Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L’étrange regard d’un philosophe, ou l’arroseur arrosé

IMPRIMER

Nous avons déjà fait écho ici :  « Il faut purifier la sphère du débat public » à la chronique du professeur Haarscher (ULB) récemment publiée par « La Libre » : http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/821501/les-mots-ne-veulent-vraiment-plus-rien-dire.html ) . Dans les lignes qui suivent, M. Mutien-Omer Houziaux, un ami lecteur assidu de ce quotidien,  nous fait part  de sa réaction circonstanciée :

« Dans une récente chronique (LLB, 12 juin 2013), le professeur Guy Haarscher s’emploie à dénoncer ce qu’il considère comme de dangereux détournements lexicaux. À le lire, les « adversaires » de sa libre-pensée useraient, dans leur apologie du passé, d’un langage en quelque sorte volé aux courants « progressistes ».

Les mots ne veulent vraiment plus rien dire : que ce titre ait été choisi par l’auteur de l’article ou par le quotidien qui accueille sa prose, on n’en pourrait trouver de meilleur pour couler le frêle esquif dans lequel M. Haarscher s’est témérairement embarqué. Le philosophe brandit l’étendard du « mariage pour tous ». Jusqu’il y a seulement une dizaine d’années, et depuis des temps immémoriaux, et sous toutes les latitudes, le mariage n’a jamais été « pour tous », et le Robert comme le Larousse, qui se contentent d’enregistrer l’usage[1] (et de faire fonctionner la caisse enregistreuse), ne changeront rien au fait que le slogan cité devrait, pour proclamer non l’égalité mais l’identité des sexes, en engendrer bien d’autres : pourquoi pas « un utérus pour tous » ou « un hermaphrodisme pour tous » ? Si l’on en croit le même penseur, une « loi au pedigree démocratique » devrait débarrasser « la rue » de tout mouvement protestataire. La démocratie serait-elle  infaillible ! Aurait-il échappé à l’éminent penseur que, de tout temps, pour de mauvaises mais aussi de bonnes raisons, les citoyens ont manifesté contre des lois dûment votées ? La gauche (forcément « progressiste ») dans la rue, oui ; la droite (forcément bêtement réac), non : logique grégaire pour discours racoleur.

M. Haarscher subordonne les droits DE l’enfant à un droit À l’enfant, en totale contradiction avec la Convention relative aux droits de l’enfant (ONU, 1989), laquelle souligne notamment « le droit [de l’enfant] de connaître ses parents et d’être élevés par eux » ; ce n’est tout de même pas un hasard si tant de personnes ballottées par les guerres, les exodes ou d’autres aléas de l’existence déploient des efforts considérables pour retrouver et connaître leurs racines, quelques excellents soins supplétifs dont elles aient pu bénéficier. Au lieu de rabaisser la famille nucléaire à un « image d’Épinal », et de dénoncer assez stupidement « la misère affective que cache souvent l’honorable façade bourgeoise »,  les (p)artisans du « mariage pour tous » seraient bien avisés de s’interroger sur la légitimité de se livrer à d’invraisemblables contorsions sémantiques. En la matière, il semble bien que le pivot où s’articulent les néologismes cache-misère du politiquement correct, soit le concept de parentalité. Celui-ci est voué aux pires tortures sémantiques, à la faveur d’une prétendue (et envahissante) théorie du genre (angl. gender) : ni papa, ni maman, mais parent 1 et parent 2. Du coup, une pseudo-légitimité est accordée à des créations lexicales farfelues, étymologiquement monstrueuses, comme homoparentalité, monoparentalité.

Comme je l’ai souligné dans un essai intitulé À contretemps. Regards Politiquement incorrects (Mols, 2010), la bioéthique offre un champ d’étude particulièrement fertile à qui se proposerait d’écrire un Petit précis contemporain de cancérologie lexicale.

Un dernier exemple. Pour la plupart des Belges, la mort par euthanasie est une mort provoquée, donc non naturelle. Pas aux yeux de la Loibelge de 2002 sur l’euthanasie ! En son art. 15, ladite loi contraint le médecin qui euthanasie à faire état d’une mort naturelle, donc à mentir, et ceci afin de ne pas compromettre « l’exécution des contrats auxquels elle [la personne euthanasiée] était partie, en particulier des contrats d’assurance ». C’est sans doute une des observations (Revue générale, janvier 2013) qui m’auront valu d’un Prix Nobel une violente réplique rédigée quelques jours avant son décès-manifeste (Revue générale, mars 2013).

En conclusion,  M. Haarscher a raison, mais, apparemment, sans savoir vraiment pourquoi ! Quoi qu’en soit, on est bien d’accord, lui et moi : « Les mots ne veulent vraiment plus rien dire. »

Mutien-Omer Houziaux.


[1] Ces deux dictionnaires ont déjà adopté une nouvelle définition du mot mariage...

Commentaires

  • Il ne faut pas en vouloir au Prix Nobel, il avait manifestement perdu la boule.

  • Excellent!

  • Bien dit! avec simplement du bon sens!

  • « Je me demande si le supplice des générations qui viennent ne sera pas d’être torturées par des mots qui mentent à leur sens originel, des idées retournées contre Dieu »

    Louis Massignon, Lettre à Paul Claudel du 5 août 1912

  • Si, les mots ont un sens;
    La perversion du sens est un des moyens utilisé par le malin (ainsi que les loges et la libre pensée) pour séduire les innocents.
    C'est par le mensonge qu'il a séduit Ève.
    Nous devons donc veiller à utiliser les mots corrects. Appeler appariement ce qui est appariement et mariage ce qui est mariage. Appeler meurtre tout homicide volontaire.
    Le parler vrai est la seule arme que nous avons pour défendre la vérité attaquée, torturée.
    Je lisais il y peu, un article dans le très honorable et très réputé BMJ (British Medical Journal) , dans sa livraison du Britsh Medical Etics
    un article publié sous le titre
    "Post-natal abortion, why should the baby live?"
    on peut difficilement mieux tordre les mots pour défendre une cause indéfendable.
    Que Dieu éclaire les égarés de la libre pensée se réclamant de la Lumière.

  • @ Sh. Levi ... Cette prétendue « Lumière » dont ils parlent est celle du dieu Raison, avec laquelle une élite, auto proclamée et occulte, serait censée éclairer un gouvernement de type despotique. Ils appellent cela le « despotisme éclairé par la lumière de la raison ». Ces adeptes de la 'Lumière', qui privilégient l'ombre, la dissimulation et la manipulation, ne peuvent donc représenter que Lucifer. Ce dieu Raison fait décidément faire des choses très déraisonnables à ses adorateurs. Comme disait Pascal (grand scientifique et grand croyant) la raison se perd quand elle veut ignorer les raisons du cœur de l'homme.
    .
    En fait, la raison, qui est évidemment une capacité humaine très importante, peut être utilisée pour le bien ou pour le mal, selon le cœur et les intentions de ceux qui l'utilisent. La raison humaine a rendu l'homme capable de maîtriser le feu. Certains s'en servent pour le bien (se chauffer, s'éclairer, cuisiner, créer des outils) mais d'autres s'en servent pour le mal (incendier, créer des armes).

Les commentaires sont fermés.