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Nos églises : les fermer, les démolir ? Un "déni de mémoire"?

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La situation n'est pas brillante : de nombreuses églises sont en mauvais état et les Conseils de Fabrique ne savent plus où donner de la tête. Des procédures introduites à plusieurs reprises pour demander aux diverses instances compétentes (communes, région) des subsides pour des restaurations urgentes traînent indéfiniment et les dégâts s'aggravent menaçant les édifices de ruine définitive. Face à cette situation, les autorités religieuses ne réagissent pas suffisamment et se contentent d'une gestion bureaucratique des dossiers. Surchargés, les prêtres responsables de plusieurs paroisses délaissent parfois l'une ou l'autre église de leur "unité pastorale" en raison de leur état. Par-delà la situation matérielle de ces bâtiments, c'est ce qu'ils représentent qui est menacé. Les paroissiens, moins nombreux que jadis, en sont-ils conscients? Il faudrait être plus généreux aujourd'hui qu'hier pour assurer la sauvegarde de nos clochers, c'est-à-dire être prêts à sacrifier une partie de notre patrimoine personnel pour y arriver. Or, il faut bien constater que souvent et quoi qu'on en dise, nous n'avons pas affaire à des chrétiens "héroïques" mais bien à des gens plus prompts à lever les bras au ciel qu'à ouvrir leur portefeuille.

En 2007, dans Valeurs Actuelles, l'évêque de Toulon, Monseigneur Rey, nous mettait en garde contre ce "déni de mémoire"; bien sûr, il s'agit de la situation en France, mais cela s'applique tout aussi bien à la Belgique :

“Préserver nos racines chrétiennes”

Ces églises qu’on abat, entretien avec Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon

Des églises promises à la démolition, d’autres incendiées, des sépultures profanées… Mgr Rey nous met en garde contre le “déni de mémoire”.

Derrière la morale laïque et républicaine française, il y a deux mille ans de chrétienté. Ce n’est pas militer pour une Église que de dire cela, c’est regarder l’histoire de France telle qu’elle est, et ce “long manteau d’églises” qui recouvre notre pays. Ces propos de Nicolas Sarkozy, parus dans le Figaro le 17 avril, seront-ils un jour démentis par les faits ? Un rapport du Sénat (« Les monuments historiques : une urgence pour aujourd’hui, un atout pour demain ») souligne en effet que de nombreuses églises sont promises à la démolition dans les prochaines années.

La Direction de l’architecture et du patrimoine « a mis en lumière l’état sanitaire préoccupant des monuments historiques, et en particulier des monuments classés, écrit son auteur, le sénateur Philippe Nachbar. Elle évalue à 20 % la proportion de ces monuments qui seraient en situation de péril, soit environ 2 800 sur un total de 15 000 », églises et chapelles formant l’essentiel des édifices menacés.

La plupart appartiennent à des communes rurales de moins de 2 000 habitants qui, à de rares exceptions près, « ne disposent pas des ressources suffisantes pour financer les investissements nécessaires, sans l’aide de l’État ou d’autres collectivités publiques ». Mais l’État ne débloque même plus les crédits nécessaires à la restauration de son patrimoine. En 2005, le ministère de la Culture évaluait à quatre-vingts le nombre des grands chantiers interrompus faute d’argent, qui concernaient notamment des cathédrales : la question de l’entretien se pose aujourd’hui pour tous les édifices religieux, des plus prestigieux aux plus modestes.

Beaucoup des églises menacées datent du XIXe siècle, qui connut un élan religieux considérable. D’autres ont été reconstruites après les dégradations de la Révolution, dans le style néogothique en vogue à l’époque. Selon les élus locaux concernés, ce ne sont pas des joyaux architecturaux.

Et l’on n’y sert pas la messe tous les dimanches, faute de fidèles. L’exode rural « appelle l’Église à un nouveau déploiement pastoral », souligne Mgr Dominique Rey dans le large entretien qu’il nous a accordé. Ce qui signifie, concrètement, qu’il faudrait que l’Église soit présente et visible dans les banlieues, les agglomérations nouvelles et partout où l’on a besoin d’elle. C’était aussi l’ambition de Mgr Verdier quand il a décidé de créer l’œuvre des Chantiers du cardinal, en 1931.

