Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un arrêt de la CEDH constitue une sérieuse défaite pour le lobby homosexuel

IMPRIMER

Pour la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH), la limitation de l’accès à l'AMP* aux couples hétérosexuels et le rejet de la demande d’adoption d’un enfant par la partenaire homosexuelle de sa mère ne sont pas discriminatoires (source : http://www.cpdh.info)

Strasbourg, le 15 mars 2012 - La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a jugé, dans un arrêt rendu dans l’affaire GAS et DUBOIS c. France (Requête no 25951/07), que la France n’a pas violé la Convention européenne des droits de l’homme en refusant à une femme homosexuelle la faculté d’adopter l’enfant de sa partenaire, et en limitant l’accès à l'aide médicale à la procréation (AMP*) avec donneur aux couples hétérosexuels.

L’ECLJ salue cet arrêt qui apporte des précisions importantes sur la question de l’adoption et de la procréation artificielle pour les partenaires homosexuels. Cet arrêt confirme la tendance récente de la Cour à une plus grande retenue judiciaire. Enfin, cet arrêt est susceptible d’avoir d’importantes conséquences sur la négociation de la Recommandation sur les droits et le statut juridique des enfants et les responsabilités Parentales, ainsi que sur un certain nombre d’autres affaires pendantes devant la CEDH. Dans l’ensemble, on peut analyser cet arrêt comme une défaite sévère de la « cause homosexuelle »[1], la Cour européenne ayant fait preuve de modération et de rigueur dans son interprétation de la Convention.

L’affaire concerne le refus par les tribunaux français de la demande d’une femme d’adopter l’enfant que sa partenaire de même sexe avait conçu à l’étranger par procréation artificielle avec tiers donneur anonyme. Les juridictions françaises avaient refusé l’adoption parce qu’elle aurait eu pour effet de priver la mère biologique de ses droits et de son autorité parentale sur l’enfant, et aurait par suite été contraire à l’intérêt de l’enfant.

Les requérantes se plaignent du rejet de la requête de Mme Gas d’adopter l’enfant de Mme Dubois. Elles affirment que cette décision a porté atteinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale et était discriminatoire, en violation de l’article14 (interdiction de la discrimination) conjointement avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme. Les requérantes se plaignaient en particulier de ce que l’article 365 du code civil français énonçait une règle qui s’appliquait uniquement aux couples mariés et non aux partenaires d’un PACS. Cette règle dispose que l’adoptant est seul investi de tous les droits de l’autorité parentale, sauf s’il est le conjoint marié du père ou de la mère de l’enfant, auquel cas ils peuvent avoir la responsabilité parentale conjointement. Considérant qu’en France le mariage n’est ouvert qu’aux couples composés d’un homme et d’une femme et que par conséquent elles ne pouvaient adopter l’enfant de leur partenaire, les requérantes se plaignent de discrimination. Selon elles, cela constituerait une discrimination indirecte fondée sur l’orientation sexuelle des parents et porterait préjudice à l’enfant.

La requête a été soumise à la Cour le 15 juin 2007. Elle a été communiquée au gouvernement français le 19 mai 2009 et déclarée recevable le 31 août 2010.

Dans son arrêt sur le fond, la Cour a d’abord rappelé les principes généraux suivant lesquels les différences de traitement fondées « sur l’orientation sexuelle doivent être justifiées par des raisons particulièrement graves »[2], mais que « la marge d’appréciation dont jouissent les Etats pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement est d’ordinaire ample lorsqu’il s’agit de prendre des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale [3]» (§§ 59 et 60).

L’adoption au sein des couples homosexuels
Les requérantes soutiennent que le refus opposé par les juridictions françaises de prononcer l’adoption a porté atteinte à leur droit à la vie privée et familiale de façon discriminatoire. Elles allèguent subir une différence de traitement injustifiée en tant que couple homosexuel par rapport aux couples hétérosexuels, qu’ils soient mariés ou non.

