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JMJ : un indéniable regain de santé de l’institution catholique?

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Il Sismografo publie les deux derniers articles de Jean-Marie Guénois consacrés aux JMJ sur le site du Figaro :

L’indéniable regain de santé d’une Église catholique blessée par les scandales / JMJ: une semaine d’effervescence et de ferveur

Les JMJ de Lisbonne marquent un indéniable regain de santé de l’institution catholique. -- Ce n’est pas une illusion ni de l’autopersuasion: les jeunes catholiques, tout comme les responsables de l’Église présents à Lisbonne - 800 évêques venus du monde entier, soit un quart des évêques actifs - ont pu réaliser que l’Église catholique traversait certes une crise profonde, celle des scandales sexuels, mais qu’elle était loin d’être abattue.

Il est périlleux de tirer une conclusion générale d’un rassemblement mondial de plus de 1 million de jeunes, issus de tous les pays de la planète, mais ces 37es Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) 2023 marquent un indéniable regain de santé de l’institution catholique. Son quotidien n’est d’ailleurs pas celui des obscures déviances d’une minorité de ses prêtres - actuellement moins de 1 % à l’échelle mondiale sur 410 000 prêtres.

La réalité ordinaire de l’Église est celle que l’on a pu constater dans les rues de la capitale portugaise: des prêtres qui ont donné leur vie à Dieu pour les autres, au service, bien dans leurs baskets. Des jeunes de leur temps, connectés technologiquement mais en impérieuse demande spirituelle face au vide existentiel. Le tout, sans naïveté sur les misères de l’Église - depuis vingt ans, ces jeunes n’ont entendu parler que de cela - mais dans la conscience réaliste des problèmes de ceux qui ne veulent pas en rester aux noirceurs et veulent aller de l’avant. Un autre facteur a été décisif de l’ambiance à Lisbonne. Il est venu des JMJistes espagnols et latino-américains, en masse au Portugal, qui ont le talent de mettre une ambiance de feu, partout où ils passent et qui étaient en communication linguistique et culturelle spontanée avec le pape argentin qui s’est le plus souvent exprimé dans sa langue maternelle. Ce furent majoritairement les JMJ de la grande péninsule ibérique - Portugal et Espagne - et de l’Amérique latine. Les prochaines, à Séoul (Corée du Sud) en 2027, auront peut-être du mal à rivaliser avec cette furia.

Les JMJ de Lisbonne, avec les inévitables failles logistiques inhérentes à toutes les éditions, auront été une réussite éclatante. Un succès qui arrive à un moment où l’Église, encore plongée dans sa crise interne, doutait sérieusement d’elle-même.

Un début de déclin pour un pape combatif mais usé

À bientôt 87 ans, le pape François a accompli une sorte d’exploit physique et mental en affrontant le défi d’une rencontre de plusieurs jours avec des centaines de milliers de jeunes. Il a l’âge d’en être non pas le grand-père, mais l’arrière-grand-père. Après Lisbonne, il devient d’ailleurs le pape le plus âgé ayant présidé des JMJ. Ce risque, il l’a assumé, à peine sorti de la lourde convalescence liée à une opération chirurgicale aux intestins du… 7 juin dernier. Deux mois jour pour jour après sa sortie du bloc opératoire de l’hôpital Gemelli, il se retrouvait devant plus de 1 million de jeunes à Lisbonne!

Malgré une volonté de fer et une vie spirituelle soutenue, sa fatigue, visible, l’a publiquement rattrapé au fil de ces cinq jours intenses de déplacements et de rencontres. Le programme n’avait pas été allégé, selon la volonté de François, comme lors des dernières JMJ de Jean-Paul II à Toronto, au Canada, en 2002. Mais au Portugal, il y a eu une surcharge évidente. Comme lors de la journée de samedi, où François s’est rendu en hélicoptère à Fatima - aller et retour dans la matinée -, enchaînant dans l’après-midi sa rencontre coutumière des voyages pontificaux avec ses frères jésuites, puis la veillée avec les jeunes jusqu’à 22 h 30.

À quatre reprises, vendredi soir et samedi, le pape a laissé tomber son discours écrit, lisant au mieux le premier paragraphe puis improvisant, toujours de manière alerte et très éveillé, mais coupant au court. Tant et si bien que samedi soir, la belle exhortation, profonde et mystique, que François avait préparé pour les jeunes, s’est transformée en quelques conseils de vie, terre à terre, sur le fait de se «lever», «d’aider les autres», de «marcher ensemble», avec cet impératif: «l’unique moment où il est licite de regarder une personne de haut, c’est pour l’aider à se relever». François était fatigué d’une trop lourde journée.

Dimanche matin, lors de la messe de clôture, il était reposé et, en grand orateur, il a plusieurs fois improvisé, restant en lien avec son homélie, objectivement en pleine possession de ses moyens après une nuit de repos. Mais dans l’après-midi, il s’est endormi devant des jeunes volontaires qui lui parlaient.

