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Liturgie : embrouilles sur la traduction du « Notre Père »

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D’Anne-Cécile Juillet sur le site de « La Vie » (extraits) :

C'est un article du Progrès (payant) signé de notre confrère Nicolas Ballet, qui l'a annoncé, hier, quelques semaines avant que l'Eglise ne le fasse: dans la nouvelle traduction française de la Bible liturgique, qui sera diffusée en France par les éditions Mame/Fleurus à partir du 22 novembre prochain, les prêtres, ne liront plus "Et ne nous soumets pas à la tentation", mais "Et ne nous laisse pas entrer en tentation", si l'évangile du jour aborde ce passage tiré des écrits de saint Matthieu ou saint Luc, lorsque le Christ montre à l'humanité comment prier son Père.(…)

.En effet, cet été, le Vatican a donné son accord à la publication d'une nouvelle traduction française complète de la bible liturgique (qui comprend l'Ancien Testament, les psaumes et le Nouveau Testament), dont la dernière version remontait à 1993.

Soixante-dix experts issus de différents pays francophones ont travaillé, chacun de leur côté, puis de façon collégiale, pendant près de vingt ans à cette nouvelle traduction. Ils l'ont souhaitée la plus précise, la plus claire et la plus compréhensible possible, tant pour les prêtres que pour les fidèles. Ils ont déposé le fruit de leur travail auprès d'une commission spécialisée au Vatican, avec des centaines de corrections sur l'ancienne version. Le Vatican a lui aussi apporté beaucoup de modifications, avant de parvenir à la version finale.

La prière récitée du Notre-Père changera-t-elle pour autant? Pour l'instant, il est difficile de le savoir. Pour cela, il faudrait que cette nouvelle traduction soit également validée dans le Missel. Sur ce point, les sources citées par Le Progrès divergent"Oui, c'est absolument certain, elle s'imposera dans le futur missel", disent les uns. "Non, ce n'est pas sûr du tout puisque la commission, au Vatican, qui s'occupe du contenu du Missel romain est distincte de celle qui a validé la nouvelle traduction", estiment d'autres.

La formule "Et ne nous soumets pas à la tentation" remonte à un accord obtenu entre catholiques, protestants et orthodoxes, entre 1964 et 66, au moment du Concile, et de sa volonté d'ouverture oecuménique. Reste à savoir si la nouvelle traduction fera elle aussi l'unanimité.

Référence : La traduction française du Notre Père va changer

De nouveau, comme dans le récent acte « consécratoire » à Notre-Dame de Fatima prononcé hier par le pape François, l’incertitude et la confusion règnent sur ce que l’on veut exactement faire.

Dans notre enfance préconciliaire on priait : « ne nous laissez pas succomber à la tentation » . Après Vatican II, pour faire plaisir entre autres aux protestants, on introduisit un contresens théologique en traduisant le grec de référence « κα μ εσενέγκς μς ες πειρασμόν » par « ne nous soumets pas à la tentation » (il eût été possible de dire encore : "ne nous soumets pas à l’épreuve", le substantif peirasmos ayant aussi ce sens).

Sur la question, dans son livre « Que Ton Règne vienne », (Editions de l’Emmanuel, 1998) Monseigneur Léonard, conserve le sens de « tentation » mais explique, un peu longuement, que la formule grammaticale grecque provient d’un hébraïsme mal traduit : «  il s’agit, écrit-il, de bien comprendre l’usage de la négation devant un verbe dont le substantif hébreu est conjugué à la forme causative, celle qui permet de passer de l’idée de « dormir », par exemple, à celle de « faire dormir ». En français, nous avons besoin de deux mots pour le dire. En hébreu, il suffit d’utiliser la forme causative ou factitive du verbe. C’est elle qui permet, dans notre texte, de passer de l’idée de « entrer dans la tentation » à celle de « faire entrer dans la tentation ». Que se passe-t-il si l’on met une négation devant la forme causative de la sixième demande ? Faut-il comprendre « ne nous fait pas entrer dans la tentation » ou bien « fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ? Tel est exactement le problème. Pour un Sémite, la réponse est évidente d’après le contexte. La demande signifie : « Fais que nous n’entrions pas dans la tentation ». Exactement comme pour nous en français, si je dis : « je n’écris pas ce livre pour m’amuser », chacun comprend que j’écris effectivement ce livre (la preuve !), en dépit de la négation qui semble affecter  le verbe, mais que ce n’est pas pour m’amuser. Malgré les apparences, la négation ne porte pas sur « écrire », mais sur « pour » . Mais, dans son incommensurable bêtise, un ordinateur aurait pu comprendre que, pour pouvoir m’amuser, je n’écrivais pas ce livre… Qu’a fait ici le premier traducteur grec du « Notre Père » sémitique ? Le grec n’ayant pas de forme causative et ne connaissant pas davantage la tournure française « faire entrer », il a pris un autre verbe qu’ « entrer » , un verbe exprimant d’un seul mot, comme en hébreu, l’idée de « faire entrer », à savoir le verbe grec « introduire » et il a mis une négation devant ! Pour les lecteurs grecs connaissant encore les tournures sémitiques, l’interprétation correcte allait de soi. Mais, par la suite, l’expression allait forcément être mal comprise et prêter à scandale. Le problème est résolu si, instruit de ces petites ambiguités linguistiques, on traduit : « Fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ou « Garde-nous de consentir à la tentation ». De ce point de vue, l’ancienne traduction française du « Notre Père » était moins heurtante que l’actuelle (sans être parfaite), puisqu’elle nous faisait dire : « Et ne nous laissez pas succomber à la tentation ». La même  difficulté existant dans de nombreuses langues européennes, plusieurs conférences épiscopales ont entrepris de modifier la traduction du « Notre Père » en tenant compte du problème posé par la version actuelle. Espérons que les conférences épiscopales francophones feront un jour de même.

