Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Il n'y a "pas d'éléments permettant d'ouvrir un procès contre le cardinal Ouellet pour agression sexuelle"

IMPRIMER

Déclaration du directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, 18.08.2022

En ce qui concerne les allégations rapportées ces derniers jours dans la presse au sujet de Son Eminence le Cardinal Marc Ouellet, P.S.H., le Directeur du Bureau de Presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, déclare que : ayant terminé l'enquête préliminaire confiée par le pape au père Jacques Servais, S.I., dont la conclusion était qu'il n'y a pas d'éléments permettant d'ouvrir un procès contre le cardinal Ouellet pour agression sexuelle, ayant consulté à nouveau le père Servais et ayant reçu la confirmation que "Il n'y a aucun motif fondé pour ouvrir une enquête pour agression sexuelle de la personne F. de la part du cardinal Ouellet". M. Ouellet. Ni dans son rapport écrit et envoyé au Saint-Père, ni dans le témoignage via Zoom que j'ai recueilli par la suite en présence d'un membre du Comité diocésain ad hoc, cette personne n'a porté une accusation qui fournirait matière à une telle enquête. Après d'autres consultations pertinentes, le pape François déclare qu'il n'y a pas d'éléments suffisants pour ouvrir une enquête canonique pour agression sexuelle par le cardinal Ouellet contre la personne F. "

Le commentaire de Radio Canada :

Le pape François exclut l'ouverture d'une nouvelle enquête par l'Église catholique contre le cardinal Marc Ouellet, qui fait l’objet d’allégations d'agressions sexuelles.

Dans une déclaration relayée par le Vatican jeudi, le souverain pontife affirme que les preuves sont insuffisantes pour que l'Église catholique relance une telle investigation à l'endroit de l'influent cardinal québécois.

Le pape François déclare qu'il n'y a pas d'éléments suffisants pour ouvrir une enquête canonique pour agression sexuelle de la part du cardinal Ouellet, a affirmé le porte-parole du Vatican Matteo Bruni dans un bref communiqué.

Le cardinal Ouellet s'est retrouvé sur la sellette deux jours plus tôt : son nom est cité dans de nouveaux documents déposés en Cour supérieure dans le cadre d'une action collective, autorisée en mai dernier, visant l’ensemble des agressions sexuelles qui auraient été commises par des personnes sous l’autorité du diocèse de Québec depuis 1940.

Les paroles d'une présumée victime d'agression sexuelle n'auront pas suffi. Le Vatican annonce qu'il n'y aura pas de nouvelle enquête sur les allégations contre Marc Ouellet. L'influent cardinal fait partie des 88 membres du clergé qui sont cités dans une action collective contre le diocèse de Québec. La plainte de la victime a-t-elle été traitée équitablement par le Vatican? Entrevue avec Solange Lefebvre, professeure à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal.

Près de 80 membres du clergé sont ciblés par la requête, des prêtres pour la plupart, pour des gestes qui remonteraient généralement aux années 1950 et 1960 et qui toucheraient plus d’une centaine de victimes, dont la plupart étaient des personnes mineures au moment des faits.

Dans le cas de Mgr Ouellet, la requérante, dont l’identité se résume à la lettre F dans les documents, faisait un stage comme agente de pastorale, de 2008 à 2010, au moment où les faits se seraient produits, lors d’événements publics.

À différentes occasions, le cardinal Ouellet l’aurait serrée contre lui, aurait massé ses épaules ou lui aurait caressé vigoureusement le dos jusqu’à l’endroit où se mélangent les fesses, provoquant chaque fois un profond malaise chez la jeune stagiaire, qui a confié s'être sentie pourchassée par l'homme.

S'attaquer à un prêtre du très haut clergé

En entrevue à Radio-Canada, Me Alain Arsenault, qui représente les demandeurs dans le cadre de l'action collective, s'est dit un peu déçu par la décision du pape, mais il n’y a pas de surprise. On va aller à procès. C’est tout.

« C’est la position de l’Église depuis tout le temps de nier, nier, nier. De prendre des prêtres, de les changer de paroisse, de les envoyer en congé, de camoufler les choses. Et je pense que, dans ce dossier, il y a eu une tentative de camouflage évidente. »

— Une citation de  Me Alain Arsenault, représentant des demandeurs

L'avocat estime aussi que le statut dont jouit Marc Ouellet n'est pas étranger à la décision du pape de ne pas rouvrir d'enquête. Ce n’est pas un prêtre du bas clergé – pour emprunter une vieille expression –, mais plutôt un prêtre du très haut clergé. À mon sens, ç'a évidemment joué, soutient Me Arsenault.

Au moment des faits allégués, Marc Ouellet était archevêque de Québec. Mais il a depuis été promu préfet de la Congrégation pour les évêques, l'une des fonctions les plus importantes du gouvernement du Vatican, que le cardinal de 78 ans occupe à Rome, sous l'autorité directe du pape François.

Rappelons également qu'en 2013, le cardinal Ouellet était cité parmi les favoris du conclave qui a finalement mené à l'élection du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio, alors devenu le pape François. Depuis, Marc Ouellet est pressenti pour lui succéder.

Parmi les clercs visés par l'action collective, le cardinal Ouellet est de loin la personne la plus connue et dont les fonctions sont les plus élevées. Il ne fait face à aucune accusation criminelle. C’est la première fois que son nom apparaît dans ces procédures.

