Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La trajectoire la plus incroyable dans l'Allemagne du XXe siècle

IMPRIMER

« Mon frère, le pape », par Georg Ratzinger et Michael Hesemann (source : ZENIT.ORG)

En parlant avec Mgr Georg Ratzinger, Michael Hesemann s’est forgé deux convictions essentielles : d’un côté, il y a un « secret de famille » qui explique  la trajectoire impressionnante des deux frères Ratzinger ; de l’autre, la providence de Dieu, dès avant la naissance de Joseph, a posé les fondations qui l’ont mené jusqu’au Siège de Pierre.

Il raconte à Zenit  « la carrière la plus incroyable de l’Allemagne du XXe siècle, à l’occasion de la publication du livre en anglais.

Zenit – Quelle a été votre votre expérience personnelle avec Mgr Ratzinger : comment avez-vous transcrit ses souvenirs ?

M. Heseman – Lorsque Benoît XVI a été élu et a annoncé qu’il viendrait en Allemagne pour la Journée mondiale de la jeunesse à Cologne, un de mes éditeurs m’a demandé d’écrire une biographie du nouveau pape. N’ayant que deux semaines pour mener à bien ce projet, je n’étais pas en mesure de faire une recherche en profondeur, mais cela m’a donné l’idée de faire un jour l’interview de Georg Ratzinger, premier témoin de la carrière la plus incroyable de l’Allemagne du XXème siècle – celle du fils d’un gendarme de campagne devenu le chef spirituel de plus d’un milliard de catholiques. Ce n’était encore qu’une idée et j’étais certain que, tôt ou tard, quelqu’un de bien plus proche de lui ferait ce travail et écrirait un livre avec lui. J’ai attendu longtemps, mais rien ne s’est passé.

Six ans plus tard, je donnais une conférence sur l’histoire de l’Eglise, dans un monastère près de Ratisbonne, lorsqu’une femme, qui représentait l’initiative « L’Allemagne pour le pape », est venue me dire qu’elle était invitée pour le thé chez Georg Ratzinger et m’a proposé de me joindre à elle. J’ai accepté bien sûr, puisque j’avais toujours désiré le rencontrer. Nous avons passé un après-midi agréable, dans un climat de respect apparemment mutuel et, trouvant que mon hôte était une personne merveilleuse et un grand narrateur, je lui ai demandé franchement s’il accepterait de m’accorder une interview. Il a été d’accord - même lorsque j’ai évoqué l’idée qu’il pourrait s’agir d’ « un petit livre » - et m’a prié de le recontacter l’année suivante ; cela se passait en effet deux semaines avant Noël, et il devait s’envoler pour aller rendre visite à son frère, le pape, à Rome.

Nous sommes restés en contact. Il devait d’abord subir une opération du genou et, quand il s’est senti rétabli, il a accepté. C’est ainsi qu’en mai 2011, après une longue préparation, j’ai passé une semaine entière à Ratisbonne, où il résidait, en le rencontrant le matin et l’après-midi, et j’ai enregistré une dizaine d’heures d’une interview assez longue et détaillée. Je l’ai retranscrite, j’ai écrit le livre et, un mois plus tard, j’ai rencontré de nouveau Georg Ratzinger pendant une semaine, pour lui lire le manuscrit. Il fallait que je le lise à haute voix, parce que Mgr Ratzinger n’a que 10% de vision, car il souffre d’une dégénérescence maculaire (DMLA) et ne peut pas donc pas corriger un manuscrit écrit. Après des corrections et des ajouts, le manuscrit a été imprimé avant que Georg Ratzinger ne s’envole de nouveau vers Rome pour retrouver son frère. Nous nous étions mis d’accord tous les deux pour laisser le soin du verdict final à Mgr Georg Gänswein, le secrétaire personnel du pape ; nous ne publierions le livre qu’avec son accord. Un très amical « nihil obstat » de Mgr Gänswein m’est parvenu début juillet et le livre a été mis sous presse, juste à temps pour la visite de Benoît XVI en Allemagne, en septembre 2011.

D’après vous, quelle est la partie la plus marquante de ce livre ?

