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Une lecture critique du Coran qui a coûté cher à son auteur

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Paolo Branca, sur Oasis, situe la portée de la parution d'un livre de Nasr Hamid Abu Zayd (Edition italienne : Testo sacro e libertà. Per una lettura critica del Corano, introduzione di Nina zu Fürstenberg, Marsilio, Venezia 2012.)

Ce qui est arrivé à Nasr Hamid Abu Zayd est paradigmatique pour comprendre la pensée islamique contemporaine, dans ses blocages et ses contradictions et dans ses potentialités insoupçonnables. Il a dû payer cher sa liberté de pensée, qui lui a coûté l’arrêt de sa carrière universitaire et une condamnation pour apostasie, l’obligeant ainsi que son épouse à prendre le chemin de l’exil.

Ce qui rend son histoire particulière est le domaine d’études sur lequel il a conquis, de manière certainement involontaire, la palme peu enviable d’un tel “martyre”. Professeur de Littérature arabe à l’Université du Caire, en se fondant sur certains prédécesseurs illustres et en tenant compte des compétences herméneutiques acquises en Occident, il a osé affronter un thème des plus délicats : la critique de texte appliquée au Coran. On sait que les musulmans entretiennent avec leur Texte sacré un rapport presque “sacramentel” et donc la question de son interprétation a toujours été très délicate. La plupart des commentateurs du Coran se sont donc le plus souvent conformés à une attitude prudente, produisant surtout des travaux du point de vue linguistique et lexicologique. N. H. Abû Zayd a jeté un pavé dans la mare en s’efforçant de distinguer le sens ultime du message divin de la forme historique qu’il a prise pour pouvoir être communiqué aux hommes.

Non pas donc une révélation littérale, mais une inspiration “traduite” en langage humain qui donc peut et doit être étudiée selon les méthodologies les plus modernes de l’analyse et de la recherche linguistique. Ayant comme résultat la contestation d’affirmations précédemment considérées presque comme des vérités dogmatiques : “Soutenir la doctrine du Coran incréé et la surtemporalité de la Révélation ne produit pas d’autre résultat que celui d’embaumer les textes religieux en les dérobant à toute réflexion."

Alors que la thèse opposée, en situant le texte sacré dans une dimension historique, lui restitue sa propre vitalité et le libère, à travers la relecture et l’interprétation, de l’assujettissement à ses limites temporelles, en l’ouvrant en même temps aux préoccupations et aux intérêts des hommes dans le cours de l’histoire”. Ce recueil d’essais a le mérite de nous restituer l’essence de la vision de l’auteur, déclinée aussi sur d’autres thématiques collatérales à son domaine d’études, mais toutes de grande actualité.

Une introduction subtile de l’éditrice et un entretien que le grand maître, malheureusement récemment disparu, lui a accordé enrichissent l’ouvrage d’un côté d’éléments de réflexion ultérieurs et de l’autre de la fraîcheur de l’entretien avec une personnalité lumineuse et subtile dont les œuvres fondamentales attendent encore d’être traduites en langues occidentales et ne sont connues en langue originale que d’un cercle restreint de spécialistes, alors qu’elles pourraient contribuer à ouvrir de nouveaux horizons dans un secteur crucial autant pour l’évolution interne du monde musulman que pour ses rapports avec les autres cultures et religions.

Commentaires

  • Avouons que nous avons de la chance de vivre dans des pays où nous pouvons critiquer librement la "pensée unique" qu'on veut nous inculquer (et surtout inculquer à nos enfants). Cela donne également une idée du type de société qui attend nos enfants quand les Musulmans seront devenus majoritaires dans nos pays...

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