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Saint Materne (14 octobre), évangélisateur de nos contrées

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SAINT MATERNE (& Euchaire et Valère) (source)

Disciple de Saint Pierre, si l'en en croit des traditions vénérables, l'un des 72 disciples les plus proches du Christ, et, peut-être, comme l'ont affirmé certains chroniqueurs, le fils de la veuve de Naïm ressuscité par le Christ. Certains ont voulu reculer jusqu'au 4è siècle la vie de Materne et les débuts de I'Eglise dans le Nord de la Gaule, confondant sans doute avec un autre Materne, originaire de Lombardie, qui vécut à la fin du 3ème siècle, qui fut honoré de la confiance de l'empereur Saint Constantin le Grand lui-même, et qui participa aux conciles locaux d'Arles et de Rome (313-314). Personnellement, je m'en tiendrai à l'antique tradition.

C'est vraisemblablement entre l'an 42 et l'an 52 que trois missionnaires partent de Rome pour évangéliser la Gaule du Nord: Euchère et ses deux jeunes lévites Valère et Materne. Leur destination: Trêves, ville la plus importante et la plus opulente de la Gaule Belgique. Les trois frères y commencent leurs travaux avec un zèle que ne peut rebuter ni la corruption des romains aisés, ni la farouche idolâtrie des autochtones. Plus d'une fois, Euchère, qui s'élève avec force contre l'abomination du culte païen, et proclame que seul Jésus-Christ est digne dadoration, faillit être lapidé. On les chasse de la ville, mais nos missionnaires ne perdent pas courage: ils attendent en paix le moment choisi par Dieu pour faire rejaillir Sa Puissance d'une manière telle que les conversions affflueront.

Cette occasion est donnée à Euchère par Albana, une noble dame veuve d'un puissant sénateur. Dieu guérit miraculeusement son fils par les prières d'Euchère, et Albana se convertit. La nouvelle fait grand bruit, et sert puissamment à la cause de l'Evangile. Les néophytes se mettent à affluer.

Ici, je vais (encore!) me permettre une (dernière?) digression: Dans les vies de saints de cette époque, on parle beaucoup de miracles. Une question se pose: que faut-il en croire? Pieuses légendes? Saintes exagérations? Délire mystique? Ou signes de Dieu? Les auteurs oscillent entre deux positions extrêmes: la première est celle, par exemple, du H.P. Ribadéneira, qui prend pour argent comptant tous les miracles qu'il a entendu rapporter. Les vies de saints ne sont plus, sous sa plume, qu'un long chapelet de miracles. Il faut pourtant être conscient que les chroniqueurs anciens avaient tendance à se servir de "canevas", et à reprendre pour narrer la vie d'un saint, certains miracles précédemment attribués à d'autres saints. A l'opposé, nous avons le chanoine Leclerq, qui élimine systématiquement tout fait qui n'est pas à 100% rationnel, rejetant pour certains personnages l'ensemble de ce que l'on peut en dire, quitte à affirmer doctement après cela: "On ne sait rien de la vie de..."

Personnellement, je pense qu'il y a moyen de trouver une voie médiane entre ces deux choix extrêmes, et que, sans avaler les plus terribles invraisemblances, nous ne pouvons dénier à Dieu le droit de faire des miracles et de modifier des lois qu'il a Lui-même établies. Je me permettrai de rappeler à ce sujet cette belle phrase de Charles Péguy: "Les catholiques sont à battre avec un gros bâton, quand ils se mettent à parler sur un certain ton scientifique de leurs admirables légendes, afin de se mettre, de se hisser à la hauteur de deux philologues traitant de trois versions d'un même épisode homérique".

Revenons-en à Materne. Après 23 ans de travaux, Saint Euchère s'éteint paisiblement à Trèves après une vie pleine de mérites. Valère lui succède, et le christianisme fait de tels progrès que selon un chroniqueur, à la fin de son épiscopat qui dure 15 ans, le nombre de chrétiens dans la ville surpassait le nombre des païens. Materne succède à Valère, mais bien que son âge soit déjà avancé, il ne tient pas en place. Il songe à étendre son champ d'action, ou plutôt, son champ d'évangélisation.

