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Abus sexuels cléricaux : des indemnités extrajudiciaires allouées par qui, pour qui et comment?

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art_129596.jpgLe 30 mai dernier, les évêques et supérieurs religieux belges ont publié une « repentance » dans laquelle ils reconnaissent leur responsabilité « morale » à l’égard des victimes des abus sexuels cléricaux dans le cadre d’une « relation d’autorité » et se disent « déterminés » à leur procurer -entre autres- des indemnités financières « selon leurs besoins ».

Comment et dans quelle mesure ? Voici la phrase-clé : « Les évêques et les supérieurs religieux acceptent de coopérer avec les experts de la ‘Commission de suivi’ (ndlr commission de la chambre des députés chargée du suivi des recommandations exprimées par la commission spéciale de la même chambre traitant du dossier des abus sexuels) à la mise en place d’une forme pluridisciplinaire de procédure d’arbitrage, pour les faits prescrits dont les cours et tribunaux ne peuvent plus connaître. Il leur paraît souhaitable que les arbitres aient, en outre, la faculté d’orienter les parties vers une médiation ».

Rappelons à cet égard que, dans le rapport adopté par la Chambre des Représentants le 7 avril dernier, figure la proposition de mettre sur pied un tribunal arbitral qui serait à même d’apporter une réparation aux victimes d’abus sexuels commis par des prêtres,  pour des faits  légalement prescrits auxquels on ajoute, curieusement, ceux pour lesquels les victimes ne souhaitent pas entamer une procédure judiciaire. Dans leur déclaration, les évêques nuancent donc, à juste titre : si les faits ne sont pas prescrits, la voie judiciaire doit être suivie. Seules des faits prescrits pourraient faire l’objet d’une indemnisation « arbitrale ».

Qu’est-ce qu’un tribunal « arbitral » ? C’est un tribunal (la déclaration des évêques n’emploie pas le mot mais parle d’ « une forme pluridisciplinaire d’arbitrage ») extrajudiciaire à la sentence duquel les parties acceptent de se soumettre. Dans des matières qui ne relèvent pas  (ou plus) de la législation d’ordre public, deux individus peuvent, en effet, convenir par contrat que leur litige sera jugé et tranché par un tribunal constitué sous le mode que les parties déterminent elles-mêmes. On dit alors que ce tribunal est un tribunal arbitral et la sentence qu’il prononce devient une obligation contractuelle entre les deux adversaires. Mais, en l’occurrence, de qui s’agira-t-il ? En droit belge, l’ « Eglise »,  réalité avant tout spirituelle, est dépourvue de personnalité juridique propre : quelles seraient alors –personnes morales ou physiques- les parties à la cause ?

On comprend que les évêques aient désigné avec soin leurs quatre experts : trois juristes, le professeurs Etienne Montero des Facultés de Namur et Sophie Stijns de la K.U.L., l’avocat Jean-Jacques Masquelin du Barreau de Bruxelles ainsi qu’un psychologue clinicien, le dr. Manu Keirse. Avec les deux spécialistes de la Commission parlementaire de suivi, les professeurs Paul Martens de l’université de Liège et Herman Verbist de l’université de Gand, ils formeront un sextuor chargé d’établir le projet de contrat à conclure avec les représentants des victimes soucieuses d’obtenir des dommages et intérêts malgré l’absence de faute légalement imputable

Comme disait pertinemment le député (et juriste) socialiste flamand Renaat Landuyt, « c’est seulement maintenant que le travail va commencer ». Puisque les évêques ont accepté de mettre le doigt dans l’engrenage. Affaire à suivre.

JPS

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