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Laudate Deum : il est problématique que le pape commente la question climatique de cette manière

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De Benjamin Leven sur le Tagespost :

"Laudate Deum" : loin d'être une compétence de base

Avec « Laudate Deum », le pape François s’aventure loin dans le domaine politique. Mais les questions en jeu ne peuvent pas recevoir de réponse en passant. Une contribution au débat

19 octobre 2023

La papauté est une force politique mondiale. Le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques avec 183 États. Un réseau de diocèses catholiques, tous redevables au Pape, s'étend sur toute la planète. Les innombrables communautés religieuses actives au niveau international relèvent également de lui. À cela s’ajoute le soft power avec lequel le pape, en tant que personnalité médiatique, est capable d’influencer bien au-delà des frontières de l’Église catholique. Il utilise désormais son capital symbolique pour intervenir dans un débat mondial en soulignant la grande plausibilité d'une hypothèse scientifique.

Le problème est urgent et revêt une grande importance politique. Et pourtant, il est problématique que le Pape commente cela de cette manière. Car l’autorité de la papauté est essentiellement une autorité religieuse. Mais le changement climatique n’est pas une question religieuse. La tâche du magistère ecclésial est de proclamer la foi catholique et de prendre position sur les questions de foi et de morale. Mais le Magistère n’a pas besoin de clarifier la question de savoir si le changement climatique est dû à l’homme, tout comme il n’a pas besoin de clarifier la question de savoir si les planètes tournent autour du soleil ou si la création de l’univers peut être attribuée à un Big Bang. Le physicien et prêtre catholique Georges Lemaître, fondateur de la théorie du Big Bang, aurait été attristé par le pape Pie XII. dans un discours à l'Académie pontificale des sciences en 1951, il adopta la théorie et suggéra qu'il s'agissait d'une confirmation de la doctrine chrétienne de la création. Quelques années plus tard, en 1965, le Concile Vatican II soulignait la « légitime autonomie de la science » dans sa constitution pastorale « Gaudium et Spes ».

Les autorités ecclésiastiques ont tout intérêt à s’exprimer sur les questions pour lesquelles elles sont responsables et compétentes selon l’image que les catholiques ont d’elles-mêmes. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont rien à dire sur la question climatique. Bien entendu, les membres de l’Église peuvent et doivent parler du fait que la nature est la création de Dieu et que les humains ont la responsabilité de la préserver. Ils peuvent également prendre position sur les questions morales et socio-éthiques urgentes liées au changement climatique, en s’appuyant sur l’enseignement de l’Église.

L’Église catholique a développé sa propre doctrine sociale depuis le XIXe siècle et a formulé à maintes reprises des commentaires sur les questions sociales et politiques sur cette base. Mais ici aussi, une certaine retenue s’impose. Parce que l’enseignement social catholique n’est pas un programme de parti. L’Église n’a pas fait de recommandations électorales depuis longtemps. Il formule des principes, mais ne projette pas de lois.

Critique de la croissance

Lorsque le pape François argumente dans « Laudate Deum » sur les « faiblesses de la politique internationale » et appelle à de nouvelles procédures de prise de décision mondiale et lorsque, comme dans « Laudato Si », il critique « l'idée d'une croissance infinie et sans limites, » alors il ose loin dans le domaine de la politique. Une « économie post-croissance » est-elle nécessaire en raison du changement climatique ? Est-ce possible et souhaitable ? Ou peut-on dissocier la croissance économique et la consommation de ressources matérielles ? Ce sont des questions auxquelles la science et la politique doivent répondre, mais pas des questions auxquelles le chef de l’Église catholique pourrait, pour ainsi dire, répondre en passant.

