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Call Girl ou quand le vernis du modèle suédois se fissure sur les écrans

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H.H., dans La Libre, rend compte d'un évènement cinématographique qui mérite d'être souligné puisqu'il s'agit d'une remise en cause du modèle suédois :

Derrière le vernis du modèle suédois

Un premier film efficace qui gratte là où cela fait mal au pays de la social-démocratie nordique…

Le thriller nordique a la cote ces dernières années, en littérature, au petit écran comme au cinéma. Une nouvelle preuve en est apportée ce mercredi par "Call Girl", de Mikael Marcimain, réalisateur issu du monde de la télévision. On lui doit notamment deux enquêtes de l’inspecteur Wallander, héros bien connu du romancier Henning Mankell. La filiation est d’ailleurs ici évidente, "Call Girl" s’inscrivant dans une longue tradition d’exploration des dessous, sombres, de la société suédoise.

Comme son titre l’indique, "Call Girl" s’attache à décrire le monde de la prostitution en mettant en scène Iris (Sofia Karemyr), placée dans une institution pour ados difficiles. Lors de ses virées nocturnes à Stockholm, cette jeune fille de 16 ans comprend rapidement qu’elle peut améliorer considérablement son quotidien en monnayant ses charmes. Repérée par une mère maquerelle sans scrupule (Pernilla August), elle pénètre un univers souterrain, où se mêlent pouvoir, argent, drogue et politique.

Malgré quelques longueurs, Mikael Marcimain fait preuve, pour son premier long métrage, d’un vrai savoir-faire, parvenant à rendre palpitante une intrigue touffue, aux personnages nombreux et aux ramifications multiples. Le film réussit, qui plus est, à rendre parfaitement l’atmosphère de la Suède de la fin des années 70, celle de la libération sexuelle et d’une démocratie modèle. Sauf, bien sûr, que, lorsque l’on gratte un peu, on découvre que tout n’est pas si rose, que l’on peut tomber sur des scandales inavouables...

"Call Girl" s’inspire, en effet, de l’affaire du Bordellhärvan de 1977, soit la mise au jour d’un vaste réseau de prostituées, notamment mineures, qui impliquait les plus hautes autorités du pays : police, gouvernement, classe politique, services secrets Avec, en toile de fond, une remise en question de la social-démocratie suédoise, où droite et gauche alternent sans que l’on ne distingue de réel changement de politique Le regard porté sur la campagne électorale du parti social-démocrate dans "Call Girl" est à ce titre sans illusion.

Tout comme la fameuse affaire des sous-marins soviétiques, cette affaire d’Etat est toujours un sujet très sensible en Suède. Pour preuve, les héritiers d’Olof Palme ont réussi à convaincre les producteurs de censurer "Call Girl". Une scène montrant plusieurs hommes politiques lors d’une orgie dans un grand hôtel de Stokholm a ainsi été supprimée, l’un des participants ressemblant un peu trop à l’ancien Premier ministre social-démocrate assassiné en 1986.

Au-delà du scandale politico-sexuel, ce qui intéresse Mikael Marcimain, c’est aussi une réflexion sur les limites de la liberté. Trente ou quarante ans plus tard, la libération sexuelle semble avoir du plomb dans l’aile Poussant à son terme l’idéologie libertaire/libérale, individualiste, elle a aussi permis l’exploitation du corps féminin. Dans le film, on découvre ainsi que le ministre de la Justice suédois travaillait sur une loi proposant une quasi-légalisation de la pédophilie Cette exploitation des femmes, sous couvert d’une idéologie libertaire, est un sujet qui travaille beaucoup les artistes suédois. N’était-ce pas déjà le sujet du premier volet de la trilogie "Millenium" de Stieg Larsson ?

Réalisation : Mikael Marcimain. Scénario : Marietta von Hausswolff von Baumgarten. Photographie : Hoyte Van Hoytema. Montage : Kristofer Nordin. Avec Pernilla August, Sofia Karemyr, Magnus Krepper, David Dencik, Ruth Vega Fernandez 2 h 20.

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