Au cours de ces dix années de pontificat, François a le plus souvent tenu ses discours jusqu’au bout et s’il a improvisé, c’était pour revenir à son texte, ou le donner à lire, mais non pour l’annuler en cours de lecture, comme il l’a fait vendredi et samedi à Lisbonne. Cette répétition est un signal d’affaiblissement normal pour un homme public à ce point âgé et surchargé qu’il n’a aucun équivalent sur la planète. Il faudra observer de près le voyage de François en Mongolie, dans trois semaines, puis celui de Marseille, pour confirmer cet affaiblissement inscrit dans l’ordre du temps.

«Laisse ton portable, rencontre les gens!»: une spiritualité «incarnée»

Un voyage international du pape, quel qu’en soit l’objet (visite d’un pays, événement de type JMJ…) n’est jamais une opération hors sol. La caractéristique de l’Église catholique est qu’elle ne s’arrête jamais, puisqu’elle est présente sous toutes les longitudes et fuseaux horaires et qu’elle est branchée 24 heures sur 24, 365 jours de l’année, dimanches compris, sur le cœur battant de la vie des pays, particulièrement quand ils sont en guerre ou en détresse. En effet, l’Église a des «ressortissants» partout, de cultures et de nationalités différentes, partageant une foi religieuse commune. Les catholiques prient chaque jour pour la paix. Ils se tiennent généralement très informés de l’actualité par cette culture chrétienne sans frontières et soucieuse des plus démunis. Leur spiritualité, pour mystique qu’elle soit, se revendique «incarnée». Elle voudrait insuffler davantage «d’amour», «d’attention à l’autre», de «joie», selon les mots de François à Lisbonne, dans une «symphonie de gratuité», selon sa belle expression - finalement non prononcée samedi soir - pour «unir plutôt que diviser».

L’un des marqueurs de ces JMJ de Lisbonne aura été la mise en garde contre les plateformes internet avides de «données», des «faux amis» dénoncés par François. «Lève-toi de ta tristesse», devait-il lancer aux jeunes, samedi soir, dans ce discours qu’il n’a pas prononcé. Et de poursuivre: «Laisse ton portable, rencontre les gens!» Cette phrase pourrait résumer toutes les JMJ de Lisbonne.

L’Ukraine et le prochain synode se sont invités aux JMJ

À côté de cette exhortation à la jeunesse, l’objet des Journées mondiales de la jeunesse n’était évidemment pas de produire un cours de géopolitique sur la guerre en Ukraine ou une conférence sur la stratégie de réforme interne de l’Église par François, mais ces deux sujets ont plané sur la rencontre. À Fatima, où le pape, «en silence et en douleur», selon le Vatican, a prié pour la paix et lors de l’angélus final, après la messe de dimanche, où il a directement évoqué devant une statue de la Vierge de Fatima «sa grande douleur pour la chère Ukraine, qui continue de beaucoup souffrir». Ce conflit, comme une chape pesant sur l’avenir des jeunes, semblait effectivement habiter, en silence, les consciences. Enfin, lors de ses improvisations et à des multiples reprises, le pape a préparé les esprits pour le prochain synode. Les catéchèses participatives des JMJ, et non plus académiques sous la conduite d’un évêque, ont été chaotiques, mais c’est cette nouvelle approche de l’Église que François veut mettre en place. Il l’a martelé cette semaine, il veut une Église «ouverte à tous», «pour tous», «sans exclusion» aucune, d’aucune sorte. C’est le thème central du prochain synode sur la nouvelle gouvernance de l’Église. (Le Figaro)

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JMJ: une semaine d’effervescence et de ferveur

RÉCIT - Dans une ambiance extraordinaire, François a clôturé dimanche un pèlerinage qui «marquera à vie» une génération de jeunes fidèles -- Tout à coup, Lisbonne a retrouvé un peu de calme. Le centre-ville, qui grouillait depuis une semaine de couleurs, de chants, de rires et de drapeaux, ressemble à une Cocotte-Minute encore chaude mais vidée de son contenu. L’effervescence s’est transférée à l’est de la ville, dans le grand parc Tejo de 90 hectares au bord du Tage, où ont afflué toute l’après-midi de samedi des centaines de milliers de jeunes, armés de duvets, pour y veiller avec le pape avant d’assister à la messe de clôture des JMJ, ce dimanche matin. Un campement qui ressemblait à une immense plage de vacances, très sympathique, jusqu’à la tombée du jour. La «papamobile» a alors sillonné les allées parfois encombrées de jeunes gens heureux d’accueillir leur pape. Lui était fatigué, eux infatigables. Dimanche matin, les jeunes ne pouvaient plus cacher des petits yeux plissés par le manque cruel de sommeil. Après la fraîcheur de la semaine, le soleil annonçait un 38 °C au zénith.

Bonne nouvelle pour les plus jeunes d’entre eux: ils allaient pouvoir remettre ça en 2027! Et pas n’importe où: à Séoul, en Corée du Sud. François l’a annoncé à la toute fin du rassemblement, en insistant sur le mot «Asie». «Ce sera en Asie!» François a déjà visité la Corée du Sud en 2014, un pays à 30 % chrétien, dont 8 % sont des catholiques, avec une communauté extrêmement dynamique. L’Asie est l’un des objectifs de son pontificat.