La détermination du pape sur le changement climatique est également remarquable parce qu'il prend soin de ne pas trop s'engager sur d'autres questions importantes. Il évite toujours de désigner clairement la Russie comme l’agresseur dans la guerre contre l’Ukraine. Et à propos des récents événements en Terre Sainte, il parle d'un « conflit entre Israéliens et Palestiniens » et dit : « Les guerres sont toujours une défaite. » Mais il ne s'agit pas d'un conflit ou d'une guerre, mais d'une attaque barbare de la part de Islamistes Les terroristes attaquent des civils israéliens sans défense – des personnes âgées, des femmes et des enfants – c'est quelque chose que le Pape ne peut pas dire. Ce devrait en fait être l’une des compétences fondamentales d’un dirigeant d’église de qualifier le mal de mal. Il y a peut-être des raisons stratégiques pour lesquelles le Pape communique de cette manière. Mais cela nuit quand même à sa crédibilité.

L'Église n'est pas une ONG

L’une des principales compétences papales est également de prendre les décisions finales sur les conflits religieux. Mais dans ce domaine en particulier, le pape préfère s'exprimer de manière hésitante, floue et évasive. Il ne voulait pas répondre par oui ou par non à la plupart des récents « dubia » d'un groupe de cardinaux. La révélation divine est-elle immuable ? Non. Les bénédictions des couples de même sexe sont-elles autorisées ? Non. L’enseignement selon lequel seuls les hommes peuvent être ordonnés prêtres est -il contraignant ? Non. Le repentir est-il nécessaire à la validité du sacrement de confession ? Non.

François appelle quiconque pose la question de la vérité en matière dogmatique, canonique ou morale à penser en termes de processus, à distinguer idéal et réalité, à considérer les cas individuels de manière différenciée - et en général : à être ouvert au "surprises de l'esprit". Il ne veut absolument pas jouer le rôle qui lui est assigné de plus haut gardien de la foi (un rôle par définition conservateur, préservateur). Mais avec le changement climatique, elle devient soudainement intransigeante. Il ne peut y avoir aucun compromis pour lui ici. Il agit comme un communicateur politique qui exerce une pression sur l’opinion publique mondiale pour garantir le succès de la prochaine conférence sur le climat. François avait prêché à plusieurs reprises que l'Église ne devait pas devenir une ONG (organisation non gouvernementale) profane.

Dévaluation de l’autorité officielle

« Laudate Deum » n'a jusqu'à présent rencontré que peu de réponses. Ce n’est pas parce que le changement climatique ne constitue pas un problème pour l’opinion publique mondiale. Mais le pape a peu de choses véritablement religieuses à dire à ce sujet. Le dernier chapitre sur les « motivations spirituelles » semble clos. En dehors de cela, Francis ressemble dans la lettre à un secrétaire général des Nations Unies. Ce n’est évidemment pas ce qu’on attend d’un pape et ce qui serait reçu avec intérêt. De cette façon, François dévalorise l’autorité de la fonction en l’étendant trop loin. Quoi qu’il en soit, son avertissement ne parviendra pas à ceux qui nient le lien entre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. L’idée selon laquelle la protection du climat est une religion de remplacement moderne s’est répandue depuis longtemps dans ces milieux. Si un dirigeant d’église déclare maintenant cette question comme un dogme, il se sentira seulement confirmé.

Commentaires

  • A ce sujet, voir l'excellente analyse video de Raphaël Pomey pour le journal LePeuple.ch

    https://youtu.be/iOc-8eNK0q0?feature=shared

  • Il y a moyen d'être contre le Pape François pour deux raisons différentes -changement climatique, accueil des migrants - et d'agir en combinant ces deux raisons : refuser les transports en commun parcequ'ils sont plein d'étrangers.

  • Le pape François outrepasse ses droits en traitant trois sujets temporels :
    1/ les migrants
    2/ le climat
    3/ le vaccin anti-covid
    Sur ces trois sujets, les catholiques doivent garder leur indépendance d'esprit.

  • Oh ! mais ils la gardent. Et les media et les réseaux sociaux sont à leurs pieds pour que chacun puisse répandre son opinion personnelle sur le sujet.

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