En réponse, la Cour réaffirme que l’article 12 de la Convention, qui garantit seulement à l’homme et à la femme le droit de se marier, « n’impose pas aux gouvernements des Etats parties l’obligation d’ouvrir le mariage à un couple homosexuel »[4]. La Cour rappelle également que « Le droit au mariage homosexuel ne peut pas non plus se déduire de l’article 14 combiné avec l’article 8 [5]» (non discrimination dans la vie privée et familiale). De plus, « elle a estimé que lorsque les Etats décident d’offrir aux couples homosexuels un autre mode de reconnaissance juridique, ils bénéficient d’une certaine marge d’appréciation pour décider de la nature exacte du statut conféré[6] ». Ce statut particulier n’a pas à être identique à celui conféré par le mariage. En effet, comme la Cour l’a rappelé à plusieurs reprises « le mariage confère un statut particulier à ceux qui s’y engagent. L’exercice du droit de se marier est protégé par l’article 12 de la Convention et emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques[7] ». La Cour en a déduit que « l’on ne saurait considérer, en matière d’adoption par le second parent, que les requérantes se trouvent dans une situation juridique comparable à celle des couples mariés. »

En outre, les couples hétérosexuels pacsés n’ont pas d’avantage la possibilité d’adopter l’enfant de leur conjoint. La Cour ne relève donc pas de différence de traitement fondée sur l’orientation sexuelle des requérantes. (§69)

L’accès aux techniques de procréation artificielle pour les lesbiennes
L’autre apport majeur de cet arrêt porte sur le caractère non discriminatoire de la législation française qui réserve aux couples hétérosexuels infertiles l’accès à l’insémination artificielle avec donneur anonyme de sperme (IAD). Selon la Cour, réserver cette technique aux couples hétérosexuels infertiles n’est pas discriminatoire car, d’une part les couples hétérosexuels et homosexuels ne sont pas en tout comparables, et d’autre part, parce que l’accès à cette technique est « subordonné à l’existence d’un but thérapeutique ». En droit français, ce but thérapeutique doit viser notamment à remédier à une infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement constaté ou à éviter la transmission d’une maladie grave. Or, l’infertilité des couples homosexuels n’est pas causée par une telle pathologie physique. Il s’agit ici d’une prise de position très importante, car la stratégie des couples homosexuels est de se placer sur le terrain du droit à l’accès aux soins de santé. Or, leur infertilité n’est pas pathologique, et la fonction de la médecine n’est pas de satisfaire artificiellement leur désir d’enfants. L’insémination artificielle avec donneur anonyme n’est cependant pas, à proprement parler, une thérapie, car l’infertilité n’est pas traitée.

Subsidiarité : différence entre le politique et le juridique.
Cet arrêt est également très important en ce qu’il manifeste un plus grand respect par la Cour pour le principe de subsidiarité, et en particulier envers la distinction entre le domaine de la Convention européenne et celui de la politique. Comme le Président Costa l’indique dans son opinion séparée publiée à la fin de l’arrêt, « il y a des domaines dans lesquels le législateur national est mieux placé que le juge européen pour changer des institutions qui concernent la famille », « dans une matière comme celle-ci, qui touche à de vrais problèmes de société, il incombe à la Cour de censurer aussi radicalement le législateur ». En ce sens, le Gouvernement français avait souligné à l’audience que l’ensemble du droit français de la filiation est fondé sur l’altérité sexuelle. Compte tenu de cette approche, qui relève d’un choix de société, la mise en place de la possibilité pour un enfant d’avoir une filiation établie uniquement à l’égard de deux femmes ou de deux hommes constituerait une réforme de principe qui ne pourrait émaner que d’un Parlement.

Il faut se réjouir de cette attitude de retenue, attitude qui s’inscrit dans le contexte plus général du processus de réforme de la Cour, lequel a été causé en grande partie par la volonté des Etats de restaurer leur légitimité face à l’autorité de la Cour.

Cet arrêt est une sévère défaite pour le lobby homosexuel et la coalition d’ONG qui ont porté cette affaire qui, à l’inverse, tente d’utiliser la Cour européenne pour imposer, par le haut, ses intérêts et ses choix de société.