En annonçant ces prochaines JMJ, comme il l’avait fait pour Lisbonne depuis les JMJ du Panama en 2019, François n’a toutefois pas fait l’allusion d’alors: «Si Dieu le veut…» Il sait que 2027 sera l’année de ses 90 ans. Juste avant de révéler la Corée du Sud, il a insisté sur la tenue à Rome, en 2025, d’un «jubilé» du christianisme, comparable à celui de l’an 2000. L’organisation de cet événement explique le report des 38e JMJ à 2027, alors qu’elles se déroulent habituellement tous les trois ans. Les premières et seules JMJ d’Asie remontent à 1995, à Manille, aux Philippines. Elles avaient battu tous les records d’affluence. Le samedi soir, le pape polonais y avait imité Charlie Chaplin avec sa canne.

«Conscience d’appartenir à une même famille»

Dans son homélie d’envoi, dimanche François a donné trois conseils aux jeunes. Le premier est de ne pas devenir «lumineux» comme s’ils étaient «sous les projecteurs» en affichant «une image parfaite» de jeunes «forts et victorieux». Il leur faut plutôt «briller en accueillant Jésus pour apprendre à aimer comme Lui». L’idéal est «une vie qui risque par amour». Ensuite, de ne pas viser «la gloire, le succès, l’argent», mais de «commencer et de finir chaque journée avec la certitude de l’étreinte du Seigneur: l’écouter, croire que nous sommes aimés et accompagnés d’un amour qui ne fait jamais défaut».

Et enfin de «ne pas craindre» : «À vous, jeunes, qui pensez parfois ne pas y arriver ; à vous, jeunes, qui, en ces temps, êtes tentés de vous décourager, de vous juger inadaptés ou de cacher la douleur en la masquant d’un sourire ; à vous, jeunes, qui voulez changer le monde et qui luttez pour la justice et la paix, oui, précisément à vous, jeunes, Jésus dit: “Soyez sans crainte!”»

Juste après la messe, dans le brouhaha indescriptible du décampement, Joseph, 22 ans, confie: «Cet appel à ne pas craindre m’a beaucoup touché. Le pape a raison de nous encourager à assumer notre foi.» Il est parisien, diplômé en droit et entre en école de commerce. C’étaient ses premières JMJ. Il est émerveillé par «l’effervescence» d’une «Église ouverte à tous avec des jeunes qui ne la connaissaient pas et qui l’ont découverte à Lisbonne». S’il regrette «le manque d’intériorité» des JMJ, cela le pousse à s’engager «pour accompagner cette foi, pratiquée de façon un peu hypocrite, il faut le reconnaître, en se branchant davantage sur Dieu et en appliquant l’Évangile».

Marin, 22 ans, finit ses études d’ingénieur à l’école de Purpan, à Toulouse. Lui repart «gonflé d’espérance», comme les voiles de son bateau qui l’attend dans le port avec ses trois équipiers. «Comme jeune, on se sent souvent seul, dans les églises. Quant à l’Église institutionnelle, elle nous donne souvent l’impression de ne pas être en forme, mais là, franchement, avec des jeunes de 151 pays, ça vous booste d’un coup!» Philippe, 20 ans, élève ingénieur aux Pont et Chaussées, originaire de Bordeaux, ne va pas attendre comme Marin que le vent se calme pour prendre la mer, car ce sont «26 heures de bus» qui l’attendent à présent… «Je rentre avec la conscience d’appartenir à une même famille. Quand vous priez à plus de 1 million en silence lors de l’adoration samedi soir, ça vous marque à vie!» Autre impression indélébile: «J’ai été bouleversé par les témoignages de conversions qui montraient comment le Christ aide à dépasser les épreuves. On se sent vraiment moins seuls, mais on sent aussi désormais la lourde responsabilité de transmettre ce message d’amour et d’espérance absolument génial.» (Le Figaro)

Commentaires

  • Il serait particulièrement intéressant de savoir si les textes suivants sont bien connus et pris en compte par les catholiques quI sont nés depuis le début des années 1990 :

    - d'une part, le Catéchisme de l'Eglise catholique, Veritatis splendor, Evangelium vitae, Fides et ratio et Dominus Iesus,

    - d'autre part, le Compendium du Catéchisme de 2005, Verbum domini (2010) et le Directoire sur l'homélie de 2014.

    En tout cas, que tous ces jeunes qui ont tous moins de 34 ans, en ce mois d'août 2023, se dépêchent de bien (re)lire tous ces textes, particulièrement propices à la connaissance, à la compréhension et à la prise en compte des fondements, du contenu et des débouchés, confessionnels et existentiels, de la foi catholique.

    Il convient de préciser que la réception orthodoxe et réaliste de chacun de ces textes, qu'elle soit plutôt augustinienne ou plutôt thomiste, n'est pas inclusivement, périphéristement et synodalement correcte...

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