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Massacre des Coptes : un témoignage direct

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Sous le titre : "L’automne égyptien", le site Oasis publie ce témoignage traduit de l'égyptien :

Témoignage oculaire devant Dieu à propos des événements de Maspero. Publié par Basma Amin lundi 10 octobre à 5.19 h sur Facebook

[Note : Les lieux auxquels le témoignage fait référence peuvent être facilement situés sur Google Maps en tapant Ramsis Hilton Cairo. Shubra est le quartier à majorité chrétienne où le début du cortège a commencé.]

"Je vais essayer d’écrire les choses les plus importantes qui se sont produites hier. Je précise que j’ai suivi le cortège après l’appel à la prière du soir et que j’ai marché avec les manifestants jusqu’à ce que débute l’attaque des voyous provocateurs (baltageyya) à proximité de Maspero. J’étais présente lorsque l’armée a ouvert le feu avec les blindés sur les manifestants. Je suis restée dans le Ramsis Hilton jusqu’à neuf heures du soir. Je suis sortie de l’Hilton en direction de la Place Tahrir du côté du musée égyptien. (cliquer sur lire la suite pour continuer)

Première chose, il y a quelques jours j’ai entendu parler du cortège par hasard sur internet. Ensuite, un des participants m’a téléphoné, un garçon chrétien qui s’appelle ‘Âdel et que je connais depuis la Place [Tahrir], et il m’a demandé de venir munie d’une caméra avec les journalistes pour couvrir le cortège, qui devait commencer à Shubra et qui devait se diriger vers Maspero.

‘Âdel était au téléphone avec moi tout le temps pour me permettre de suivre [les faits] avec lui jusqu’à ce que j’arrive sur les lieux. Il m’a dit que la préparation avait commencé tôt le matin à Shubra. Puis le cortège est arrivé près de Bulaq Abu l-‘Ala’, à côté de l’arrêt de Isaaf. À ce stade, nous avons commencé à filmer.

Tout était très tranquille. La majorité des participants étaient des femmes et des enfants, des familles, des gens normaux et il y avait de nombreux musulmans qui participaient et partout des personnes se penchaient aux fenêtres pour regarder. En somme [les soldats] ont pu se rendre compte que les manifestants ne portaient pas d’arme et rien de tout ce qu’on a pu dire par la suite. Ils nous ont dit que certains provocateurs de la zone de Sabtiah leur avaient lancé des blocs de béton et des morceaux de verre alors qu’ils passaient sous le tunnel Ahmed Helmy et à ce point je me suis rendu compte que les problèmes allaient commencer, comme d’habitude.

Puis, lorsque le cortège est arrivé assez près du Ramsis Hilton nous avons commencé à voir que des blocs de béton étaient jetés sur le cortège depuis les rues latérales et les gens se sont mis à courir. Les femmes et les enfants ont commencé à s’enfuir et les jeunes à répondre aux attaques. Les gens ont maintenu une attitude pacifique malgré tout et pour échapper aux provocateurs tous se sont dirigés vers Maspero, comme cela était prévu dès le début.
Nous avons été surpris par un bruit très fort de tirs à blanc du côté de Maspero et en un coup un mouvement désordonné s’est formé, des cris se sont élevés et les gens ont commencé à courir. À ce moment, je me trouvais sous le pont en direction du Nil et devant moi il y avait un photographe. Et d’un coup j’ai vu les blindés de l’armée ouvrir le feu vers nous et sur les gens, au hasard. C’était comme dans un cauchemar et cela m’a rappelé le 28 janvier [première journée d’affrontements violents à Tahrir]. Les blindés continuaient à tourner et à tirer.
Alors je suis retournée vers l’entrée du Ramsis Hilton. Scène de panique. Les blessés allaient et venaient de la porte de l’hôtel. Les gens les faisaient s’étendre par terre. J’ai vu des gens frappés par des balles au ventre et au visage, beaucoup étaient évanouis et à cette vue j’ai commencé à perdre le contrôle. De nombreuses femmes décrivaient les blindés et disaient qu’ils écrasaient les jeunes en les tuant. Un jeune qui était en tête du cortège est venu et il a dit la même chose.
Il y avait un climat d’hystérie, de terreur et des cris terribles, mais la chose bizarre est que les discours et les réactions des gens étaient contradictoires. Pour certains, les responsables étaient l’armée, ils haussaient la voix et insultaient le Conseil militaire en l’accusant d’avoir tout organisé pour faire croire aux gens l’histoire de la fitna [la division entre chrétiens et musulmans] de manière à [les distraire et] éviter les critiques. Les autres étaient convaincus que tout le problème était causé par les “salafistes” [= extrémistes islamistes] qui s’étaient mis d’accord avec le Conseil militaire pour exterminer les chrétiens et faire place nette, en brûlant les églises et en les tuant avec des armes lourdes, comme cela s’était produit.