Honnêtement, ce qui m’intéressait le plus, c’était de savoir s’il y avait quelque chose comme le doigt de Dieu dans la biographie du pape, quelque indication d’un rôle joué par la providence, ou si c’était juste par hasard qu’il était devenu le 265èmesuccesseur de saint Pierre. Ce que j’ai trouvé, c’est un « fil rouge » qui parcourt toute sa vie, remontant même plus loin dans le passé, bien avant sa naissance. Ses grands-parents se sont mariés en Autriche dans une église de pèlerinage où, un siècle plus tôt, la Vierge Marie avait accompli un miracle, son image étant apparue dans un vitrail. Ses parents se sont mariés parce que son père avait mis une annonce dans la revue du pèlerin d’Altötting, le sanctuaire marial le plus important de Bavière. Il est né un samedi saint et a été baptisé avec l’eau bénite qui venait d’être consacrée, à quelques kilomètres à peine d’Altötting. Et, plus important encore : il n’a jamais eu d’autre ambition que de devenir prêtre. Il était heureux comme chapelain dans une paroisse de Munich, avant d’être appelé à enseigner au séminaire de Freising. Il était heureux comme professeur de théologie, lorsqu’on l’a appelé à participer au Concile Vatican II. Il voulait enseigner, vivre et mourir à Ratisbonne ; il y a même fait construire une maison et a transféré la tombe de ses parents de Traunstein à Ratisbonne, lorsqu’il a été nommé archevêque de Munich par le pape Paul VI. Il a refusé et résisté trois fois quand Jean-Paul II l’a appelé à Rome, jusqu’à ce que le pape lui ordonne littéralement de venir. Il espérait prendre sa retraite, il voulait écrire d’autres livres et voir davantage son frère quand il a été élu pape, ce qu’il a comparé, dans un de ses premiers discours, à une exécution capitale. Il a été littéralement trainé en haut des échelons de sa carrière jusqu’à ce qu’il ait atteint la position que Dieu avait choisie pour lui

Y a-t-il, dans le livre, des moments qui semblaient plus difficiles à révéler pour Mgr Ratzinger ?

Pour Mgr Georg Ratzinger, le souvenir des moments tragiques de leur vie familiale était plus douloureux. La mort de leurs chers parents et de leur merveilleuse sœur Maria, qui a littéralement sacrifié sa vie pour Joseph, son plus jeune frère. A certains moments il avait réellement les larmes aux yeux, tant il était ému. Il était clair que sa famille comptait énormément pour lui.

Que voudriez-vous que les lecteurs emportent avec eux, après la lecture de « Mon frère, le pape » ?

Ce livre n’est pas seulement une source d’inspiration pour les jeunes gens qui sont appelés au sacerdoce ; c’est avant tout une leçon pour chacun de nous qui avons une famille. Nous savons tous combien les familles sont divisées aujourd’hui, combien elles souffrent de situations de méfiance, de conflit, de divorce. La famille Ratzinger est un modèle pour toutes les familles, parce qu’elle était, et elle est encore, simplement basée sur l’amour et le respect mutuel. C’était une famille si forte qu’elle a réussi à surmonter les turbulences d’une période particulièrement troublée, même la terreur des nazis et la brutalité de la IIème guerre mondiale. Ils ont simplement résisté au « Zeitgeist », à l’esprit du monde ; ils ont visiblement été préservés des tentations et des influences de l’extérieur. Il y a une recette secrète – on pourrait l’appeler « le secret de la famille Ratzinger » –  pour comprendre comment ils ont réussi cela et ce secret est double : leur foi profonde en Dieu et leur racines profondément ancrées dans la tradition catholique. Aux Etats-Unis, on dit : « Une famille qui prie ensemble, reste ensemble » et la famille Ratzinger est vraiment la preuve que c’est vrai. Ils ont eu, bien sûr, les mêmes problèmes que toutes les familles normales, des difficultés liées aux différences de tempéraments, des petites disputes, des inquiétudes, etc. Mais lorsqu’ils étaient confrontés à un problème, quel qu’il soit, ils trouvaient la solution dans la prière. Ils le déposaient aux pieds de la Vierge Marie, en priant le chapelet, ils invoquaient l’aide de Dieu et des saints, et ils trouvaient aide et réconfort. Leur amour de Dieu enrichissait et fortifiait leur amour mutuel ; leur prière était la source de leur force. En participant aux fêtes de l’Eglise, ils sanctifiaient leur vie quotidienne, tout au long de l’année. Et cela, toutes les familles peuvent le faire. Nous avons tous à redécouvrir la puissance de la prière commune. Il faut que nous retournions à l’église, que nous recommencions à participer à la messe régulièrement, que nous soyons attentifs aux fêtes liturgiques de l’Eglise. Si nous faisons cela, si nous apprenons vraiment à prier ensemble, si nous spiritualisons notre vie de famille, il n’y aura pas de crise, de dispute, de divorce. Essayez ! Je vous garantis que ça marche !

