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Vatican II : juger l'arbre à ses fruits

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Nous avons mis en ligne sur ce blog l'analyse des évènements récents (les "vatileaks") qui se sont déroulés au Vatican effectuée par Roberto de Mattei sous le titre : "Interpréter ce qui se passe au Vatican". Cette interprétation qui met en cause la réforme de Vatican II a soulevé des réactions qui ont amené le Professeur de Mattei, auteur d'un ouvrage consacré à l'histoire de Vatican II (qui sera bientôt traduite dans diverses langues dont le français), à préciser sa pensée. Il a intitulé cette nouvelle note "les fruits de Vatican II"; en voici la traduction proposée par "Correspondance Européenne" :

CE 252/02     Saint-Siège : les fruits du Concile Vatican II

Mon article Que se passe-t-il au Vatican a suscité de chaleureuses adhésions mais aussi, logiquement, de fortes désapprobations. Dans l’article j’affirmais que la lutte de pouvoir en cours dans la Cité Léonine s’enracine aussi dans un certain esprit mondain qui a pénétré l’Église après le IIème Concile du Vatican. Je précisais qu’il ne faut pas confondre les hommes d’Église, avec leurs fragilités intellectuelles et morales ancrées dans les temps dans lesquels ils vivent, et l’Église elle-même, toujours pure et sans traces de péchés ou d’erreurs.

Les objections qui m’ont été faites se réduisent à deux thèses auxquelles je vais essayer de répondre brièvement. La première thèse dit que dans son histoire bimillénaire l’Église a souvent connu des moments de difficultés et de crises qui ne peuvent certainement pas être imputés au Vatican II. Il suffit de rappeler, par exemple, la décadence des mœurs des Papes de la Renaissance. Mais il est simple de répondre que cette décadence morale aussi avait des racines intellectuelles bien analysées par Ludwig von Pastor dans le premier volume de sa monumentale Histoire des Papes. De nombreux pontifes de cette époque tournèrent le dos à la réforme intégrale de l’Église vers  laquelle ils étaient poussés par des saints tels que Bernardin de Sienne et Antonin de Florence, pour accepter les principes équivoques de l’humanisme. Le premier “tournant anthropologique” fut celui d’Érasme de Rotterdam et de ses adeptes et prédécesseurs qui, à travers les armes de la philologie, voulurent éliminer le culte des saints et des reliques, les indulgences, l’ascèse monastique, les dévotions et plus généralement les traditions anciennes, en théorisant l’introduction de l’italien vernaculaire dans les livres et les cérémonies sacrées. L’Opera omnia d’Erasme fut condamnée par le naissant Saint-Office, mais il était déjà trop tard : Luther, en maîtrisant les critiques des humanistes, avait transformé leur anthropocentrisme en la suprématie des Écritures, mais en se passant totalement de l’institution de l’Église. Il est important de souligner que lorsque dans l’histoire de l’Église l’on se trouve face à une crise morale, et ce dans n’importe quelle époque, il faut toujours remonter à la crise intellectuelle qui l’accompagne ou la précède.  En ce sens l’on ne peut ignorer les conséquences de cette véritable révolution de la façon d’être de l’Église que fut le Vatican II, interprété comme évènement plutôt que comme Magistère.

Ici repose la deuxième objection, selon laquelle les causes de la crise actuelle de l’Église, que je ferais indûment remonter au Vatican II, doivent être attribuées à une fausse et abusive interprétation de cet évènement et de ses documents. Mais la première règle herméneutique est celle que nous donne Notre Seigneur lui-même dans l’Évangile, lorsque il dit que l’arbre sera reconnu à ses fruits (Mt. 17, 20). Aujourd’hui les monastères sont abandonnés, les vocations religieuses s’écroulent, la participation à la Messe et au Sacrements a coulé à pic ; les librairies, les maisons d’éditions, les journaux et les universités catholiques répandent partout des erreurs : le catéchisme orthodoxe n’est plus enseigné ; les curés et même les évêques se rebellent contre le Saint Père ; les fidèles catholiques du monde entier s’enfoncent dans la confusion religieuse et morale et Benoît XVI lui-même pendant l’Homélie de la Pentecôte a parlé de la “Babel” dans laquelle nous vivons. Si tout cela n’est pas causé par un certain “esprit du Concile” qui a envahi l’Église catholique depuis cinquante ans, d’où cela tire-t-il son origine? Et si ceux-ci ces mauvais résultats ne sont pas du Concile, mais de sa mauvaise interprétation, quels sont les bons résultats de la juste interprétation du Concile ?

Je ne veux pas nier l’existence de nombreuses bonnes choses dans l’Église contemporaine. Au contraire, je suis convaincu que, avec l’aide de la Grâce, l’on voit déjà le début d’une reprise. Mais il faut me démontrer que tous ces résultats bons et saints s’enracinent dans l’esprit du Concile, et non pas dans la sève de la Tradition, qui existait avant le Concile et qui aujourd’hui continue a s’écouler dans les fibres du Corps Mystique de Jésus-Christ, en l’alimentant et en le sanctifiant.

Pendant le XVIème siècle, à la révolution anthropologique des humanistes et à la pseudo-réforme des protestants s’opposa la véritable Réforme catholique, ou Contre-Réforme, qui eut parmi ses défenseurs des saints tels que Philippe Néri, Gaétan de Thiène, Ignace de Loyola, Pie V et beaucoup d’autres. C’est de cet esprit de réforme catholique que nous devons nous inspirer, si nous ne voulons pas que, avec le soutien des médias de masse, ce soit la pseudo-réforme défendue aujourd’hui, comme il y a 50 ans, par l’hérétique Hans Küng, qui l’emporte. L’orthodoxie et la sainteté ne connaissent pas de demi-mesures : si l’on n’interprète pas Vatican II à la lumière de Trente et de Vatican I, le dernier Concile risque de devenir le critère de jugement et d’enterrement de la Tradition de l’Église. (Roberto de Mattei)

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