue" de Dieu

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D'Antonio Tarallo sur la Nuova Bussola Quotidiana :

Les lettres de Catherine, la "psychologue" de Dieu

29-04-2022

Les épîtres de Sainte Catherine de Sienne représentent l'un des documents les plus importants de l'histoire de l'Église au Moyen Âge. Les destinataires sont des pontifes, des rois, de simples religieux ou des hommes de pouvoir. Mais comme "plus petit dénominateur commun", ils ont Dieu et la manière de le servir dans la justice et la sagesse. Le lecteur d'aujourd'hui ne peut qu'être stupéfait par une telle profondeur psychologique, mystique et spirituelle.

La poétesse américaine Emily Dickinson a écrit : "Une lettre m'a toujours semblé refléter l'immortalité". Et, certainement, Sainte Catherine et ses lettres, au nombre de plus de trois cents, resteront immortelles. L'ensemble des lettres de la sainte dominicaine constitue en effet un véritable trésor de pierres précieuses, une "carte topographique" de sentiments, d'avertissements et d'appels du cœur. Sur ces épîtres, plusieurs livres ont été écrits, plusieurs débats intellectuels et religieux. En bref, il n'est pas faux - certainement - de dire que les pages rédigées par Sainte Catherine de Sienne représentent l'un des documents les plus importants de l'histoire de l'Église au Moyen Âge. Les destinataires ? Faire défiler leurs noms nous donne une idée de l'ampleur de l'épistolaire de Catherine : papes et souverains ; simples religieux ou grands pontifes ; hommes de bureau ou de pouvoir ; et, dans toute cette liste, il y a - sans aucun doute - un "plus petit dénominateur commun" : Dieu. Comment le servir dans la justice et la sagesse. Chaque ponctuation, chaque caractère imprimé dans ces pages respire la présence du Christ : Il dicte, Sainte Catherine transcrit.

Sainte Catherine parvient à composer la richesse de ces milliers et milliers de pages grâce aussi à l'aide des membres de la "Bella brigata" : c'est le nom donné au groupe de personnes prêtes à l'aider dans toutes ses activités caritatives, le groupe de collaborateurs le plus important de la sainte siennoise.

Ses paroles et ses sentiments, ses réflexions claires sur les thèmes les plus disparates : de la vie religieuse à la vie sociale de l'époque ; des problèmes moraux aux problèmes politiques qui concernaient toute l'Église, l'empire, les royaumes et les États de l'Europe du XIVe siècle. Et à tant de thèmes différents correspondent de multiples clés d'interprétation. Parmi ces clés, celle qui ouvre des réflexions diverses sur le caractère littéraire de l'œuvre mérite une attention particulière. Dans son Étude sur Catherine de Sienne (publiée en 1941 par la revue Letteratura), le linguiste Giacomo Devoto souligne les variations de style présentes dans l'épistolaire : celles-ci se manifestent surtout dans les différences de périodicité ou de rythme de l'écriture par rapport à la nécessité d'exhorter, d'expliquer ou d'affirmer. Les lettres, en fait, pourraient même être considérées comme un véritable vade-mecum du parfait prédicateur.

Les lettres suivent - généralement - un schéma très précis : le "souhait" du saint, exprimé dans la formule fixe de l'incipit de la lettre, est suivi d'une partie d'exposition et de méditation morale ou spirituelle. Ensuite, nous sommes catapultés dans une narration de "faits", d'événements historiques liés à l'exposition précédente. Dans ce schéma libre et - en même temps - rigoureux, il est tout à fait significatif que l'exhortation ne soit jamais omise. Il faut noter, en effet, que les verbes "je veux" et "je prie" sont les verbes les plus répétés dans les lettres. Un exemple ? La lettre au Pape Grégoire XI : "Je veux que vous soyez un lever de soleil de l'amour, dans le verbe amour, le Christ crucifié (...) Je vous prie pour l'amour du Christ crucifié, que, le plus vite possible, vous alliez à la place des glorieux Pierre et Paul. Et toujours de votre côté, essayez d'aller avec certitude ; et Dieu, de son côté, vous fournira toutes les choses qui seront nécessaires pour vous et pour le bien de votre épouse (l'Eglise)".

Les lettres de la sainte surprennent, impliquent et captivent : le lecteur d'aujourd'hui ne peut qu'être stupéfait par une telle profondeur psychologique. Pourtant, les études de psychologie étaient très éloignées de l'Europe du XIVe siècle où vivait la sainte. Par exemple, dans la Lettre à trois femmes de Florence, nous trouvons écrit :
"Chères filles dans le Christ doux Jésus, parce que la bonté divine vous a tirées du monde, ne regardez pas en arrière pour contempler le champ labouré, mais visez toujours ce que vous devez faire pour conserver en vous le principe et l'intention sainte que vous avez faite vôtre. Quelle est cette chose qu'il nous convient de voir et de faire pour conserver notre bonne volonté ? Que vous soyez toujours dans la cellule de la connaissance de vous ; et de la connaissance de votre non-être et de votre possession de Dieu ; et de la connaissance de vos fautes, et de la brièveté du temps".

Catherine demande aux trois femmes d'entrer dans ce qu'elle appelle la cellule de la cognition ; d'enquêter sur leurs propres âmes, en essayant de déplorerleurs défauts. C'est donc une action d'introspection que la sainte désire. Mais la deuxième partie devient encore plus intéressante : dans la connaissance de son propre être, mettre de côté son "je" pour faire place à Dieu.

Mais Catherine est aussi et avant tout un guide spirituel. Elle exhorte les religieux à guider la vie spirituelle des gens de manière à ce que leurs actions puissent changer l'histoire. Elle demande à l'Eglise de faire son chemin vers Dieu, mais aussi dans l'histoire où le protagoniste incontesté doit être la vérité : une "vérité en fonction de la charité et de la dignité de l'homme parfait dans la charité". C'est ainsi que le résume l'historienne Giuliana Cavallini (1908-2004), spécialiste éclairée et éclairante de l'œuvre du saint.

Catherine est une "écrivaine mystique" qui ne fait jamais abstraction du contexte humain, même dans son langage. Catherine "parlait au Seigneur avec son esprit, et avec le langage de son corps elle parlait aux hommes". Ce sont les mots de quelqu'un qui a bien connu sainte Catherine de Sienne : le frère dominicain Raymond de Capoue (vers 1330-1399), confesseur et premier biographe de la sainte.

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