C’est ce qui explique le grand mystère de la famille Ratzinger : comment se fait-il que des parents plutôt simples, un policier de campagne, (un genre de shérif bavarois) et une cuisinière dans un hôtel aient eu deux fils qui sont, l’un et l’autre, des génies dans leur genre ? Georg Ratzinger, chef de chœur de renommée mondiale, musicien et compositeur, a fait le tour du monde, du Japon aux Etats-Unis, avec ses « Regensburger Domspatzen » (le Chœur des enfants de la cathédrale de Ratisbonne) ; et Joseph Ratzinger, d’abord le plus grand théologien de notre époque, est aujourd’hui pape. Leurs parents, qui étaient des gens simples, n’étaient certainement pas leur source principale d’inspiration intellectuelle et artistique, mais ils les ont guidés vers la meilleure source, la plus exaltante : l’Eglise catholique ! La beauté, la richesse, la spiritualité et les enseignements de l’Eglise ont stimulé leur esprit à tous les deux et ont déterminé leur aspirations artistiques et intellectuelles. Quel don plus grand des parents peuvent-ils faire à leurs enfants que la richesse de la foi chrétienne, la beauté exaltante de l’Eglise ?

Quelle influence a eue sur vous cette expérience inédite

Honnêtement, les semaines que j’ai pu passer à travailler sur ce livre avec Mgr Ratzinger sont parmi les plus belles de ma vie. Non seulement j’ai eu la chance d’apprendre beaucoup sur les traditions, la richesse et la beauté du catholicisme bavarois (n’étant pas bavarois, moi-même, mais originaire du Rhin), mais j’ai avant tout rencontré un homme qui vit et qui personnifie le meilleur de la foi catholique. Georg Ratzinger fait partie des personnes les plus merveilleuses, chaleureuses, généreuses, humbles et bonnes que j’ai rencontrées dans ma vie, et je garderai précieusement le souvenir du privilège que j’ai eu de le rencontrer et de travailler avec lui sur ce livre.

Ayant eu l’honneur de rencontrer plusieurs fois Benoît XVI, je peux vous assurer que, sur ce point, ils se ressemblent beaucoup – humbles, un peu timides même, doux et chaleureux. C’est toujours fascinant de voir comment le pape allie aussi harmonieusement la foi simple, rurale, terre à terre de son enfance à son génie théologique. Cela fait de lui quelqu’un de très particulier, d’unique. Benoît XVI est en même temps un homme à la foi profondément enracinée et un brillant intellectuel, l’un des plus grands esprits de notre temps. Après Jean-Paul II, le grand missionnaire, l’Eglise avait besoin d’un enseignant, de quelqu’un qui renforce ses fondations. Travailler sur ce livre m’a aidé à mieux le comprendre en découvrant ses racines, et je suis sûr que mes lecteurs feront la même expérience. Vous comprendrez pourquoi il est « la bonne personne au bon moment » pour le Siège de Pierre, pour le magistère de l’Eglise catholique, véritablement choisie par la providence.

Traduction d’Hélène Ginabat

ZENIT rend des services inestimables et a besoin de votre soutien. Cliquer ici.

Commentaires

  • N'ayant pas lu le livre, une phrase (est-elle bien traduite ?) pose problème, que veut donc dire : "leur merveilleuse sœur Maria, qui a littéralement sacrifié sa vie pour Joseph, son plus jeune frère". J'espère que cela ne signifie pas que les femmes sont destinées à se sacrifier pour leur famille ?

Les commentaires sont fermés.