- Doit-on, pour autant, détruire toutes les églises menacées ?

L’enquête menée par la Tribune de l’art, consultable sur Internet (www.latribunedelart.com), malmène l’argument économique avancé par certains élus : il est parfois plus coûteux de détruire une église et de la remplacer par une salle polyvalente que de la restaurer. Chacun sait aussi que l’on peut laisser se dégrader un édifice pour prendre, ensuite, un arrêté de péril justifiant sa destruction. D’autres églises, qui ne sont pas de grand prix, forment un ensemble harmonieux avec les maisons alentour et donnent aux villages un indéniable cachet d’élégance.

« La conjonction de ces deux valeurs (historique et esthétique) confère au patrimoine une fonction politique et sociale : objet de fierté et d’attachement, il est un puissant vecteur affectif de l’identité d’un territoire ou de la nation », estime le sénateur Nachbar dans son rapport. À l’heure où l’on célèbre la fierté d’être français, peut-on détruire, sans débat, le legs de “deux mille ans de chrétienté” ?

Selon un rapport du Sénat, près de 2 800 églises rurales sont menacées de démolition, les communes ne parvenant plus à les entretenir.

- Est-ce le signe de la déchristianisation de la France ?

La fermeture de lieux de culte témoigne peut-être du rétrécissement sociologique du christianisme mais surtout du déplacement démographique vers les zones urbaines. Ce mouvement appelle l’Église à un nouveau déploiement pastoral. Le véritable défi est la nouvelle évangélisation dont parlait Jean-Paul II : comment revitaliser les communautés chrétiennes pour qu’elles adoptent une posture missionnaire ? Comment passer d’une pastorale de desserte à une pastorale d’annonce de la foi ? La sécularisation elle-même sécrète une quête de sens et de repères. C’est là que les chrétiens sont attendus.

- Par ailleurs, les incendies criminels d’églises et les profanations de tombes se multiplient. Êtes-vous inquiet ?

Oui. Ces actes doivent être condamnés quelles que soient les religions qu’ils concernent, chrétienne, juive ou musulmane. Ils manifestent une intolérance religieuse, un mépris du sacré doublement criminel. D’une part parce que les cimetières sont des lieux de mémoire. Les morts nous parlent de nos racines, de notre héritage, et l’on voudrait les faire taire. Profaner une sépulture est un acte de rupture de mémoire, de déni de culture et, finalement, de déni d’humanité.

D’autre part, les cimetières sont des lieux sacrés, comme les églises et les édifices religieux. Or, le religieux, c’est, étymologiquement, ce qui “relie” l’homme à Dieu et les hommes entre eux. S’attaquer au sacré, c’est vouloir sectionner ces liens. C’est mutiler l’homme dans son espérance et lui refuser de vivre, en lui refusant de croire.

On a parfois l’impression que les gouvernements tardent à condamner ces profanations…

Ce sont des actes mortifères, au sens propre du terme, qui manifestent l’influence, à mon sens sous-estimée, des sectes et des mouvements satanistes. Ils touchent à la conviction des croyants, et cette conviction qui concerne le sacré est elle-même sacrée : c’est le sanctuaire de la conscience qui est visé.

On aurait tort d’y voir seulement des actes dirigés contre une communauté. Le christianisme porte un message universel : la rédemption de l’humanité et son salut. Nous, chrétiens, avons une espérance pour le monde et des responsabilités vis-à-vis de ceux qui ne sont pas chrétiens ou croyants. Profaner des tombes, incendier des églises, c’est s’attaquer au christianisme dans ce qu’il a d’universel. Notre protestation n’est pas “corporatiste” : nous ne protestons pas pour les chrétiens, pas plus que les juifs ne protestent pour les juifs. Nous protestons pour l’homme, pour sa liberté de conscience.

