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Le pape à Marseille : une visite très politique en pleine crise migratoire

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De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro (via le blog Il Sismografo) :

Pape François à Marseille: en pleine crise migratoire, une visite très politique

Récit - Le souverain pontife a insisté sur le fait qu’il ne venait «pas en France» mais dans la Cité phocéenne, où il arrive ce vendredi. -- François est attendu ce vendredi à Marseille pour ce qui apparaît comme une «vraie-fausse» visite du pape en France. Cet aller-retour en Provence - mais «pas en France», a tellement insisté François - sera le plus atypique des quarante-quatre voyages de son pontificat. Pour aucune autre nation, le pape ne s’est livré à une telle contorsion afin de justifier le fait qu’il passe dans une métropole française sans venir «en France».

Il a pourtant visité cinquante-neuf pays… Le nôtre, où il se rend pour la seconde fois après sa visite express du Parlement européen à Strasbourg en novembre 2014, n’entre pas dans le compte de ses visites officielles d’État. Son voyage éclair en Alsace fut un aller-retour de moins de huit heures montre en main: Parti au petit matin, François était déjà à Rome en début d’après-midi après avoir déjeuné… dans l’avion.

La veille de son départ à Marseille, une source interne, de longue expérience et très informée des coulisses du Vatican, affirme que François «déteste la France», notamment en raison de son passé «de nation colonisatrice». La politique papale ne pouvant se fonder sur des humeurs et encore moins sur des rumeurs, Le Figaro avait posé directement la question à François dans l’avion du retour des Journées mondiales de la jeunesse de Lisbonne au Portugal, le 6 août dernier. Pour refuser ainsi de la visiter officiellement, le pape avait-il «quelque chose contre la France?» «Non!», avait aussitôt répondu François dans un grand sourire, avant d’expliquer sa «politique» de voyage: «Je visite les petits pays européens. Les grands pays, je le laisse pour après, à la fin.»

François, qui aura 87 ans en décembre, n’a jamais caché sa dévotion personnelle pour sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Qui sait s’il pense venir un jour à Lisieux? Le 15 août 2004, huit mois avant sa mort, Jean-Paul II s’était recueilli devant la grotte de Lourdes. Il s’agissait de son 104e et dernier voyage, le septième en France.

«La Méditerranée est un cimetière mais ce n’est pas le cimetière le plus grand»

François a justifié son déplacement dans la Cité phocéenne par sa participation à un colloque ecclésial sur la Méditerranée: «Le problème de la Méditerranée est un problème qui me préoccupe. C’est pour cela que je vais en France. Il est criminel d’exploiter des migrants. Pas en Europe parce que nous sommes plus civilisés mais dans les “Lager” (camps) d’Afrique du Nord» où sont retenus des migrants. Il a conclu: «Les évêques de la Méditerranée se réunissent avec des politiques pour réfléchir sérieusement sur ce drame des migrants. La Méditerranée est un cimetière mais ce n’est pas le cimetière le plus grand. Le cimetière le plus grand, c’est le nord de l’Afrique. Je vais à Marseille pour cela.»

François arrive à Marseille dans un contexte de crise sur l’île de Lampedusa, exposée à une arrivée massive de migrants. Par la voix de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, la France a annoncé mardi qu’elle n’accueillerait «aucun migrant de Lampedusa». Cette île italienne, située entre la Tunisie et la Sicile, tient au cœur du pape François. Elle fut la destination de son premier voyage papal en juillet 2013. Il y avait dénoncé la «mondialisation de l’indifférence» face à la mort de migrants en Méditerranée.

Ce même cri, il devrait le pousser spirituellement, ce vendredi en fin d’après-midi devant le Monument aux héros et victimes de la mer de Marseille, en compagnie de leaders d’autres religions et d’associations d’aide aux migrants.

Cet appel à la conscience, François devrait l’exprimer sur un mode politique et géopolitique, samedi matin lors des «Rencontres Méditerranéennes» dans le Palais du Pharo. Il s’exprimera devant une soixantaine d’évêques et soixante-dix «jeunes» issus des pays du pourtour méditerranéen. Au petit matin, il aura aussi rencontré des personnes dans la précarité, près de la gare Saint-Charles, une étape ajoutée à la dernière minute.

De fait, la première version du programme de cette visite dévoilée au printemps devait se limiter à la question migratoire. Initialement, ce voyage se déroulait sur le modèle de celui de Strasbourg: arrivé le samedi matin à Marseille, le souverain pontife prononçait son discours aux «Rencontres Méditerranéennes» avant de repartir en début d’après-midi à Rome.

Il a fallu toute la force de persuasion du cardinal Jean-Marc Aveline pour que François finisse par accepter de présider une messe au Stade-Vélodrome, samedi après-midi où près de 60.000 fidèles sont attendus. De même, il n’aurait pas rencontré les prêtres, religieux et religieuses de Marseille comme il doit le faire sitôt sa descente d’avion, vendredi à Notre-Dame-de-la-Garde. L’introduction de l’aspect religieux dans la seconde version du programme donne à cette «vraie-fausse» visite papale en France des similitudes avec le schéma habituel des déplacements pontificaux.

La visite polémique du couple Macron à la messe papale

Mais c’est un ultime caractère, politique celui-là, qui rapproche cette visite atypique d’une visite officielle, sans en être une pour autant. Cette dernière évolution du programme papale n’est pas venue du cardinal Aveline mais d’Emmanuel Macron.

S’il n’a pas obtenu tout ce qu’il désirait - il y aurait eu un projet de dîner en l’honneur de François le vendredi soir à Marseille, ce qui ne se fait pourtant jamais pour un pape - le président de la République a réussi à décrocher une petite heure de rencontre, en tête à tête, samedi en fin de matinée, avec photos, caméras et échange protocolaire de cadeaux comme s’il s’agissait d’une visite officielle. Un rendez-vous qui a tout chamboulé, contraignant le pape à arriver la veille à Marseille. Ce qu’il a accepté de bonne grâce même si le Vatican se méfie, par expérience et par principe, de la récupération possible, par les chefs d’État, de la présence d’un pape dans leur pays. François, en homme libre, déteste par-dessus tout être instrumentalisé, au Saint-Siège comme ailleurs. C’est l’une des raisons de son refus de visiter, pour l’heure, son Argentine natale.

En revanche, la surprise, vue de Rome, a été d’apprendre - sans jugement du Vatican car c’est une pratique courante lors des voyages - que le couple présidentiel assisterait à la messe papale. L’annonce, très tardive, a évidemment créé une polémique laïque en France. Elle a aussi posé une question pour la majorité des catholiques: beaucoup, comme François, sont opposés à une législation qui ouvrirait le droit de décider de sa propre mort. Cette «vraie-fausse» visite officielle du pape en France avive ainsi deux débats politiques cruciaux dans l’Hexagone: l’immigration et l’euthanasie.

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