Je suis restée à l’entrée [du Hilton] jusqu’à ce que le photographe revienne et nous sommes entrés dans l’hôtel après de nombreuses tentatives et astuces [qui n’ont pas fonctionné]. Je suis restée à l’intérieur de l’hôtel jusqu’à 21 heures. De nombreux blessés sont entrés et ils nous tenaient à l’œil. Nous suivions ce qui était en train de se produire à Maspero depuis les fenêtres de l’hôtel.

Tandis que nous étions encerclés à l’intérieur de l’hôtel, mes amis m’ont téléphoné de Tahrir en me disant qu’une quantité impressionnante de forces était descendue sur la place après que soit parvenue la nouvelle que des manifestants se trouvaient là et ils ont utilisé les gaz lacrymogènes. Un de nos amis a aussi été touché par une cartouche. Ce discours a été confirmé par plus d’une personne fiables.

Cependant, à 21 heures beaucoup de personnes ont commencé à sortir [de l’hôtel] et ils nous disaient : « Allez-y, maintenant il n’y a plus de danger, vous pouvez esquiver par les rues latérales ». Nous avons formé un petit groupe compact avec une famille chrétienne composée d’une mère et de ses deux jeunes fils et un groupe de femmes chrétiennes qui étaient allées à la manifestation le matin et nous sommes sorties de l’hôtel. Elles m’ont dit : « Reste au milieu de nous parce que quand ils verront une musulmane avec le voile, ils ne nous frapperont pas ! ». Ce fut une sensation douloureuse, sincèrement je n’ai pas compris pourquoi elles ont dit cela, étant donné que j’étais complètement convaincue que l’armée tirait au hasard et que la question n’était pas du tout confessionnelle, comme le démontre le fait que de nombreux blessés et de nombreux morts sont musulmans, comme nous l’avons appris plus tard.

À l’entrée de Abd el-Moneim Riad en venant du Musée cela m’a surpris de voir une quantité énorme de police militaire en tenue anti-émeute. Il y avait aussi avec eux des civils avec des casques, des gilets pare-balles et des bâtons, comme lorsque l’on a évacué la Place le premier août. Le même système idiot qui utilise les troupes en civils ou des éléments provocateurs. Ils se dirigeaient vers Maspero de Tahrir. Nous avons couru très rapidement vers Ramsis afin qu’ils ne nous reconnaissent pas comme étant des manifestants. Sincèrement je ne comprenais pas ce qu’ils faisaient exactement et s’ils avaient l’intention de frapper les manifestants ni qui ils étaient, mais leur aspect n’était pas rassurant.
Nous sommes arrivées à l’arrêt Nasser à l’Isaaf et tout le long de la route il y avait de grands attroupements de personnes, cela ressemblait à des comités populaires et on ne comprenait pas si c’était des voyous ou des manifestants ou des curieux ou quoi précisément, mais désormais je n’étais plus capable de me concentrer sur les événements. J’étais presque en transe. Puis nous sommes montées dans le métro et nous sommes rentrées chez nous.

Avec mon témoignage, je désire clarifier ce qui suit :
- Le cortège des coptes était pacifique dès le début et il y avait de nombreux musulmans et des petites gens qui solidarisaient avec les manifestants ;
- Les voyous ont attaqué les gens à deux reprises, la première au tunnel Ahmed Helmy et la seconde près du Ramsis Hilton ;
- L’armée a tiré à blanc et avec de vrais projectiles sur les gens et les blindés ont écrasé les jeunes qui étaient dans les premiers rangs. C’est ainsi que témoignent de très nombreuses personnes. J’ai vu les signes des projectiles sur leurs corps ;
- La question au début n’était pas du tout confessionnelle contrairement à ce que disent les télévisions et le Conseil militaire pour enflammer les esprits. Ce sont eux qui tentent de le faire apparaître ainsi.

Voilà mon témoignage devant notre Seigneur. Celui qui veut le croire est bienvenu. Celui qui ne veut pas, qu’il aille regarder la Première Chaîne, qu’il se fasse un bon lavage de cerveau et qu’il disparaisse.

(Original : dialecte égyptien)

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