Si nous traduisons correctement la sixième demande (« Garde nous de consentir à la tentation » !) alors tout s’éclaire. Dans la cinquième demande, nous avons prié le Père de nous remettre nos dettes passées. Dans la septième, nous allons lui demander de nous protéger, à l’avenir, du Tentateur. Dans la sixième, nous lui demandons logiquement, pour le présent, de nous préserver du péché en nous gardant de succomber à la tentation. »

JPSC

Commentaires

  • « Protège-nous de la tentation » ou « Aide-nous à résister à la tentation » seraient pour moi plus corrects. La tentation ne vient évidemment pas de Dieu, elle vient de Satan, le Tentateur. Cela reviendrait donc à dire « Protège-nous de Satan » ou « Aide-nous à résister à Satan ».
    .
    Lorsque Jésus fut soumis à la tentation au désert, c'est bien Satan qui l'a tenté, non ? Ce n'est quand même pas Dieu ? Si les protestants prient vraiment « Ne nous soumets pas à la tentation », prieraient-ils Satan ?

  • Né après le Concile, j'ai eu la chance d'avoir des parents qui nous ont appris, très tôt, le sens des choses, le sens des mots, dans tout ce qui a pu contribuer à notre éducation, dont la religion. Aussi longtemps que je remonte dans mes souvenirs, mes parents nous ont appris à vouvoyer Dieu, comme une marque de respect. Confronté dès l'école primaire à ce problème de traduction et surtout au sens auquel on aboutissait (comme si Dieu soumettait à la tentation ! c'est un pur blasphème de penser à une chose pareille), j'ai conservé l'ancienne formulation "ne nous laissez pas succomber à la tentation", jusqu'à ce jour, y compris à la messe en français.

    Aucun professeur de religion, dans tout mon parcours dans l'enseignement catholique, n'a jamais été capable de m'expliquer cette aberration de sens.

    Tout comme j'attends toujours qu'on m'explique pourquoi Paul VI est parti dans un cercueil sans croix. Et pourquoi sa béatification a été stoppée en cours de route.

  • Pourquoi tant de palabres stériles, ce que nous apprenions dans notre enfance "ne nous laisse pas succomber à la tentation" déplairait t'il à nos éminences qui ont devoir de nous instruire avec des mots justes pour parler à DIEU.

    le tentateur, celui qui cherche à nous détourner du droit chemin doit se réjouir de notre bêtise.

    Chers théologiens, un peu de bon sens s'il vous plait !

    Et merci à nos fidèles Prêtres qui doivent se débrouiller pour expliquer la nouvelle version.

    Bon courage.

    Geneviève

  • "Pour faire plaisir entre autres aux protestants". Le "entre autres" est en effet indispensable (quoiqu'on ne sache pas qui sont les "autres") : les traductions "protestantes" de la Bible ne suivent pas toutes (loin s'en faut) saint Jérôme et son "ne nous induis pas" ("ne inducas nos"), mais donnent le plus souvent "ne nous laisse pas entrer" ou un équivalent ! Cf. sur l'histoire récente de cette traduction l’article suivant : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/10/14/01016-20131014ARTFIG00547-l-eglise-revoit-le-texte-du-notre-pere.php

  • PS : en fait, à part le détail rappelant la traduction de la version Segond de 1965, l'article du Figaro que je signale ci-dessus n'apporte rien de neuf.

  • PS 2 : Le texte que je cherchais présentant un bref historique est tout simplement celui de Wikipédia (veuillez me pardonner cette nouvelle précision !) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ne_nous_soumets_pas_%C3%A0_la_tentation

    Mais, avant tout, il est utile de consulter le message du Conseil Eglises chrétiennes en France (Cecef) : http://unitedeschretiens.fr/Une-nouvelle-Bible-pour-la,501.html

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