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Catholicisme et culture européenne

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L’Agence Zénit a reproduit in extenso, le 20 décembre dernier, une communication que Philippe Capelle-Dumont, professeur à la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris a faite à Rome devant les invités de deux aréopages pontificaux : le Conseil des conférences épiscopales européennes (CCEE) et le Conseil pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Thème de circonstance, pour le 40e anniversaire de la CCEE : « catholicisme et culture européenne ».

Talleyrand disait, en plaisantant, que la parole avait été donnée à l’homme pour cacher sa pensée. Mais Talleyrand était un diplomate et un politicien. Ce n’est heureusement pas le cas ici, même si l’exposé n’échappe pas tout à fait au langage qui sied aux cénacles académiques. Résumons ce que nous en avons retenu.

 Le professeur Capelle-Dumont s’interroge sur les rapports du christianisme avec la modernité et la post-modernité.

 L’Europe chrétienne s’est développée, ce qu’une lecture aussi arrogante qu’amnésique oublie, sur le double horizon de l’universalité et de la liberté, sur fond de distinction (au moins théorique) du spirituel et du temporel. En soi, la sécularisation est née du catholicisme, de son refus d’une totalité fusionnelle : il diffracte les pouvoirs (subsidiarité) et les savoirs (théologie, philosophie, science) sous le regard du don de Dieu. Mais la sécularisation laïciste de ce mouvement opérée dans la foulée les Lumières,  a induit une triple tentation pour le christianisme : celle de se dissoudre dans l’humanisme politique, la ferveur esthétique et la recherche des rythmes de la vie.

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Et voici qu’à la modernité résorbant l’espérance chrétienne dans le mythe du progrès immanent et auto-référent, succède aujourd’hui la postmodernité. Les philosophies de l’histoire font place à un âge nouveau exaltant tous les possibles : du relativisme des valeurs au développement des identités les plus diverses : si le moderne accompli est hégélien, le postmoderne est plutôt  nietzschéen car, constate l’orateur, telle est sa plaidoirie : « il veut faire parler les forces pulsionnelles de la vie par-delà le bien et le mal, dans l’éternel retour des nécessités indissolubles » : espoir désenchanté d’un monde qui rabat tout dehors dans le dedans, toute transcendance dans un immanentisme sans frein, sans altérité, dont les conséquences seront dans un proche avenir, assurément désastreuses.

 Réduit au seul monde de la « contribution civique », le christianisme de la post-modernité ne pourrait que mourir selon les trois modes décrits plus haut. Or, sans être totalisant, le christianisme est intégral : il ne récapitule pas l’histoire mais il en incarne le trait divin.

 Quelle stratégie choisir face à ce double mouvement séculariste et post-moderne ?

 Au cours des  années « conciliaires » (1960 et 1970, sans compter les prodromes) on a largement orchestré une instrumentalisation de la « kénose » (abaissement du Christ pour notre salut), comprise comme un christianisme dialectiquement enfoui, comme le levain dans la pâte, pour produire par induction un « monde des significations » : en fait, c'est l'habillage théologique délirant de la disparition sociale et mentale d’un christianisme «enfin parvenu à sa propre auto-compréhension » !

 A cette stratégie de la « kénose », on oppose plus volontiers aujourd’hui son contraire : le « kerygme », témoignage proclamatoire explicite (« vous êtes la lumière du monde » mt. 5, 13-14) et émotionnel  dont l’orateur se demande s’il est plus à la hauteur des difficultés structurelles rencontrées par le christianisme dans le monde d’aujourd’hui.

 C’est à partir d’une troisième position (Urs von Balthasar, Radical Orthodoxy) préconisant un recentrage sur l’affirmation sereine, publique et cohérente d’une révélation spécifique au peuple élu (se dissociant des manifestations archétypales du divin) que l’orateur définit son point de vue, en allant, dit-il, « un pas plus loin ».

 Est-il suffisant, interroge-t-il, de rechercher par la « conversation civique » un dénominateur commun des « valeurs » capables de fonder une normativité universelle ? Le problème est de savoir si nous avons la capacité de « nouer un langage  d’universalité dans un langage de tradition » ? N’y a-t-il pas une manière chrétienne, catholique, de traiter la question de l’identité de sorte qu’un universel  « opératoire » puisse surgir ? Dans la création se trouvent des germes, des dispositions naturelles à l’ « alliance » : structure biblique que Dieu révèle et à laquelle il nous convie. Cette invitation à la racine du christianisme, le conférencier la formule, dans un contexte européen, à partir de trois principes conducteurs :

 -la différenciation, qui s’oppose à la fragmentation post-moderne et s’appuie dans sa démarche sur l’alliance originaire de la foi chrétienne avec la recherche raisonnable de la vérité (la « religio vera » des Pères de l’Église) : « la tâche d’unité des savoirs ne se superpose pas à la recherche différenciée des savoirs, elle s’y dispose » ;

 -la reconnaissance d’alliance fondée sur la communication (« message is medium » a dit Mac Luhan : en ce sens, la sacramentalité est un socle fondamental pour la mise en jeu de la reconnaissance humano-divine) y compris sur le plan interreligieux, en favorisant, dans l’examen des « choses-mêmes » une herméneutique et des communicants authentiques ;

 -la délivrance aussi éloignée que possible d’une éthique des « valeurs communes », délivrée d’une représentation anhistorique du Rédempteur et, plus encore, affranchie des théodicées sécularisées qu’a tragiquement éprouvées le 20è siècle, mais surgissant de ce désir de Dieu dans la conscience qui s’éprouve à tout instant, capable de se reprendre sur ce qu’elle est et sur ce qu’elle fait.

C’est l’éthique de la relation, comme aurait dit le philosophe Marcel De Corte dont l’un des cours à l’université de Liège s’intitulait d’ailleurs : « Philosophie et morale de la relation ».

Texte de la conférence ici :Catholicisme et culture européenne », par le Prof. Capelle-Dumont

 

 

 

 

 

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