- On entend souvent dire que ces actes sont commis par des jeunes désœuvrés…

Je veux bien admettre que certains le soient. Ces actes résonnent aussi comme un cri de désespérance… Mais leur répétition montre plutôt qu’ils sont le fait de réseaux actifs, animés par une idéologie de refus de la foi chrétienne et des signes religieux qui assurent sa visibilité. Ces actes s’inscrivent dans un contexte de négation du religieux. On sape les ressorts de notre démocratie en la privant du terreau judéo-chrétien, qui a porté les principes républicains de liberté, d’égalité, de fraternité.

Le christianisme a profondément marqué notre histoire, imprégné notre culture. En voulant émanciper l’homme vis-à-vis de ses racines religieuses, on le prive de ce qui est pourvoyeur de sens et, finalement, d’espérance. On trouve un peu partout des traces de cette idéologie, dans la législation par exemple. Nous serons très attentifs à la révision de la loi de bioéthique : nous craignons que soient remis en cause des repères constitutifs de l’humanité. Dans un autre domaine, certains médias français déconsidèrent souvent ce que le christianisme apporte à l’humanité. J’en veux pour preuve les commentaires sur le voyage du pape au Brésil.

- Vous évoquez la façon dont on a commenté ses propos sur la famille et l’accueil de la vie ?

Entre autres. Je me rends régulièrement au Brésil, je sais que le voyage du Saint-Père a eu un impact considérable dans l’Église et sur la société. Benoît XVI y est allé redire la mission de l’Église, qui est de rappeler aux hommes les “fondamentaux” de l’existence : la protection de la vie, le caractère sacré de la famille. C’est sur ces bases que l’on peut construire une société. Mais certains médias ont déconsidéré son message en le réduisant à une leçon de morale… J’y vois plus qu’un manque de déontologie : la conséquence d’un soupçon idéologique.

- Et le signe du divorce entre deux cultures, l’une laïque, l’autre chrétienne ?

Qu’on ne s’y trompe pas : la réflexion sur la laïcité est née du christianisme, qui a, dès l’origine, distingué le temporel du spirituel : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Cette distinction, bien comprise, ne signifie pas séparation. Elle ne doit pas être instrumentalisée en direction du laïcisme, c’est-à-dire du déni du religieux. Prescrire le retrait institutionnel du religieux, c’est se condamner à voir réapparaître le sacré dans des formes sauvages, hybrides et parfois violentes. Cette intolérance nourrit des attitudes liberticides. Gardons en mémoire les heures sombres où l’athéisme érigé en système idéologique (nazisme, bolchevisme) a conduit au totalitarisme et à la destruction de l’humanité.

- Il y a donc une parenté entre le totalitarisme et le laïcisme ?

Oui. Le refus de Dieu conduit ultimement à la négation de l’humain, et le refus de la transcendance au totalitarisme.

La folle prétention de la société postmoderne à vouloir atteindre le ciel par ses propres ressources n’est pas sans rappeler l’histoire de Babel avec, pour conséquence, la confusion, la dispersion et, enfin, le déclin de l’humanité.

- Que faut-il dire aux jeunes ?

Leur redonner des repères historiques, familiaux, religieux ? On ne dit pas assez que la vie est belle. Il nous faut cultiver l’émerveillement, retrouver le sens du beau pour retrouver l’étonnement de la création et, finalement, le goût de la vie. Je crois qu’une réflexion sur la mort peut nourrir une pédagogie de la vie.

Il y a une mort qui est une barbarie, qui est la conséquence de délires idéologiques et prométhéens : le communisme et le nazisme, dont Pie XI avait dénoncé la perversité dès 1937. Il est bon, de ce point de vue, que nous revisitions des lieux de mémoire, comme Auschwitz, où s’est déployé le mal.

Et puis il y a des morts qui sont vécues comme une entrée dans la vie. Je pense aux témoignages que nous ont laissés ces grands hommes et ces femmes que l’on appelle des saints. Ils nous montrent que leur vie s’éclaire à partir de la fin, de l’accès à Dieu. Il y a des morts lumineuses qui donnent du prix à chaque instant de la vie.

(Source: Valeurs Actuelles)

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