Politiquement, c'est une période relativement calme pour les chrétiens. Rome est préoccupée de défendre ses frontières du Rhin, et ne songe pas à persécuter les croyants qui jouissent en Gaule du Nord d'une liberté relative. Materne reprend son bâton de pélerin, il descend la Moselle et le Rhin, s'arrête dans les bourgades échelonnées le long des deux rivières, et y prêche la bonne nouvelle. Sa direction est Cologne, capitale des Ubiens, où l'un de ses disciples, Saint Paulin, meurt martyr et scelle de son sang le témoignage de Jésus-Christ ressuscité. Materne établit en la ville des lieux de prière, et pour les desservir, installe des prêtres chargés de conserver et de faire mûrir le fruit de son labeur. Puis il bifurque vers l'Ouest, et passe chez les Tongres, dont la capitale, qui porte encore aujourd'hui le nom de Tongres, est alors une cité considérable au carrefour de quatre grandes voies militaires vers Bavai, Cologne, Arlon et Nimègue. Materne a mis le pied sur le territoire qui est actuellement la Belgique. L'évangélisation de notre pays a commencé.

Materne connaît à Tongres un succès immédiat, il y bâtit un oratoire en l'honneur de la Très Sainte Mère de Dieu, et on a prétendu que ce fut le premier oratoire dédié à la Vierge Marie en-deça des Alpes. Il jette les bases de l'évêché qui sera plus tard transporté successivement à Maestricht et à Liège. C'est pourquoi d'anciennes images le représentent tenant une église à trois clochers, Trèves, Cologne, Tongres, les trois grandes étapes de sa vie d'évangélisateur.

De Tongres, Materne descend vers la Meuse et se met à parcourir ces rives sauvages où n'existent que de misèrables huttes éparses dans les bois. Trois endroits seulement, ou plutôt trois rochers, présentent quelques habitations réunies: Namur, Maestricht et Dinant. Materne les visite et bâtit un oratoire au pied de chacun de ces rochers. A Namur, c'est à l'endroit où se trouve actuellement l'église Saint Materne, rue Notre-Dame, au pied de la citadelle. Etendant ensuite ses excursions sur les deux rives de la Meuse, il bâtit des chapelles aux endroits où se trouvent aujourd'hui les villes de Walcourt et de Ciney.

A propos de Ciney, une gracieuse légende raconte qu'un jour, les cinq fils d'un homme riche, proconsul ou gouverneur de la station de Ciney, montés sur un attelage pour une promenade dans les environs, virent leurs chevaux s'emballer et se diriger tout droit vers les étangs et marais d'Halloy. Malgré tous leurs efforts, ils ne parvenaient pas à maîtriser les animaux. En désespoir de cause, ils invoquent le Dieu de Materne. Et il n'en faut pas plus pour que les chevaux se calment et s'arrêtent au bord des étangs. Une autre version de la même légende raconte plutôt que les cinq enfants piquent une tête dans l'étang et se noient, tous les cinq, mais que Materne réussit à les ramener à la vie, provoquant du même coup la conversion de toute la famille à la nouvelle Foi. De plus, en reconnaissance, le gouverneur céda un terrain pour y construire une église. Cette histoire, qui est à l'origine du blason à cinq têtes de la ville de Ciney, attire notre attention sur la présence en Condroz de Saint Materne. Pour ce qui en est de Walcourt, c'est Materne qui, selon une vénérable tradition, sculpte de ses mains la célèbre statue de la Vierge Marie, qu'il place sur l'autel d'un oratoire dédié à la mère de Dieu, édifié sur la colline dominant la vallée de l'Eau d'Heure, avec les débris d'un temple païen. Que cette histoire soit vraie ou fausse, elle prouve que nos ancêtres avaient parfaitement conscience que Materne était à l'origine du Christianisme et de la piété dans nos régions.

On signale aussi son passage à Leffe et à Foy-Notre-Dame, où il serait également à l'origine des célébres sanctuaires que nous connaissons aujourd'hui. On le signale aussi à Huy, et il n'est pas, dit un ancien biographe, d'infirmité corporelle ou spirituelle qui ne reçoive soulagement de l'apôtre. Hérigène célèbre son zèle pour le salut des âmes, son humilité, sa simplicité, sa douceur, sa bonté, l'austérité de sa vie.

De retour à Cologne vers la fin de la quarantième année de son apostolat, presque centenaire, miné par les fièvres, Materne reçoit la récompense de ses travaux, et l'an 130 de Jésus-Christ, rend paisiblement son âme à Dieu. Ses trois églises se disputent ses reliques, et c'est Trèves qui l'emporte. Materne repose en paix auprès de ses deux prédécesseurs Euchére et Valère. Il est vénéré dans le diocèse de Liège (fête le 20 septembre) et dans celui de Namur (fête le 25 septembre). Ses reliques sont partagées entre les villes de Tongres, Liège et Trèves. Parmi les églises qui lui sont dédiées, citons la basilique de Walcourt et la petite église Saint Materne à Namur.

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