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« Il faut purifier la sphère du débat public »

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Lu dans « La Libre » de ce jour, sous la signature de Guy Haarscher, professeur de philosophie à l’Université libre de Bruxelles (ULB)

 « Les catholiques français qui refusent le mariage pour tous (lequel n'enlève de droits à personne) cachent leurs préjugés sous des apparences démocratiques et libérales.

Parfois, votre adversaire - celui qui méprise les valeurs que vous défendez - utilise un langage clair. Il emploie le vocabulaire du fascisme, du racisme, du fanatisme religieux. Généralement, l’individu est dangereux, mais au moins ne contamine-t-il pas votre propre pensée. Vous voyez immédiatement qui il est et ce qu’il veut.

Mais souvent également, l’adversaire juge plus opportun d’utiliser votre propre langage afin d’introduire la confusion et d’apparaître comme un "ami". C’est ce que l’on peut appeler la stratégie du loup dans la bergerie : le prédateur se déguise en mouton, on le laisse entrer sans crainte, et une fois à l’intérieur il se livre au saccage que chacun peut imaginer.

Les manifestants contre le "mariage pour tous" ont bien sûr leur frange extrémiste, composée de gens qui parlent clair : les nervis de l’extrême droite et le groupe "Civitas", fer de lance de l’intégrisme catholique. Mais ils parlent aussi le langage de la démocratie, et même de la gauche : ils invoquent la "rue" contre une loi au pedigree démocratique impeccable ; ils parlent de "printemps" en référence aux révolutions égyptienne et tunisienne, ils invoquent un nouveau Mai 68. Ils se muent aussi en anthropologues, parlent de la famille nucléaire comme du socle naturel de notre civilisation, désormais en danger. Ils défendent, disent-ils, les droits de l’enfant, menacés par les couples d’homosexuels. Bref, leur intolérance et leur homophobie se dissimulent derrière un langage d’apparence progressiste.

Hélas, nous ne prenons pas assez au sérieux les difficultés et les pièges du débat politique. Nous nous permettons de traiter de questions qui nous concernent tous avec une désinvolture qui entraînerait immédiatement notre licenciement si nous agissions de la même manière dans notre vie professionnelle. Chacune des affirmations politiquement correctes émises par les manifestants anti-mariage pour tous est réfutable. Et notamment cette image d’Epinal : la famille nucléaire comme lieu d’épanouissement de la personnalité. N’importe quel psychologue ou psychiatre connaît la misère affective que cache souvent l’honorable façade bourgeoise. Et tous les anthropologues savent que, dans l’histoire, les enfants sont loin d’avoir toujours été élevés par leurs parents biologiques.

Ce n’était qu’un exemple facile d’hypocrisie et de manipulation. En voici un autre, en sens inverse. Les Américains nous font la leçon. Ils ont rédigé un rapport amplement commenté du Département d’Etat, consacré au sort peu enviable des minorités religieuses dans le monde. C’est une préoccupation légitime, et qui possède même un caractère d’urgence auquel tout le monde sera sensible.

Mais pourquoi donc croient-ils que la liberté religieuse serait menacée dans certains pays européens parce que ces derniers ont fait parfois le choix d’interdire les signes religieux dans des circonstances limitées (à l’école, dans les services publics) ou dans tout l’espace public (quand le visage et tout le corps sont entièrement dissimulés) ? Ici, on transforme un choix démocratique, une perspective d’intégration basée sur la méfiance à l’égard des tentatives de reconquête de la sphère publique par des mouvements religieux conservateurs et parfois obscurantistes, en une politique discriminatoire.

Comme si le fait de vouloir faire bénéficier toute la population sans exclusive des acquis des Lumières était signe d’intolérance. Comme si la religion "politique" n’avait pas toujours menacé la "loi des hommes" (la démocratie) au nom de la "loi de Dieu". Comme si la liberté religieuse n’était pas remarquablement garantie (et elle l’est) dans les pays européens !

Les catholiques français qui refusent le mariage pour tous (lequel, rappelons-le, n’enlève de droits à personne) cachent leurs préjugés sous des apparences démocratiques et libérales. Les Américains, obsédés par la religion, transforment une politique démocratique d’intégration en une attitude discriminatoire. Il est temps, si nous voulons penser correctement, de remettre le monde à l’endroit. »

Ici :Mariage pour tous: les mots ne veulent vraiment plus rien dire

Les valeurs authentiques pour la vie en société  sont celles que je défends nous dit, en somme, le professeur Haarscher. Les autres sont intolérables. C’est pourquoi il faut exclure  le point de vue des religions (sur le mariage comme sur d’autres institutions) de la sphère publique et des débats de société : cette dernière doit être intégrée sur la base des  paradigmes des encyclopédistes, des philosophes des Lumières et de leurs épigones et cet horizon est insurpassable. Ceux qui pensent autrement n’ont aucun droit à une prise de parole publique. C’est aussi simple que cela.  Que c’est beau la rubrique « libre-examen » dans les pages catéchétiques de la « Libre » Belgique.

Commentaires

  • C'est quand même fantastique : On a a peine réussi à exprimer dans une tribune de La Libre que l'homophobie est hors-sujet et qu'on en a marre de cette affirmation à 2 balles, qu'ils recommencent à nous insulter sur un autre ton (soit-disant philosophique cette fois).

    Détail piquant, nous avions parlé dans notre tribune des "grands inquisiteurs de la bien-pensance qu'on envoie nous traiter d'homophobes" et de la vacuité d'une telle argumentation. Et on nous envoie pour nous contredire... un professeur de l'ULB... nous traiter d'homophobe. En fait, c'est presque à mourir de rire tellement notre métaphore était à peine exagérée.

  • Arrogance, mépris et menaces.

    Mépris intolérant de la pire espèce vis à vis de tout ce qui est différent d'une autoproclamée "libre-pensée" qui n'a de libre que l’endoctrinement obligatoire,
    menaces de sanctions, représailles et voies de fait,
    c'est la manière dont le libre examen conçoit la liberté.
    A nous chrétiens et catholiques de ne pas rentrer dans le jeu de l'escalade et de ne pas pratiquer la loi du talion.

    Shimon LEVI

  • "Il faut purifier..." Ces mots donnent froid dans le dos au lendemain d'un siècle qui a pratiqué avec acharnement la purification ethnique, raciale et religieuse. Un philosophe devrait être attentif au vocabulaire qu'il utilise. A moins, bien entendu, qu'il s'agisse effectivement de "cela"...

  • effectivement, les nazis ont "éliminé" les mongols, les débiles mentaux, puis les juifs, puis les homosexuels et les communistes et francs-maçons, pour "purifier" la race et créer un "ubermensch".
    Si vous ne voulez pas faire partie des "éliminés" obligatoires, mongols et vieux de plus de 80 ans, il ne faut pas commencer par "tolérer" l'élimination de qui que ce soit.
    Mais effectivement c'est bien de cela qu'il s'agit: n'autoriser la survie que des surhommes.

    Shimon LEVI
    13/06/2013 15h15

Les commentaires sont fermés.