Une première enquête bâclée?

Lorsque la plaignante a relaté les faits au comité-conseil sur les abus sexuels du diocèse de Québec en 2020, on l’a invitée à transmettre l’affaire directement au pape, puisque c’est ce que les règles prévoient.

La plainte doit aller à l’évêque du diocèse où se trouve la personne, le prêtre, actuellement. Alors comme le cardinal Ouellet est à Rome, l’évêque du cardinal Ouellet, c’est le pape, explique le théologien Jean-Guy Nadeau.

À la suite de cette démarche, c’est le père Jacques Servais qui a été mandaté par le pape, en 2021, pour enquêter sur les allégations d’agressions sexuelles visant le cardinal Ouellet.

Mon premier réflexe a été de faire une recherche pour voir c’est qui. Quand j’ai vu tout de suite d’emblée les relations avec Marc Ouellet, ça m’a inquiétée au niveau de son indépendance et de sa neutralité, confie la plaignante.

Des règles bafouées?

Le Vatican a-t-il enfreint ses propres règles dans le traitement de la plainte contre le cardinal Marc Ouellet? Les allégations d’inconduite sexuelle apparues hier dans l’action collective contre le diocèse de Québec avaient fait l’objet d’une enquête au préalable par le Vatican. Or, les circonstances laissent planer un doute sur l’intégrité du processus.Voici ce qu'a appris Sylvie Fournier de l'équipe d'Enquête.

Marc Ouellet et le père Servais se connaissent, ils font notamment partie d’un même comité et ont collaboré à différentes publications de même qu’à l’organisation d’événements à Rome.

Ce lien entre les deux hommes contrevient à un décret formulé par le pape lui-même, qui stipule qu’un enquêteur est tenu d’agir avec impartialité et doit être exempt de conflits d’intérêts, sans quoi il a l’obligation de s’abstenir.

Une situation que le théologien Jean-Guy Nadeau qualifie de troublanteOn est un peu estomaqués. Il y a d’autres personnes à Rome qui auraient pu faire enquête.

Plus encore, la plaignante affirme que, rapidement, le père Servais lui a directement admis ne pas être un enquêteur, n’avoir jamais vraiment agi dans ce genre de dossier et qu’il ne savait pas quoi faire des allégations.

Toujours selon le décret du pape, le père Servais avait 90 jours pour rendre une décision concernant les allégations contre Marc Ouellet. La plaignante attend toujours cette décision, un an et demi plus tard.

Jacques Servais n’a pas répondu aux demandes d’entrevue formulées par l’équipe d’Enquête.

Pas de raison de poursuivre, assure le père Servais

C'est sur la base des éléments réunis par le père Servais dans le cadre de cette enquête que le pape a décidé d'exclure l'ouverture d'une nouvelle enquête contre Mgr Ouellet. C'est du moins ce qu'a fait savoir le porte-parole du Vatican, Matteo Bruni, jeudi.

M. Bruni précise dans son communiqué que le père Servais a été de nouveau contacté par le pape, qui a reçu l'assurance de sa part qu'il n'y avait pas de raison de poursuivre la procédure.

Cité dans le communiqué du Vatican, Jacques Servais affirme qu'il n'y a aucun motif fondé pour ouvrir une enquête pour agression sexuelle de la personne F. de la part du Card. M. Ouellet.

Ni dans son rapport écrit [de F.] envoyé au Saint-Père ni dans le témoignage via Zoom que j'ai recueilli par la suite en présence d'un membre du Comité diocésain ad hoc, cette personne n'a porté une accusation qui fournirait matière à une telle enquête, assure le père Servais, toujours cité par le Vatican.

L'avocat Alain Arsenault demeure quant à lui incrédule devant de telles conclusions, estimant que le Vatican n'a pas fait un travail sérieux.

Il y a eu une enquête, supposément. […] F. a collaboré. Il y a eu une rencontre virtuelle. Il n’y a rien eu après. Et on ne l’a pas informée du contenu du rapport, dénonce-t-il. Pendant un an et demi, ç'a été le silence total du Vatican. Ils avaient, à mon sens, tout en main et suffisamment. Et s’il manquait des choses, ils auraient pu demander des précisions.

« Ils ont espéré, pour ne pas dire prié, pour qu’elle renonce à poursuivre le diocèse. »

— Une citation de  Me Alain Arsenault, représentant des demandeurs
 

Dans le fond, il y a deux enquêtes : une du comité-conseil qui arrive à la conclusion que oui [la plainte est fondée] et une du Vatican qui arrive à la conclusion que non, un an et demi plus tard, avec une seule rencontre, résume Me Arsenault, qui prévoit demander une copie du rapport du Vatican.

Les allégations contre le cardinal Marc Ouellet surviennent trois semaines après la visite du pape au Canada, au cours de laquelle il s'est excusé pour les agressions sexuelles perpétrées par des membres de l'Église et pour le traitement infligé aux Autochtones dans les pensionnats.

En février, Marc Ouellet avait lui-même fustigé le drame des agressions sexuelles commises par des clercs et les comportements criminels trop longtemps dissimulés pour protéger l'institution, lors d'un important colloque au Vatican en présence du pape François.

Avec les informations de Sylvie Fournier, d'Enquête, de Marie-Pier Mercier et de l'Agence France-Presse

Les commentaires sont fermés.