D’importantes conséquences potentielles
Cet arrêt devrait aussi avoir des conséquences sur d’autres affaires actuellement pendantes devant la Cour européenne, concernant l’adoption, le mariage et le partage de la responsabilité parentale au sein des couples homosexuels, ainsi que la procréation artificielle et les mères porteuses[8]. Il s’inscrit en outre dans le contexte de la délicate négociation en cours au sein du Comité des Ministres sur le projet de «Recommandation sur les droits et le statut juridique des enfants et des responsabilités parentales». Cette Recommandation vise à définir au niveau européen des principes nouveaux du droit de la famille afin d’intégrer les divers moyens de procréation artificielle (y compris la maternité de substitution) et les nouveaux types de « parentalité » (homosexuelle, artificielle, union libre, partenariat enregistré, mariage). En Octobre 2011, le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) du Conseil de l'Europe avait décidé, après d’intenses négociations, de retirer du projet une disposition controversée (Principe 17, § 3) qui avait précisément pour but de recommander aux Etats membres l'établissement de la filiation maternelle pour la femme qui est la conjointe, la partenaire enregistrée ou concubine de la mère d’un enfant conçu par procréation artificielle. Au terme des négociations, seuls la Norvège, la Suède et les Pays-Bas avaient maintenu leur volonté de conserver cette disposition, à l’encontre du consensus exprimé par les autres gouvernements.

L’arrêt de la Cour dans l’affaire Gas et Dubois vient finalement confirmer la décision adoptée par les États membres sur cette question, et devrait avoir un impact sur la suite de la négociation de cette Recommandation et sur les arrêts à venir.

DOCUMENTS
- Affaire GAS ET DUBOIS c. France (Requête no 25951/07)15 mars 2012
- X. and others v. Austria, n° 19010/07
- Bonnaud and Lecoq v. France,n° 6190/11
- Chapin and Charpentier v. France, n° 40183/07
- Draft recommendation on the rights and legal status of children and parental responsibilities, and its draft explanatory memorandum CDCJ 2011 15.
- Rapport de réunion du Comité européen de coopération juridique sur le Projet de recommandation sur les droits et le statut juridique des enfants et les responsabilités parentales - CDCJ (2011) 15 VERSION FRANCAISE

 

* * *

 

The European Centre for Law and Justice is an international, Non-Governmental Organization dedicated to the promotion and protection of human rights in Europe and worldwide. The ECLJ holds special Consultative Status before the United Nations/ECOSOC since 2007. The ECLJ engages legal, legislative, and cultural issues by implementing an effective strategy of advocacy, education, and litigation. The ECLJ advocates in particular the protection of religious freedoms and the dignity of the person and life with the European Court of Human Rights and the other mechanisms afforded by the United Nations, the Council of Europe, the European Parliament, the Organization for Security and Cooperation in Europe (OSCE), and others. The ECLJ bases its action on “the spiritual and moral values which are the common heritage of European peoples and the true source of individual freedom, political liberty and the rule of law, principles which form the basis of all genuine democracy” (Preamble of the Statute of the Council of Europe).

 

***

[1] La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Commission internationale des Juristes (ICJ), l’European Region of the International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA-Europe), la British Association for Adoption and Fostering (BAAF) et le Network of European LGBT Families Associations (NELFA).
[2] Karner c. Autriche, no 40016/98, § 37, CEDH 2003-IX, L. et V. c. Autriche, nos 39392/98 et 39829/98, § 45, CEDH 2003-I, Smith et Grady c. Royaume-Uni, nos 33985/96 et 33986/96, § 90, CEDH 1999-VI, et Schalk et Kopf c. Autriche, no 30141/04, §§ 96 et 97, CEDH 2010
[3] voir, par exemple, Schalk et Kopf, précité, § 97
[4] Schalk et Kopf, précité, §§ 49 à 64
[5] ibid., § 101
[6] (ibid., § 108)
[7] Burden, précité, § 63, et Joanna Shackell c. Royaume-Uni (déc.), no 45851/99, 27 avril 2000 ; voir aussi Nylund c. Finlande (déc.), no 27110/95, CEDH 1999-VI, Lindsay c. Royaume-Uni (déc.), no 11089/84, 11 novembre 1986, et Şerife Yiğit c. Turquie [GC], no 3976/05, 2 novembre 2010
[8] X. and others v. Austria, (n° 19010/07), Francine BONNAUD et Patricia LECOQ v. France, (n° 6190/11), Stéphane CHAPIN et Bertrand CHARPENTIER v. France, (n° 40183/07), Costa and Pavan v. Italy (no 54270/10), Sylvie MENNESSON et autres contre la France (no 65192/11) et Francis LABASSEE et autres contre la France (no 65941/11).

Commentaires

  • Serait-ce le "Stalingrad" de l'offensive "holebi" ? Il est permis d'espérer...

Les commentaires sont fermés.