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Il vaut mieux qu'un seul homme meure

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L'Evangile du jour : Jean, chapitre 11, vv 45-57

Quand Lazare fut sorti du tombeau, les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui. Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu'il avait fait.
Les chefs des prêtres et les pharisiens convoquèrent donc le grand conseil ; ils disaient : « Qu'allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes. Si nous continuons à le laisser agir, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. »
Alors, l'un d'entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : « Vous n'y comprenez rien ;
vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu'un seul homme meure pour le peuple, et que l'ensemble de la nation ne périsse pas. »
Ce qu'il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, comme il était grand prêtre cette année-là, il fut prophète en révélant que Jésus allait mourir pour la nation. Or, ce n'était pas seulement pour la nation, c'était afin de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés. 
A partir de ce jour-là, le grand conseil fut décidé à le faire mourir. C'est pourquoi Jésus ne circulait plus ouvertement parmi les Juifs ; il partit pour la région proche du désert, dans la ville d'Éphraïm où il séjourna avec ses disciples.
Or, la Pâque des Juifs approchait, et beaucoup montèrent de la campagne à Jérusalem pour se purifier avant la fête.
Ils cherchaient Jésus et, dans le Temple, ils se disaient entre eux : « Qu'en pensez-vous ? Il ne viendra sûrement pas à la fête ! »
Les chefs des prêtres et les pharisiens avaient donné des ordres : quiconque saurait où il était devait le dénoncer, pour qu'on puisse l'arrêter.

 

L'homélie du Père Joseph-Marie Verlinde (Homélies.fr - Archive 2009)

La réanimation de Lazare porte son fruit de conversion : les témoins, nombreux, « crurent en Jésus ». L’Evangile précise qu’il s’agit de juifs venus entourer la famille dans son deuil ; aussi, vu la situation sociale de Lazare, on peut supposer qu’il s’agissait de notables. Probablement même du parti des pharisiens puisque « quelques-uns allèrent trouver leurs confrères pour leur raconter ce que Jésus avait fait ».

Devant ce regain de popularité, qui atteint même les membres influents de la communauté, on comprend l’inquiétude des autorités religieuses. L’affaire leur semble suffisamment grave pour « convoquer d’urgence le grand conseil ». L’évangéliste nous fait discrètement pénétrer dans l’hémicycle, afin de nous permettre d’assister aux débats de cette assemblée de « sages », regroupant des représentants des principaux partis religieux. Hélas, leur délibération est un modèle de démagogie. Ces messieurs reconnaissent que « cet homme accomplit un grand nombre de signes », et des signes suffisamment parlants pour provoquer un vaste mouvement de conversion : « si nous continuons à le laisser agir, tout le monde va croire en lui ». Mais au lieu de se pencher sur l’interprétation des faits à la lumière des Ecritures - ce qui était le ministère spécifique du Grand Conseil - les chefs religieux se soucient avant tout - et même uniquement - des éventuelles retombées politiques de l’affaire.

L’intervention de Caïphe exprime tout haut ce que le groupe pensait sans oser le formuler : la raison d’Etat doit l’emporter sur le sort d’un individu particulier. Pour juguler la violence qui risque de déferler sur la collectivité, il n’est pas d’autre moyen que de la détourner sur un bouc émissaire. L’histoire abonde cependant d’exemples démontrant le caractère illusoire et éphémère de ces pseudo solutions. La paix ne se maintient pas au prix du sang innocent, car celui-ci crie vengeance et nourrit la spirale de la violence, qui reprend bien vite ses droits.

Pourtant l’évangile ajoute qu’en raison de son ministère de grand prêtre, c’est-à-dire de représentant de Dieu auprès du peuple et de porte-parole de celui-ci devant Dieu, « ce que disait Caïphe ne venait pas de lui-même ; mais il fut prophète en révélant que Jésus allait mourir pour la nation ». Non seulement Notre-Seigneur va donner sa vie pour la multitude, mais son sacrifice, offert « une fois pour toutes » (Rm 6, 10 ; He 7, 27), portera un fruit de paix et de réconciliation qui demeure. Car contrairement aux holocaustes instaurés par les hommes, l’offrande de Jésus n’est pas une expiation symbolique à renouveler sans cesse, précisément parce que la mort n’aura pas le dernier mot. Le déferlement de violence sur « l’Agneau émissaire » ne conduira pas à sa destruction. Son anéantissement (kénose) librement consenti sur la croix, est en vue d’un relèvement dans la gloire. Son holocauste dans le Feu de l’Amour ne nourrit pas une vengeance future, car « en sa personne il a tué la haine » (Ep 2, 16). Ses bras étendus entre ciel et terre « rassembleront dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés », bien au-delà des frontières « de la nation » juive.

Cette page d’Evangile aurait dû prévenir toute tentation d’antisémitisme - et plus largement d’exclusion ou de violence religieuses - en milieu chrétien : quel contresens dramatique d’invoquer le sacrifice rédempteur pour entretenir la haine ! Pourtant, que de sang versé tout au long de l’histoire, « au nom du Christ » : toutes ces guerres religieuses fratricides trahissent la profonde incompréhension des belligérants, qui ont mésinterprété la Parole de celui dont ils prétendent défendre la cause. La haine creuse la blessure, élargit la déchirure ; seul l’Amour cautérise, seule la miséricorde guérit.

Puissions-nous nous en souvenir dans nos relations quotidiennes : ne sommes-nous pas invités à reconnaître le Christ en chacun de nos frères ? A nous de décider si nous prenons le parti de ses accusateurs et de ses bourreaux, ou si nous répandons sur son Corps le « parfum très pur » (Jn 12, 3) de la charité fraternelle, qui « n’entretient pas de rancune, supporte tout, espère tout, endure tout » (1 Co 13, 6-7).

« Seigneur que de fois dans nos petits conciliabules entre personnes partageant les mêmes idées, n’avons-nous pas condamné tel ou tel frère sans même nous soucier d’entendre ses arguments. Puis, satisfaits de nous-mêmes et bien sûr convaincus de notre bon droit, nous nous sommes retirés, la conscience tranquille ; sans nous rendre compte que c’est toi que nous venions d’exclure de notre cercle - ou plutôt : que nous nous étions exclus de ta présence, puisque tu te joins toujours à celui qui est sans défense. Donne-nous assez de délicatesse de cœur pour ne pas nous laisser entrainer à la médisance, mais accorde-nous tout au contraire de toujours chercher à comprendre, justifier, pardonner, plutôt que d’exclure, accuser et condamner. »

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